Histoire espacée

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“Dans la vie, il se dit une foule de choses inutiles, il se fait une foule de gestes superflus. Il n’y a guère de situations nettes; rien ne se passe aussi simplement, ni aussi complètement, ni aussi joliment que nous le voudrions; les scènes empiètent les unes sur les autres; les choses ne commencent ni ne finissent; il n’y a pas de dénouement entièrement satisfaisant, ni de geste absolument décisif, ni de ces mots qui portent et sur lesquels on reste : tous les effets sont gâtés. Telle est la vie humaine.”
(Henri Bergson)

Le transmédia ? Une histoire qui n’est pas un temps mais un espace. Des personnes qui commencent n’importe ou et finissent n’importe ou, et qui n’ont ni début, ni fin, ni milieu. Nulle intensité. Les mains se croisent. Ils ne guérissent de rien et n’en finissent avec rien. Désemparés, ce ne sont pas des re-présentations. Ils abolissent les métaphores. Il n’y a nulle situation, ni entrée, ni sortie parce qu’on ne sait pas comment cela se passera. Ce n’est pas une suite logique d’événements, le principe de causalité est remplacé par la contingence, parfois l’ordre, parfois le chaos, alternance qui suspend l’idée même d’une loi. Cette variation continue ne produit pas des séquences d’événements comme l’histoire classique nous en offrait, il n’y a pas vraiment de pointes, plutôt une répétition qui ne cesse de se différer. Ce qui arrive importe donc peu, le fil est ailleurs, dans cette variation même, dans ce qui répète et dans ce qui différencie, dans le rapport entre les deux. On y verra sans doute un programme qui est dénué de la maîtrise habituellement associée à ce qui oeuvre dans les mathématique, friable, proche de l’effondrement, c’est un efondement, quelque chose qui est sans fondement et sans principe. Et cet ennui n’est pas sans rapport avec l’existence quotidienne qui est une expérience beaucoup moins subjective qu’on ne pourrait le penser. Nous sommes hantés par une masse opaque et anonyme en notre coeur qui parfois nous fait tressaillir. Nous nous ressaisissons rapidement, ce n’était qu’un frisson. Une histoire, des histoires dans un espace, dans des espaces. On peut les parcourir, parfois s’arrêter et voir des suites d’images et de textes. Il y aura à tout instant la possibilité de repartir, mais ce départ est dénué de finalité. Ce n’est pas un jeu, il n’y a pas de mission à remplir, d’objectifs à atteindre, pas d’avatar dans lequel se projeter, il y a cette lente dérive, cette attention excessive et impassible du flâneur. L’ouverture même. N’être rien d’autre que soi, n’être rien d’autre que l’anonyme.