Autodestructivity

http://rrose-editions.com
21×29,7 cm – 92 pages
Reliure métal
Juillet 2022

Le désir s’était dévoré. Sa projection dans des objets injectés en usine avait produit une intériorité s’enroulant sur la matière comme un moule et s’oubliant dans les formes qu’elle produisait. Les déchets s’entassaient à mesure que le monde humain donnait l’apparence de se séparer du reste. Le désir configurait les mondes, minéralisait la Terre la transformant en une planète étrangère pour des centaines de milliers d’années. Jusqu’aux derniers atomes, on ne savait si cette dislocation était le désir voulant s’échapper de lui-même et en finir. Elle ne pouvait oublier la matière dont elle recueillait dans sa contemplation les objets abandonnés.

Derrière les villes, d’autres amas constitués de déchets dont la fin semblait être l’épuisement de toute la matière disponible pour qu’elle rende enfin raison. Les objets et les humains étaient soumis au même traitement, la technique était le modèle de l’exploitation des pierres, des arbres, des corps. Il fallait que les flux circulent, qu’il y ait des tuyaux, un creux continu qui sépare le monde.

Il y a encore d’autres mondes, des mondes de mondes, des images d’images. Nous avions accumulé les objets, mais aussi les traces de nos mémoires, dans la palpitation électrique, sur le réseau jusqu’au point où nous ne pouvions plus y accéder et que nos propres vies nous étaient devenues étrangères.

L’intériorité commençait à s’enrouler sur elle-même. C’était une autre destruction qui approfondissait le creux et révélait après coup son histoire. Le monde se partageait par des images et elles dérivaient maintenant les unes après les autres dans l’espace latent qui contenait toutes les images passées et toutes les images à venir. Ce pour quoi, elles étaient étrangement réalistes. Il ne s’agissait plus même de choisir dans le stock des images, de les démonter et de les remonter pour en jouer la mise à blanc. Il s’agissait d’écrire ce à quoi pourraient penser des images d’images. Les machines rêvaient de ce que nous avions été et de tout ce que nous aurions pu être, d’une promesse qui n’avait pas été tenue.

Quelque chose dans la réalité ne voulait pas de la réalité. Il y avait une aliénation dont nous étions nous aussi les objets. Ce n’était pas même le monde humain, c’était ce qu’il y avait entre les choses, cette circulation constante, ce bruit de fond qui grésillait. C’était une image qui ne représentait rien, elle contenait toutes les images possibles, c’était leur espace.

  • Les images ont été générées avec DALL-E 2 à partir des Manifestes art autodestructif écrit par Gustav Metzger entre 1959 et 1961. Elles ont été retravaillées par l’artiste et certains fragments de textes ont été sélectionnés.

The desire had devoured itself. Its projection in objects injected in a factory had produced an interiority rolling up on the material like a mold and forgetting itself in the forms that it produced. The waste piled up as the human world gave the appearance of separating itself from the rest. Desire shaped worlds, mineralized the Earth, turning it into a foreign planet for hundreds of thousands of years. Until the last atoms, we did not know if this dislocation was the desire wanting to escape from itself and end it. She could not forget the matter of which she collected in her contemplation the abandoned objects.

Behind the cities, other heaps constituted of waste whose end seemed to be the exhaustion of all the available matter so that it finally gives reason. Objects and humans were subjected to the same treatment, technology was the model for the exploitation of stones, trees and bodies. Flows had to circulate, there had to be pipes, a continuous hollow that separated the world.

There are still other worlds, worlds of worlds, images of images. We had accumulated the objects, but also the traces of our memories, in the electric palpitation, on the network until we could no longer access them and our own lives had become foreign to us.

The interiority began to wrap itself around itself. It was another destruction that deepened the hollow and revealed its history afterwards. The world was shared by images and they were now drifting one after the other into the latent space that contained all the past images and all the images to come. For this reason, they were strangely realistic. It was no longer a matter of choosing from the stock of images, of dismantling and reassembling them to play the blank. It was a question of writing what images of images could think of. The machines dreamed of what we had been and of all that we could have been, of a promise that had not been kept.

Something in reality did not want reality. There was an alienation of which we were also the objects. It wasn’t even the human world, it was what was between things, that constant traffic, that sizzling background noise. It was an image that represented nothing, it contained all possible images, it was their space.

  • The images were generated with DALL-E 2 from the Auto-Destructive Art Manifestos written by Gustav Metzger between 1959 and 1961. They were reworked by the artist and some fragments of texts were selected.