Le spectateur qui n’existait pas

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Avec Capture, on peut s’interroger sur l’intérêt de générer toutes choses 24/7. Quelle différence y aurait-il à simplement faire des enregistrements en très grand nombre ? Pourquoi s’efforcer de produire encore et encore ? Le spectateur verrait-il une quelconque différence dans la mesure où le temps qu’il passe dans l’exposition ne saurait excéder le temps pour consulter la totalité des médias exposés ? N’y a-t-il pas dans l’exposition du flux continu de la génération une attitude technicienne qui privilégie la méthode générative de production sur la nécessaire finitude de la perception ?

Capture confronte le spectateur à une limite qu’il ne saurait atteindre et qu’il ne peut que supposer. Jamais personne ne pourra tout percevoir de Capture, de sorte qu’il y aura peut-être un jour une production ainsi générée de qualité exceptionnelle sans que personne ne soit là pour la percevoir. En ce sens, Capture s’adresse à un spectateur qui n’existe pas et qui aurait les mêmes caractéristiques que la machine générative : une capacité quasi-illimitée d’attention. Or, la perception humaine c’est justement la finitude dont la bordure définie l’orientation dans un monde déterminée. Sans cette pauvreté de la perception, plus de conjonction possible entre le perceptible et le percevant. Sans ce retrait pas de donation.

Avec Capture il faudrait un spectateur sans finitude, c’est-à-dire sans perception, et on comprends ainsi comment Capture produit des choses autonomes, sans lien avec une perception possible. Ce qui est généré a bien lieu, mais sans personne. Ainsi des productions technologiques peuvent devenir en soi et pour soi. C’est le tournant même de la technique faisant de celle-ci non seulement une production ontique (quelque chose advient dans le monde), mais aussi une production de l’ontologie (ce quelque chose transforme la relation entre le retrait et la donation, entre l’étant et l’être).