L’alignement comme fin de l’art / Alignment as the end of the art

L’alignement en IA se définit comme la corrélation plus ou moins stratifiée et complexe entre ce que demande l’opérateur humain et ce que produit la machine. Il est donc synonyme de la conception instrumentale et anthropologique de la technique déterminée par Aristote et qui a définit majoritairement l’idéologie occidentale.

Dans le champ artistique, l’alignement a des conséquences contradictoires. En effet, on peut remarquer qu’à mesure que les IA génératives semblent produire des images et des textes qui correspondent aux demandes des utilisateurs, le résultat est de moins en moins artistique et de plus en plus « arty », c-a-d ressemble à un pastiche. Ainsi, GPT-3 est moins « performant » que GPT-2 pour coécrire un roman parce qu’il est moins bruité, plus correct, plus aligné et produit donc des résultats plus attendus. MidJourney qui a été développé par des créatifs pour générer des résultats artistiques, produit finalement des images kitsch et pâteuses avec un effet de light fluffy fort reconnaissable qui «font» artistiques plutôt qu’elles ne permettent d’expérimenter artistique.

La tension entre l’alignement de l’IA, c-a-d l’adaptation de la machine aux demandes des utilisateurs, et l’expérimentation artistique véritable est liée au fait que les pratiques artistiques, si elles sont techniques, ne sont pas instrumentales mais expérimentales : elles constituent une épochê de la volonté nommée imagination. En effet, l’artiste n’a pas une idée précise en tête qu’il souhaite réaliser, mais une vague silhouette qu’il expérimente et dont le projet, la figure, va changer du fait de cette pratique heuristique où des boucles de rétroaction se mettent en place entre le projet et sa réalisation, cette dernière venant influencer le premier sans qu’on puisse, au bout du compte, savoir lequel est l’origine de l’autre.

Cette tension a pour conséquence paradoxale que l’avancée de l’alignement limite de plus en plus le champ de l’expérimentation artistique en produisant des résultats qui « font » de plus en plus artistiques, c’est-à-dire qui ressemblent de plus en plus à ce qu’on attend et à ce qu’on connaît déjà de l’art. L’alignement est donc, au sens strict, une nouvelle forme d’académisme artistique.

Les exemples de cette confusion entre expérimentation artistique et répétition académique se multiplient et les médias de masse en sont le symptôme. Quand un journaliste explique que les résultats de l’IA en vidéo sont décevants (https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/06/08/les-debuts-maladroits-des-videos-generees-par-l-intelligence-artificielle_6176756_4408996.html) c’est qu’il prend comme modèle l’alignement d’une vidéo non-générée plutôt qu’il n’explore en artiste la singularité des vidéos génératives pour former un nouveau type.

L’IA a le potentiel d’être une machine académique ou expérimental, et rien, si ce n’est la place respective de l’art et de la technique ne permettra de départager historiquement l’un de l’autre pour que notre époque apparaisse comme une farce tragique ou une architecture des possibles à venir.

Alignment in AI is defined as the more or less stratified and complex correlation between what the human operator demands and what the machine produces. It is therefore synonymous with the instrumental and anthropological conception of technology determined by Aristotle, and which has largely defined Western ideology.

In the field of art, alignment has contradictory consequences. Indeed, as generative AIs seem to produce images and texts that correspond to user demands, the result is less and less artistic and more and more “arty”, i.e. pastiche-like. As a result, GPT-3 is less “efficient” than GPT-2 for co-writing a novel, because it is less noisy, more correct, more aligned and therefore produces more expected results. MidJourney, which was developed by creatives to generate artistic results, ultimately produces kitschy, pasty images with a highly recognizable light fluffy effect that “look” artistic rather than allowing artistic experimentation.
The tension between AI alignment, i.e. adapting the machine to user demands, and genuine artistic experimentation is linked to the fact that artistic practices, while technical, are not instrumental but experimental: they constitute an epochê of the will called imagination. Indeed, the artist does not have a precise idea in mind that he wishes to realize, but a vague outline that he experiments with, and whose project, figure, will change as a result of this heuristic practice where feedback loops are set up between the project and its realization, the latter influencing the former without it being possible, at the end of the day, to know which is the origin of the other.

The paradoxical consequence of this tension is that the advance of alignment increasingly limits the field of artistic experimentation, producing results that “look” more and more artistic, i.e. more and more like what we already know and expect from art. Strictly speaking, alignment is a new form of artistic academicism.

Examples of this confusion between artistic experimentation and academic repetition are multiplying, and the mass media are a symptom of this. When a journalist explains that the results of AI in video are disappointing (https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/06/08/les-debuts-maladroits-des-videos-generees-par-l-intelligence-artificielle_6176756_4408996.html), it’s because he’s taking as his model the alignment of a non-generated video, rather than exploring as an artist the singularity of generative videos to form a new type.

AI has the potential to be either an academic or an experimental machine, and nothing except the respective place of art and technology will allow us to historically separate one from the other, so that our era appears as a tragic farce or an architecture of future possibilities.