Readymade et API
Suite à une modification de l’API pour Flash dans Twitter, avec une restriction du crossdomain.xml, j’ai dû retravailler Waiting en passant le XML par du PHP.
Ça y est je parle chinois…
Cet aspect technique révèle pour ainsi dire une nouvelle étape du readymade, que j’avais déjà signalé il y a quelques temps. Si le readymade est au début une blague, inventée par le salon des incohérents et repris par Marcel Duchamp (Marc Partouche, La Ligne oubliée, bohèmes, avant-gardes et art contemporain de 1830 à nos jours, Romainville, Al Dante, coll. &, 2004), son génie fut de montrer combien le contexte modelait la perception de l’oeuvre et d’ainsi s’amuser dans un clin d’oeil critique des effets d’autorité, de validation, de justification. Retourner donc la perception sur elle-même, elle revient sur ses propres effets et la déstabilise, la rendant sensible à elle-même. Il y a avait aussi une fascination pour l’industrialisation des biens manufacturés, l’idée que la production artistique était fragile face aux moyens et à la beauté industrielle (Brancusi contre Etats-Unis, un procès historique 1928, Adam Biro, Paris, 1995), idée que l’on retrouvera dans le pop art.
Le readymade fonctionnait par déplacement révélateur: prendre un objet inadapté à un contexte pour témoigner de la puissance et des capacités de ce contexte, de sa forme, de ses fonctionnements. Lorsqu’un travail artistique intègre un flux de données, il y a là aussi l’ouverture à un contexte donné. Le dispositif devient dépendant de ce flux, et cette dépendance peut prendre la forme désagréable d’une instabilité, obligeant, comme j’ai dû le faire, à modifier le dispositif technique quand le flux de données est modifié par son propriétaire. Ceci a des implications importantes d’un point de vue de la production artistique: le médium, dans sa technicité, est dépendant d’un autre médium sur lequel on a habituellement pas de prise. Cette dépendance est persistante, elle continue dans le présent et rend le dispositif instable dans le temps, il pourra disparaître non par une dysfonctionnement interne ou par l’usure comme c’est habituellement le cas pour une oeuvre d’art, mais par un dysfonctionnement externe. Ce caractère exogène implique, d’un point de vue esthétique, une non-immanence du dispositif en flux: comment considérer l’oeuvre d’art comme consistant et persistant en elle, devant parler par elle-même, ce qui est la vision du sens commun, quand son médium même est exogène et dépendant?
Ce n’est pas là simplement une question technique ou régionale, car cette dépendance doit être articulée avec ce sentiment existentiel plus général que nous avons face aux flux d’informations et de toutes sortes, le sentiment que nous sommes débordés, dépendant et en quelque sorte impuissant face à un monde sur-informé.
En ce sens, la logique esthétique du flux est une continuation et un retournement du Readymade, et pour ainsi dire un naturalisme: non pas déplacer un objet dans la force d’un contexte artistique mais déplacer un dispositif artistique dans un contexte composite (il peut y avoir plusieurs flux) qui n’est pas artistique.