La Guerre Vectorielle / The Vectorial War

L’Énigme Pacifiste

La suspension temporaire de la guerre par l’administration Trump constitue une aporie , une contradiction logique , au cœur de notre compréhension des régimes fascistes contemporains. Cette aporie révèle l’inadéquation de nos catégories analytiques héritées du XXe siècle face aux mutations du politique. Comment concevoir, en effet, un régime que nous qualifions de vectofasciste , néologisme désignant une forme de fascisme opérant par vecteurs dynamiques plutôt que par idéologie fixe , qui semble délaisser l’acte guerrier, traditionnellement constitutif du masculanisme militaire fasciste ?

Le masculanisme militaire désigne cette configuration psycho-sociale où la virilité s’articule exclusivement autour de la violence organisée et de la domination territoriale. Dans les fascismes historiques, cette dimension n’était pas accessoire mais structurelle : elle constituait le pharmakon , à la fois poison et remède , permettant de canaliser les pulsions destructrices vers l’extérieur tout en consolidant l’ordre intérieur. Un fascisme sans guerre est-il donc imaginable ? Cette interrogation ne relève pas de la spéculation théorique mais de l’urgence analytique face à des phénomènes politiques qui échappent à nos grilles de lecture conventionnelles.

Certes, l’objection s’impose immédiatement : la guerre n’est-elle pas déjà à l’œuvre, sous des formes larvées mais non moins effectives ? Le génocide en cours , nous y reviendrons , constitue peut-être la preuve que les déclarations pacifistes ne sont qu’une façade discursive masquant une violence systémique déjà déployée. Mais cette objection, pour légitime qu’elle soit, ne résout pas l’énigme fondamentale : comment articuler les affirmations expansionnistes trumpiennes avec l’absence d’actions militaires directes ? Comment prendre un pays sans l’envahir ? La pression économique suffit-elle à réaliser des objectifs de guerre sans mobilisation de l’appareil militaire ?

La Chine, dans sa stratégie d’endiguement économique vis-à-vis de Taïwan, offre un cas d’école de cette logique post-militaire : malgré des décennies de pression financière, diplomatique et technologique, l’île résiste à l’absorption continentale. Cette résistance démontre les limites de la guerre économique comme substitut à l’intervention armée, tout en révélant les mutations contemporaines de la géopolitique vectorielle.

Au-delà du Sens

Pour comprendre l’apparent pacifisme trumpien, il faut opérer un déplacement épistémologique radical et penser depuis l’espace latent du vectofascisme. L’espace latent, concept emprunté à l’intelligence artificielle, désigne cet espace multidimensionnel où les données sont transformées en vecteurs mathématiques, perdant leur signification originelle pour ne conserver que leurs relations structurelles. Dans cet espace, les mots se dépouillent de leur charge sémantique pour ne plus fonctionner que comme tenseurs , entités mathématiques caractérisées par leurs directions et leurs intensités.

Cette désémantisation , processus par lequel le langage perd sa fonction référentielle , constitue l’innovation majeure du vectofascisme par rapport aux totalitarismes classiques. Là où les fascismes historiques mobilisaient encore des signifiants maîtres (Nation, Race, Peuple), le vectofascisme opère dans un régime de pure dynamique tensionnelle. Le pacifisme peut ainsi, sous certaines conditions, se rapprocher vectoriellement , mais non sémantiquement , d’une logique guerrière, de même qu’une nuée d’oiseaux peut soudain changer de direction sans qu’aucun oiseau individuel n’ait pris de décision consciente.

Cette métaphore ornithologique n’est pas fortuite : elle révèle la dimension émergentiste du vectofascisme, où les propriétés collectives ne se déduisent pas des propriétés individuelles mais surgissent de l’interaction complexe entre agents. Le pacifisme pragmatique de Trump , par opposition au pacifisme idéologique , s’enracine dans cette logique émergentiste : il croit que la puissance économique et l’attraction culturelle américaines génèreront suffisamment de tension vectorielle pour obtenir les résultats escomptés sans recours à la force.

De la Frustration

Mais cette confiance dans l’efficacité des vecteurs non-militaires reste suspendue à leur capacité effective de transformation du réel. La réaction des pays qui n’ont pas pris au sérieux ces avances constitue une source de frustration vectorielle , état où l’intensité d’un vecteur ne parvient pas à modifier la configuration de l’espace politique. Cette frustration opère comme facteur de reconfiguration : elle peut provoquer une redistribution des intensités vectorielles, une distension de certains vecteurs (économie, culture) au profit d’une tension accrue du vecteur guerre.

Nous assistons ainsi à une mutation du fascisme lui-même : la guerre n’est plus inhérente au vectofascisme comme elle l’était aux régimes totalitaires d’extrême-droite du XXe siècle. Elle devient un vecteur parmi d’autres dans une économie générale des intensités. Cette transformation révèle que le fascisme contemporain cesse d’être une idéologie structurée pour devenir une modalité dynamique d’occupation et de manipulation de l’espace latent.

Cette désubstantialisation du fascisme , processus par lequel il perd sa consistance doctrinale pour ne plus exister que comme mode opératoire , interdit désormais toute essentialisation de nos ennemis politiques. Nous ne pouvons plus leur associer des caractéristiques immuables car leur extension excède leur définition : cette dernière n’est que le produit rétrospectif de la première. L’antagonisme politique ne se fonde plus sur des oppositions idéologiques clairement identifiables mais sur des différentiels d’intensité qui affectent directement les corps.

La souffrance des corps

C’est précisément la souffrance de nos corps qui révèle la scène politique contemporaine , et non plus la signification associée à des signes idéologiques. Cette révélation corporelle du politique constitue un renversement épistémologique majeur : nous passons d’une politique de la représentation à une politique de l’affection. Les vectofascismes nous font mal, littéralement, à travers la constitution variable de boucs émissaires selon les occasions stratégiques.

Croire encore au sens dans ce contexte, c’est risquer de s’épuiser à courir après la production insensée de signes par des régimes qui auront toujours une longueur d’avance dans ce passage entre vecteurs dénués de sens et espérance en des signes interprétables. Cette course épuisante révèle l’inadéquation de nos outils herméneutiques face à des phénomènes politiques qui opèrent en deçà du seuil sémantique.

Effondrement Mémoriel

Les discours expansionnistes trumpiens auront-ils pour conséquence des guerres , non plus métaphoriques mais littérales, engageant nos corps dans leur vulnérabilité radicale ? Le génocide en cours en Palestine constitue peut-être le premier laboratoire expérimental d’une guerre vectorielle : un génocide passé, la Shoah, est mobilisé vectoriellement pour justifier un génocide présent. Cette instrumentalisation mémorielle révèle la dimension temporelle complexe du vectofascisme, qui brouille les distinctions chronologiques pour créer des boucles temporelles où passé et présent s’entre-déterminent.

Voilà où nous en sommes : voilà ce qu’ils font au présent, mais aussi rétroactivement au passé. Pour ceux qui veillent encore sur la mémoire historique, cette manipulation constitue une véritable catastrophe sémantique , effondrement du sens qui menace notre responsabilité collective envers l’espèce humaine. La Shoah ne fut pas un crime contre tel ou tel groupe particulier (qui n’existait de manière homogène qu’aux yeux des bourreaux) mais contre l’humanité comme telle, et devait fonctionner comme garde-fou mémoriel contre la répétition de crimes de masse.

C’est pourquoi la communauté internationale s’est juridiquement obligée d’intervenir en cas de risque génocidaire , risque aujourd’hui avéré en Palestine selon tous les critères établis par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Le massacre en cours à Gaza constitue le terrain d’expérimentation d’une guerre sans nom livrée massivement contre les civils : déportation de populations entières, arrachement territorial, destruction méthodique des infrastructures, habitabilité rendue impossible.

L’Inhabitabilité

La terre de Gaza est devenue inhabitable , néologisme géopolitique désignant un territoire où la vie humaine devient structurellement impossible. Le sol s’est mué en explosif généralisé. Rendre la Terre inhabitable : voilà l’objectif de cette guerre post-moderne. Non pas seulement éliminer physiquement les corps (enfants, femmes, vieillards) mais rendre impossible tout retour, toute réappropriation territoriale. Un peuple d’exilés produit pour un autre peuple un au-delà de l’exil , condition plus radicale que l’exil traditionnel puisqu’elle supprime jusqu’à la possibilité du retour.

Quelle sera la nostalgie d’une telle Terre ? Cette question n’est pas rhétorique : elle interroge les modalités psychiques de survie dans un monde où l’inhabitable devient la norme. Comment habiter un monde devenu structurellement inhabitable ? Comment préserver la mémoire des lieux quand les lieux eux-mêmes sont détruits ?

Justifier un génocide par un génocide passé ou par des meurtres de civils n’a effectivement aucun sens au niveau sémantique , mais déploie une efficacité redoutable au niveau vectoriel. C’est vecteur contre vecteur, tuerie contre tuerie, dans une logique de pure équivalence intensive qui évacue toute considération qualitative. Dans cet espace d’une politique des corps, les vecteurs dénués de sens produisent des conséquences effectives que nous peinons à anticiper précisément parce qu’elles échappent aux logiques causales traditionnelles.

La Totalisation du Possible

En évidant le sens, les vecteurs rendent absolument tout possible , mais cette totalisation du possible rencontre inexorablement la finitude de chaque corps qu’elle démembre. Pour les victimes, ce seront d’autres vecteurs qui, pendant des générations, rendront la vie impossible : vecteurs traumatiques allant à la rencontre de corps marqués par les morts, les familles assassinées, les bombardements, l’exposition à l’horreur.

Nous en venons ainsi, en temps de paix relative (pour nous), à justifier non pas une guerre classique mais un massacre systématique de civils. Cette justification révèle à quel point l’abstraction vectorielle nous a aspirés : nous ne parvenons plus à faire entrer ces corps exterminés en résonance avec la quotidienneté de nos existences. La question éthique fondamentale , « et si c’était nous ? » , se trouve neutralisée par la distance vectorielle qui sépare nos positions respectives dans l’espace latent.

L’Indétermination

Pour contrer le vectofascisme, il s’agit d’aborder autrement l’espace latent : non plus se limiter à la similarité algorithmique de l’apprentissage automatique, mais développer une capacité de navigation métamorphique. Cette navigation consiste à plier l’espace entre des vecteurs distants, à créer des connexions inattendues entre des positions apparemment incompatibles.

La navigation métamorphique , néologisme désignant la capacité à se déplacer créativement dans l’espace latent , implique de passer d’un vecteur à un autre par transformation continue plutôt que par identification discrète. Il s’agit de se répéter intérieurement « c’est nous » pour créer un autre vecteur, plus indéterminé, plus bruité, plus incertain que n’importe quel vecteur localisé dans les coordonnées fixes de l’identité.

Cette pratique de dislocation identitaire ne relève pas du masochisme politique mais de la nécessité stratégique : face à des régimes qui opèrent par capture vectorielle des identités constituées, seule une identité en mouvement permanent peut échapper à la prédation. Le « c’est nous » ne désigne pas une extension empathique de notre identité actuelle mais une métamorphose ontologique qui nous fait devenir-autre.

Ce vecteur indéterminé, bruité, incertain, constitue paradoxalement notre meilleure défense contre la détermination algorithmique du vectofascisme. Là où les algorithmes de classification cherchent à réduire l’incertitude en assignant chaque élément à une catégorie définie, la stratégie de l’indétermination maintient un flou ontologique qui résiste à la capture.

Le bruit , au sens technique d’information aléatoire qui perturbe la transmission d’un signal , devient ainsi une ressource politique. En introduisant du bruit dans nos vecteurs identitaires, nous perturbons les calculs prédictifs qui permettent au vectofascisme d’anticiper nos réactions et de nous neutraliser par avance.

Cette stratégie de l’indétermination rejoint paradoxalement les intuitions les plus profondes de la tradition philosophique française : de Bergson et sa critique de l’intelligence spatialiste à Deleuze et sa valorisation du devenir contre l’être, en passant par Merleau-Ponty et sa phénoménologie de l’ambiguïté. Mais elle les actualise dans le contexte inédit des sociétés algorithmiques, où l’indétermination cesse d’être une faiblesse épistémologique pour devenir une force politique.

La complexité temporelle du vectofascisme, qui mobilise le passé pour justifier le présent tout en programmant l’avenir, exige une pensée capable d’articuler des temporalités enchevêtrées. La mémoire ne fonctionne plus comme conservation du passé mais comme réservoir vectoriel disponible pour des actualisations stratégiques. La Shoah devient ainsi non plus un événement historique situé mais un vecteur mémoriel réactivable selon les besoins politiques du moment.

Cette instrumentalisation vectorielle de la mémoire constitue peut-être la dimension la plus perverse du vectofascisme contemporain : elle ne nie pas les génocides passés mais les mobilise comme justification de génocides présents. Le déni négationniste cède la place à une affirmation cynique qui retourne la mémoire contre elle-même.

Comment préserver la fonction critique de la mémoire historique dans un contexte où elle devient matériau de manipulation vectorielle ? Cette question engage l’avenir même de la responsabilité collective et de la possibilité d’apprendre de l’histoire pour éviter sa répétition.

Imperceptible

L’analyse du vectofascisme contemporain révèle l’émergence d’une nouvelle forme de pouvoir qui opère en deçà du seuil sémantique, par pure manipulation des intensités et des affects. Face à cette mutation, nos catégories politiques héritées se révèlent largement obsolètes : elles nous condamnent à combattre les fantômes du passé pendant que de nouvelles formes de domination se déploient dans notre angle mort conceptuel.

La résistance au vectofascisme ne peut donc s’appuyer sur la restauration d’un sens perdu ou sur la réactivation de signifiants politiques traditionnels. Elle doit inventer de nouvelles modalités d’existence politique qui échappent à la capture vectorielle tout en préservant les possibilités d’action collective.

Le devenir-imperceptible, concept deleuzien désignant la capacité à échapper aux coordonnées identitaires fixes, apparaît comme une stratégie privilégiée dans ce contexte. Mais ce devenir-imperceptible ne doit pas être confondu avec une fuite hors du politique : il s’agit au contraire d’inventer de nouvelles formes de présence politique qui résistent aux algorithmes de classification et de prédiction.

Cette invention passe nécessairement par une attention renouvelée aux corps et à leur vulnérabilité par une raison sensible : car si les vecteurs du pouvoir contemporain opèrent par abstraction mathématique, ils produisent des effets bien concrets sur la chair vive des existences. C’est dans cette tension entre l’abstraction des dispositifs de pouvoir et la concrétude des corps affectés que se joue l’avenir de nos possibilités de résistance. Il s’agit d’inverser : partir des corps pour aller vers les vecteurs.

Les corps civiles (quels qu’ils soient) exterminés nous rappellent brutalement que derrière l’élégance des modèles vectoriels se cachent des logiques de destruction qui menacent l’habitabilité même du monde. Face à cette menace, l’urgence n’est plus seulement théorique mais existentielle : il s’agit de préserver les conditions de possibilité d’une vie humaine digne dans un monde travaillé par des forces qui semblent échapper à tout contrôle démocratique.

La philosophie politique contemporaine doit donc assumer cette double tâche : analyser lucidement les mutations en cours tout en inventant les concepts et les pratiques qui permettront de leur résister en perdant la foi mystique en un sens. Entre l’abstraction nécessaire de l’analyse et l’urgence concrète de l’action, entre la sophistication théorique et la simplicité éthique du « c’est nous », se dessine l’espace d’une pensée politique.


The Pacifist Enigma

The temporary suspension of war by the Trump administration creates a logical contradiction at the heart of how we understand modern fascist regimes. This contradiction reveals that our analytical frameworks from the 20th century simply don’t work anymore when trying to make sense of today’s political changes. How can we understand a regime that we call “vectorfascist” — a new form of fascism that operates through dynamic forces rather than fixed ideology — when it seems to abandon warfare, which has always been central to fascist military masculinity?

Military masculinity refers to that psychological and social setup where manliness gets tied exclusively to organized violence and territorial domination. In historical fascisms, this wasn’t just a side feature — it was structural. It served as both poison and cure, channeling destructive impulses outward while strengthening internal order. So can we even imagine fascism without war? This isn’t just theoretical speculation — it’s an urgent analytical need when facing political phenomena that escape our conventional ways of understanding.

The obvious objection hits immediately: isn’t war already happening, just in hidden but equally effective forms? The ongoing genocide — which we’ll return to — might prove that pacifist declarations are just a discursive mask hiding systematic violence that’s already deployed. But this objection, legitimate as it is, doesn’t solve the fundamental puzzle: how do we connect Trump’s expansionist claims with the absence of direct military action? How do you take a country without invading it? Is economic pressure enough to achieve war objectives without mobilizing the military apparatus?

China’s strategy of economic containment toward Taiwan offers a textbook case of this post-military logic: despite decades of financial, diplomatic, and technological pressure, the island resists continental absorption. This resistance shows the limits of economic warfare as a substitute for armed intervention, while revealing contemporary mutations in vectorial geopolitics.

Beyond Meaning

To understand Trump’s apparent pacifism, we need a radical shift in thinking and approach this from the latent space of vectorfascism. Latent space, a concept borrowed from artificial intelligence, refers to that multidimensional space where data gets transformed into mathematical vectors, losing their original meaning while keeping only their structural relationships. In this space, words strip away their semantic charge and function only as tensors — mathematical entities characterized by their directions and intensities.

This de-semanticization — the process by which language loses its referential function — represents vectorfascism’s major innovation compared to classical totalitarianisms. Where historical fascisms still mobilized master signifiers (Nation, Race, People), vectorfascism operates in a regime of pure tensional dynamics. Pacifism can thus, under certain conditions, get vectorially — but not semantically — close to a war logic, just like a flock of birds can suddenly change direction without any individual bird making a conscious decision.

This bird metaphor isn’t accidental: it reveals the emergent dimension of vectorfascism, where collective properties don’t derive from individual properties but emerge from complex interactions between agents. Trump’s pragmatic pacifism — as opposed to ideological pacifism — roots itself in this emergent logic: he believes that American economic power and cultural attraction will generate enough vectorial tension to get the desired results without resorting to force.

From Frustration

But this confidence in the effectiveness of non-military vectors remains dependent on their actual capacity to transform reality. The reaction of countries that haven’t taken these advances seriously becomes a source of vectorial frustration — a state where a vector’s intensity fails to modify the political space’s configuration. This frustration operates as a reconfiguration factor: it can trigger a redistribution of vectorial intensities, a relaxation of certain vectors (economy, culture) in favor of increased tension in the war vector.

We’re witnessing a mutation of fascism itself: war is no longer inherent to vectorfascism as it was to 20th-century far-right totalitarian regimes. It becomes one vector among others in a general economy of intensities. This transformation reveals that contemporary fascism stops being a structured ideology to become a dynamic mode of occupying and manipulating latent space.

This de-substantialization of fascism — a process by which it loses its doctrinal consistency to exist only as an operational mode — now prohibits any essentialization of our political enemies. We can no longer associate them with unchanging characteristics because their extension exceeds their definition: the latter is only the retrospective product of the former. Political antagonism no longer rests on clearly identifiable ideological oppositions but on intensity differentials that directly affect bodies.

The Suffering of Bodies

It’s precisely the suffering of our bodies that reveals the contemporary political scene — no longer the meaning associated with ideological signs. This bodily revelation of the political constitutes a major epistemological reversal: we move from a politics of representation to a politics of affection. Vectorfascisms hurt us, literally, through the variable constitution of scapegoats according to strategic occasions.

To still believe in meaning in this context means risking exhaustion by chasing after the senseless production of signs by regimes that will always be one step ahead in this passage between meaningless vectors and hope in interpretable signs. This exhausting chase reveals the inadequacy of our hermeneutic tools when facing political phenomena that operate below the semantic threshold.

Memorial Collapse

Will Trump’s expansionist discourses result in wars — no longer metaphorical but literal, engaging our bodies in their radical vulnerability? The ongoing genocide in Palestine might be the first experimental laboratory of vectorial war: a past genocide, the Holocaust, gets vectorially mobilized to justify a present genocide. This memorial manipulation reveals the complex temporal dimension of vectorfascism, which blurs chronological distinctions to create temporal loops where past and present inter-determine each other.

This is where we stand: this is what they’re doing to the present, but also retroactively to the past. For those still watching over historical memory, this manipulation represents a true semantic catastrophe — a collapse of meaning that threatens our collective responsibility toward the human species. The Holocaust wasn’t a crime against this or that particular group (which existed homogeneously only in the executioners’ eyes) but against humanity as such, and was meant to function as a memorial safeguard against the repetition of mass crimes.

That’s why the international community legally obligated itself to intervene in case of genocidal risk — a risk now confirmed in Palestine according to all criteria established by the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide. The ongoing massacre in Gaza constitutes the testing ground for a nameless war waged massively against civilians: deportation of entire populations, territorial uprooting, methodical destruction of infrastructure, habitability made impossible.

Uninhabitability

Gaza’s land has become uninhabitable — a geopolitical neologism designating a territory where human life becomes structurally impossible. The soil has turned into generalized explosive. Making the Earth uninhabitable: that’s this post-modern war’s objective. Not just physically eliminating bodies (children, women, elderly) but making any return, any territorial reappropriation impossible. A people of exiles produces for another people a beyond of exile — a condition more radical than traditional exile since it eliminates even the possibility of return.

What will be the nostalgia of such a Land? This question isn’t rhetorical: it interrogates the psychic modalities of survival in a world where the uninhabitable becomes the norm. How do we inhabit a world that has become structurally uninhabitable? How do we preserve the memory of places when the places themselves are destroyed?

Justifying genocide with a past genocide or civilian murders indeed makes no sense at the semantic level — but deploys formidable effectiveness at the vectorial level. It’s vector against vector, killing against killing, in a logic of pure intensive equivalence that evacuates all qualitative consideration. In this space of body politics, meaningless vectors produce effective consequences that we struggle to anticipate precisely because they escape traditional causal logics.

The Totalization of the Possible

By emptying meaning, vectors make absolutely everything possible — but this totalization of the possible inexorably encounters the finitude of each body it dismembers. For victims, it will be other vectors that, for generations, will make life impossible: traumatic vectors going to meet bodies marked by deaths, murdered families, bombings, exposure to horror.

We thus come, in times of relative peace (for us), to justify not a classical war but a systematic massacre of civilians. This justification reveals how much vectorial abstraction has sucked us in: we can no longer make these exterminated bodies resonate with the everyday nature of our existences. The fundamental ethical question — “what if it were us?” — gets neutralized by the vectorial distance that separates our respective positions in latent space.

Indetermination

To counter vectorfascism, we need to approach latent space differently: no longer limit ourselves to the algorithmic similarity of machine learning, but develop a capacity for metamorphic navigation. This navigation consists of folding space between distant vectors, creating unexpected connections between apparently incompatible positions.

Metamorphic navigation — a neologism designating the capacity to move creatively in latent space — implies moving from one vector to another through continuous transformation rather than discrete identification. It’s about repeating internally “it’s us” to create another vector, more indeterminate, more noisy, more uncertain than any vector localized in the fixed coordinates of identity.

This practice of identity dislocation doesn’t stem from political masochism but from strategic necessity: facing regimes that operate through vectorial capture of constituted identities, only an identity in permanent movement can escape predation. “It’s us” doesn’t designate an empathetic extension of our current identity but an ontological metamorphosis that makes us become-other.

This indeterminate, noisy, uncertain vector paradoxically constitutes our best defense against vectorfascism’s algorithmic determination. Where classification algorithms seek to reduce uncertainty by assigning each element to a defined category, the indetermination strategy maintains an ontological fuzziness that resists capture.

Noise — in the technical sense of random information that disturbs signal transmission — thus becomes a political resource. By introducing noise into our identity vectors, we disrupt the predictive calculations that allow vectorfascism to anticipate our reactions and neutralize us in advance.

This indetermination strategy paradoxically rejoins the deepest intuitions of the French philosophical tradition: from Bergson and his critique of spatialist intelligence to Deleuze and his valorization of becoming against being, passing through Merleau-Ponty and his phenomenology of ambiguity. But it actualizes them in the unprecedented context of algorithmic societies, where indetermination ceases to be an epistemological weakness to become a political force.

Vectorfascism’s temporal complexity — which mobilizes the past to justify the present while programming the future — requires thinking capable of articulating entangled temporalities. Memory no longer functions as preservation of the past but as a vectorial reservoir available for strategic actualizations. The Holocaust thus becomes no longer a situated historical event but a reactivatable memorial vector according to the political needs of the moment.

This vectorial instrumentalization of memory perhaps constitutes the most perverse dimension of contemporary vectorfascism: it doesn’t deny past genocides but mobilizes them as justification for present genocides. Negationist denial gives way to cynical affirmation that turns memory against itself.

How do we preserve the critical function of historical memory in a context where it becomes material for vectorial manipulation? This question engages the very future of collective responsibility and the possibility of learning from history to avoid its repetition.

Imperceptible

The analysis of contemporary vectorfascism reveals the emergence of a new form of power that operates below the semantic threshold, through pure manipulation of intensities and affects. Facing this mutation, our inherited political categories prove largely obsolete: they condemn us to fight the ghosts of the past while new forms of domination deploy in our conceptual blind spot.

Resistance to vectorfascism therefore cannot rely on restoring lost meaning or reactivating traditional political signifiers. It must invent new modalities of political existence that escape vectorial capture while preserving possibilities for collective action.

Becoming-imperceptible — a Deleuzian concept designating the capacity to escape fixed identity coordinates — appears as a privileged strategy in this context. But this becoming-imperceptible must not be confused with flight from the political: it’s about inventing new forms of political presence that resist classification and prediction algorithms.

This invention necessarily passes through renewed attention to bodies and their vulnerability through sensitive reason: because if contemporary power vectors operate through mathematical abstraction, they produce very concrete effects on the living flesh of existences. It’s in this tension between the abstraction of power devices and the concreteness of affected bodies that the future of our resistance possibilities is played out. We need to reverse: start from bodies to go toward vectors.

The exterminated civilian bodies (whoever they are) brutally remind us that behind the elegance of vectorial models hide logics of destruction that threaten the very habitability of the world. Facing this threat, urgency is no longer just theoretical but existential: it’s about preserving the conditions of possibility for a dignified human life in a world worked by forces that seem to escape all democratic control.

Contemporary political philosophy must therefore assume this double task: lucidly analyze ongoing mutations while inventing the concepts and practices that will allow us to resist them by losing mystical faith in meaning. Between the necessary abstraction of analysis and the concrete urgency of action, between theoretical sophistication and the ethical simplicity of “it’s us,” the space of political thought takes shape.