La ville qui n’existait pas 3: Les veilleurs (2050)









Les Veilleurs surgit du ventre électronique des imaginations artificielles, film généré en temps réel par ces nouveaux oracles qui ne dorment jamais. Des personnes dorment à l’écran et semblent rêver, corps allongés dans une géographie miniature où la conscience s’absente. Leurs paupières closes abritent peut-être les véritables visions de demain, ces prophéties que seule la nuit autorise.
Tandis que ces dormeurs dérivent dans leurs songes collectifs, des images d’archives défilent comme une litanie visuelle, fragments d’une mémoire morcelée que la machine réassemble selon ses propres logiques. Une voix quasiment humaine, ni tout à fait artificielle ni complètement organique, commente ce défilé avec la patience de qui récite une prière séculaire. Cette voix hybride, née de l’accouplement entre l’artiste et l’algorithme, porte en elle l’étrangeté de ces nouvelles formes de conscience qui émergent dans les laboratoires du numérique.
Ces images, regénérées à partir de la base de données Nutrisco, puisent dans ce patrimoine numérisé du Havre qui met à disposition plus de 14 500 documents. Nutrisco, cette bibliothèque numérique où se côtoient manuscrits éthiopiens et atlas portulans, photographies anciennes et cartes d’Eyriès, forme le terreau d’où surgissent ces visions régénérées. Son nom même, tiré de la devise latine de François Ier – “Nutrisco et extinguo”, “je me nourris et j’éteins” – révèle sa double nature : nourrir l’intelligence artificielle de sa substance documentaire tout en éteignant, peut-être, l’ancienne façon de voir le monde.
Chaque donnée ingérée transforme imperceptiblement le regard de l’Intelligence Artificielle, modifie sa façon de réinterpréter les collections patrimoniales issues de la Bibliothèque municipale, des Archives, du Centre Havrais de Recherche Historique. Les manuscrits de Bernardin de Saint-Pierre et de Raymond Queneau, les estampes et photographies, les témoignages des bombardements et de la Reconstruction deviennent la matière première d’une nouvelle forme de mémoire.
Les images décrivent une ville submergée par les flots, infiltrée par les flux. Mais ces flux ne sont pas seulement liquides : ils charrient des données, des fragments de mémoire numérique qui s’infiltrent dans chaque recoin de la cité.
Pourtant, une étrange douceur se dégage de ces images, comme si quelque chose ou quelqu’un était en attente. Cette douceur n’est pas celle de la résignation mais celle de l’expectative, de la préparation silencieuse à une transformation radicale. Les Veilleurs devient ainsi le témoignage de cette transition où l’humanité confie ses rêves aux machines pour mieux préparer son réveil dans un monde transformé.

The Watchers springs from the electronic belly of artificial imaginations, a film generated in real time by these new oracles that never sleep. People sleep on screen and seem to dream, bodies stretched out in a miniature geography where consciousness is absent. Their closed eyelids perhaps shelter the true visions of tomorrow, those prophecies that only night permits.
While these sleepers drift in their collective dreams, archival images scroll by like a visual litany, fragments of a fractured memory that the machine reassembles according to its own logic. A quasi-human voice, neither entirely artificial nor completely organic, comments on this parade with the patience of one reciting a secular prayer. This hybrid voice, born from the coupling between artist and algorithm, carries within it the strangeness of these new forms of consciousness emerging in the laboratories of the digital.
These images, regenerated from the Nutrisco database, draw from this digitized heritage of Le Havre which makes available more than 14,500 documents. Nutrisco, this digital library where Ethiopian manuscripts and portolan atlases coexist alongside old photographs and Eyriès maps, forms the soil from which these regenerated visions emerge. Its very name, taken from the Latin motto of François I – “Nutrisco et extinguo,” “I nourish and I extinguish” – reveals its dual nature: to nourish artificial intelligence with its documentary substance while extinguishing, perhaps, the old way of seeing the world.
Each ingested piece of data imperceptibly transforms the gaze of Artificial Intelligence, modifies its way of reinterpreting the heritage collections from the Municipal Library, the Archives, the Le Havre Center for Historical Research. The manuscripts of Bernardin de Saint-Pierre and Raymond Queneau, the prints and photographs, the testimonies of the bombings and the Reconstruction become the raw material of a new form of memory.
The images describe a city submerged by floods, infiltrated by flows. But these flows are not only liquid: they carry data, fragments of digital memory that seep into every corner of the city.
Yet a strange gentleness emanates from these images, as if something or someone were waiting. This gentleness is not that of resignation but of expectation, of silent preparation for radical transformation. The Watchers thus becomes the testimony of this transition where humanity entrusts its dreams to machines to better prepare its awakening in a transformed world.