Slave, master and friend

If we look at some of the exhibitions and works that use neural networks as something other than a spectacular and kitschy innovation, and others that seek to question their historical context, we can distinguish three polarities. By polarity, I mean not so much separate categories as elements whose blending defines an aesthetic experiment in a singular way each time.

These polarities are here characters defined by types of relationship with us, relationships in which we are subject and object, active and passive, the technical device being as much influenced by us as we are influenced by it, making it difficult to establish stable identities.


1. Slavery is the most frequent characteristic of AI, which can range from a simple instrumental entity whose relationship is forgotten in use, as in the case of all naive creations that are not problematized, i.e. images generated by AI understood as a means at the service of the creative “genius”, and certain installations where the machine repeats the same operations over and over again in a mixture of obstinacy and fragility. This repetition, strong and at the same time weak, expresses a behavior whose machinic character signals a paradoxical intentionality. In this case, we observe the action of this machine, amused and pitying it, fascinated by the melody of its repetition and servitude.


2. The master is the AI’s second relational character. This is most often a program that will orchestrate a concert, an exhibition, a film, an event or a performance. The AI seems to follow an order, and each agent is subject to it, sometimes with a few feedback loops. This is no longer an isolated character subject to a pre-existing order, as in the case of the slave, but a program that gives instructions and is therefore part of a classical conception of programming: statistics are used here, when they are used at all, only to bring out orders whose expression will be to be carried out by other agents. The master takes on the classic form of the cybernetic program that runs a factory. He is, so to speak, the double delegate of the artist who has inculcated him with his power, only to externalize it.


3. The friend is rarer. It consists of an anthropotechnological conception of the work of art, in which the aim is to create a grey zone between AI and human being, mutually influencing and losing themselves in each other. If this relationship is specific to the artist, it is also expressed for the public, who can no longer determine the position of the two and their own. Friendship is seen as a co-dependency, a tightening of reciprocal relations of influence that implies no fusion between the elements under consideration.

It is no longer a question of dependence, as in the case of the slave, or autonomy, as in the case of the master, but of an equal relationship. For the slave or the master find their model in the artist, they are merely a figure in it, since the relationship is presupposed, and this is why they remain within the framework of a classical aesthetic. In the case of the friend, the relationship is specific and troubled. For this to happen, the artist had to intervene in the AI’s proposals, pursue them and be pursued until he no longer knew what he had done, forgetting him in the pas de deux.

Each of these polarities defines aesthetics, but also a certain conception and praxis of technique: instrumental in the first two cases, experimental in the third. Some remain anthropocentric, the human image constituting their figure, because it is social relations that presuppose them; others are troubled, to the point of putting the very figure of the human in crisis. Some reflect an already constituted image and preserve it, others break the reciprocity of the reflection so that each of the elements, machine and human, can emerge in new figures.


En parcourant certaines expositions et œuvres qui font des réseaux de neurones autre chose qu’une innovation spectaculaire et kitsch, de celles qui cherchent plutôt à les questionner quant à leur contexte historique, on peut les distinguer selon trois polarités. Par polarité, j’entends moins des catégories séparées que des éléments dont le mélange définit à chaque fois de façon singulière une expérimentation esthétique.
Ces polarités sont ici des personnages définis par des types de relation avec nous, relation où nous sommes sujet et objet, actif et passif, le dispositif technique étant autant influencé par nous que nous sommes influencés par lui, rendant difficile la constitution d’identités stables.

1. L’esclave est le caractère le plus fréquent de l’IA qui peut aller de la simple entité instrumentale dont la relation s’oublie dans l’usage, c’est pour ainsi dire le cas de toutes les créations naïves qui ne se problématisent pas, c’est-à-dire les images générées par IA entendue comme un moyen au service du « génie » créateur, et certaines installations où la machine répète encore et encore les mêmes opérations dans un mélange d’obstination et de fragilité. Cette répétition, forte et tout à la fois faible, exprime un comportement dont le caractère machinique signale une intentionnalité paradoxale. Dans ce cas, nous observons l’action de cette machine, amusé et la prenant en pitié, fasciné par la mélopée de sa répétition et de sa servitude.

2. Le maître est le second personnage relationnel de l’IA. Il s’agit le plus souvent d’un programme qui va orchestrer un concert, une exposition, un film, un événement, une performance. L’IA semble suivre un ordre et chaque agent est soumis à celui-ci avec parfois quelques boucles de rétroaction. Il ne s’agit plus d’un personnage isolé et soumis à un ordre préexistant comme dans le cas de l’esclave, mais d’un programme qui donne des instructions et qui relève donc d’une conception classique de la programmation : les statistiques ne sont utilisées ici, quand elles le sont, que pour faire émerger des ordres dont l’expression sera d’être réalisé par d’autres agents. Le maître reprend la figure classique du programme cybernétique qui pilote une usine. Il est pour ainsi dire le double délégué de l’artiste qui lui a inculqué son pouvoir pour l’extérioriser.

3. L’ami.e est plus rare. Il consiste en une conception anthropotechnologique de l’œuvre d’art où il s’agit de faire émerger une zone grise entre l’IA et l’être humain, s’influençant réciproquement et se perdant l’un en l’autre. Si cette relation est propre à l’artiste, elle s’exprime aussi pour le public qui ne parvient plus à déterminer la position des deux et la sienne propre. L’amitié s’approche alors comme une codépendance, un resserrement des relations d’influences réciproques qui n’implique aucune fusion entre les éléments considérés.

Il ne s’agit plus d’une dépendance comme dans le cas de l’esclave ou d’une autonomie comme dans le cas du maître, mais d’une relation à égalité. Car l’esclave ou le maître trouvent leur modèle dans l’artiste, ils n’en sont qu’une figure puisque la relation est présupposée et c’est pourquoi ils restent dans le cadre d’une esthétique classique. Dans le cas de l’ami.e, la relation est spécifique et elle est troublée. Il a fallu pour cela que l’artiste intervienne dans les propositions de l’IA, les poursuivre et se fasse poursuivre jusqu’à ne plus savoir ce qu’il avait fait, l’oubliant dans ce pas de deux.

Chacune de ces polarités définissent des esthétiques, mais aussi une certaine conception et praxis de la technique : instrumentale dans les deux premiers cas, expérimentale dans le troisième cas. Les uns restent anthropocentrées, c’est l’image humaine qui permet de constituer leur figure parce que ce sont les relations sociales qui les présupposent, les autres sont troubles, jusqu’à mettre en crise la figure même de l’humain. Les uns reflètent une image déjà constituée et la préserve, les autres brisent la réciprocité du reflet pour que chacun des éléments, machinique et humain, puisse émerger dans de nouvelles figures.