Orbis Tertius – Galerie Joseph – Paris, France
« À présent j’avais sous la main un vaste fragment méthodique de l’histoire totale d’une planète inconnue, avec ses architectures et ses querelles, avec la frayeur de ses mythologies et la rumeur de la langue, avec ses empereurs et ses mers, avec ses minéraux et ses oiseaux et ses poissons, avec son algèbre et son feu, avec ses controverses théologiques et métaphysiques. Tout cela articulé, cohérent, sans aucune visible intention doctrinale ou parodique »
Jorge Luis Borges, Tlön, Uqbar, Orbis Tertius, Fictions, 1940.
Arnaud Morand, commissaire de l’exposition
Assisté de Marilou Thiebault et de Ali Al Ghazzawi
https://www.e-flux.com/announcements/628813/orbis-tertius/
https://fisheyeimmersive.com/article/orbis-tertius-versions-alternatives-du-monde-arabe/
credit photo : Lorenzo Arrigoni
Artistes :
Maitha Abdalla
Mohammad AlFaraj
Monira Al Qadiri
Daniah Al Saleh
Marlon de Azambuja
Grégory Chatonsky
Salomé Chatriot
Sara Favriau
Talin Hazbar
M’hammed Kilito
Sabine Mirlesse
Leo Orta
Louis-Cyprien Rials
Anhar Salem
Hugo Servanin
Sofiane Si Merabet
Aicha Snoussi
Ittah Yoda
Ayman Zedani
Cette itération du Rêve des pierres offre une expérience cinématographique singulière, présentant un film généré en continu par intelligence artificielle. Cette création perpétuelle s’efforce de combler les lacunes historiques de ce lieu énigmatique, tissant un récit visuel qui oscille entre réalité et fiction. Le spectateur est immergé dans un flux d’images, mêlant des archives contrefactuelles et des photographies simulées.
Les archives contrefactuelles sont élaborées à partir d’un corpus photographique authentique découvert in situ. Ces images, manipulées et réinterprétées par l’IA, créent une nouvelle strate narrative, brouillant les frontières entre le passé réel et un passé imaginé. Parallèlement, des photographies générées artificiellement présentent des œuvres d’art fictives, intégrées dans le paysage désertique environnant. Cette juxtaposition entre le naturel et l’artificiel soulève des questions sur la nature de l’art, son contexte, et sa perception.
Un aspect de cette installation est l’analyse et le commentaire de ces œuvres contrefactuelles par un modèle de langage (LLM) spécialement conçu pour imiter un discours critique et esthétique. Ce commentateur virtuel alterne entre des observations parfois incohérentes et d’autres étonnamment perspicaces, créant ainsi un dialogue complexe entre l’art généré, son interprétation, et le spectateur. Cette récursivité logicielle confronte notre propre réflexivité, provoquant un trouble ironique qui met à nu notre conscience et nos processus de pensée.
Un élément central de l’exposition est une photographie prise dans la Vallée des autruches, un lieu remarquable où coexistent les marques de l’érosion minérale, des dessins rupestres, et des décomptes de troupeaux gravés dans la pierre. Cette image témoigne éloquemment d’un continuum entre le travail incessant de la Terre et l’empreinte humaine, suggérant une forme de collaboration millénaire entre les forces naturelles et l’activité humaine.
Cette photographie a été soumise à un processus d’hallucination par IA, qui y a cherché et projeté d’autres paysages. Le résultat est une parédolie fractale, où des paysages semblent émerger au sein d’autres paysages. Curieusement, ces images générées évoquent fortement des panoramas américains, soulevant des questions intrigantes sur la nature et l’origine des données utilisées pour entraîner ces systèmes d’IA. Cette observation met en lumière les biais potentiels inhérents aux datasets utilisés dans la création d’images par intelligence artificielle.
L’exposition se conclut par une installation sculpturale : deux sculptures préislamiques ont été fidèlement reproduites grâce à des techniques d’impression 3D utilisant du sable. Ces œuvres représentent des formes humaines fragmentaires, leur état incomplet pouvant être interprété de multiples façons. S’agit-il du résultat de processus naturels d’érosion, témoignant du passage inexorable du temps? Ou bien ces fragments sont-ils les vestiges d’actes d’iconoclasme, reflétant les tensions culturelles et religieuses qui ont façonné l’histoire de la région? Cette ambiguïté intentionnelle invite le spectateur à réfléchir sur la fragilité de l’art, de la mémoire, et de l’identité culturelle face aux forces conjuguées de la nature et de l’histoire humaine.
This iteration of Dream of the Stones offers a singular cinematic experience, presenting a film continuously generated by artificial intelligence. This perpetual creation strives to fill in the historical gaps of this enigmatic place, weaving a visual narrative that oscillates between reality and fiction. The viewer is immersed in a flow of images, mixing counterfactual archives and simulated photographs.
The counterfactual archives are based on an authentic photographic corpus discovered in situ. These images, manipulated and reinterpreted by the AI, create a new narrative stratum, blurring the boundaries between the real and imagined past. At the same time, artificially generated photographs present fictitious works of art, integrated into the surrounding desert landscape. This juxtaposition between the natural and the artificial raises questions about the nature of art, its context, and its perception.
One aspect of this installation is the analysis and commentary of these counterfactual works by a language model (LLM) specially designed to mimic critical and aesthetic discourse. This virtual commentator alternates between sometimes incoherent and surprisingly insightful observations, creating a complex dialogue between the generated art, its interpretation, and the viewer. This software recursivity confronts our own reflexivity, provoking an ironic disturbance that lays bare our consciousness and thought processes.
A central element of the exhibition is a photograph taken in the Valley of the Ostriches, a remarkable place where the marks of mineral erosion, rock drawings and herd counts engraved in stone coexist. This image eloquently testifies to a continuum between the incessant work of the Earth and the human imprint, suggesting a form of millennia-old collaboration between natural forces and human activity.
This photograph was subjected to a process of hallucination by AI, who searched for and projected other landscapes onto it. The result is a fractal paredolia, where landscapes seem to emerge from within other landscapes. Curiously, these generated images are strongly reminiscent of American panoramas, raising intriguing questions about the nature and origin of the data used to train these AI systems. This observation highlights the potential biases inherent in the datasets used in artificial intelligence image creation.
The exhibition concludes with a sculptural installation: two pre-Islamic sculptures have been faithfully reproduced using sand-based 3D printing techniques. These works represent fragmentary human forms, their incomplete state open to multiple interpretations. Are they the result of natural erosion processes, testifying to the inexorable passage of time? Or are these fragments the remnants of acts of iconoclasm, reflecting the cultural and religious tensions that have shaped the region’s history? This intentional ambiguity invites viewers to reflect on the fragility of art, memory and cultural identity in the face of the combined forces of nature and human history.