La fin des médias sociaux

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À chaque époque, un mur, mélange de l’histoire et de dispositifs techniques. Ce mur semble indépassable parce qu’il forme la banale quotidienneté. Aujourd’hui, il est question de médias sociaux. Ils semblent si massifs, si évidents, ils forment le fil même de nos existences, ils s’oublient dans leur usage.

Bien sûr, certains annoncent l’éclatement de la bulle, ils prévoient l’effondrement (au cas où, ils pourraient avoir raison à l’avenir), ils décryptent les signes précurseurs. Mais nous ne connaissons ni les raisons ni les circonstances de cette dislocation. Nous savons simplement qu’elle aura lieu parce que dans le passé ce qui apparaissait comme ayant la solidité d’un mur a brutalement changé, quelque chose d’autre est arrivé.

Pouvons-nous inférer de l’observation passée une certitude à venir ? Seulement si celle-ci prend la forme de la contingence : la certitude de l’incertitude, ceci aura lieu, mais où et comment, nul ne le sait, et ce changement affectera les conditions même de la vérification (ainsi on effectuera une lecture a posteriori de l’histoire qui devait déboucher, pensera-t-on, inévitablement sur ce résultat).

Un grand nombre d’artistes et de critiques plongent (enfin) dans Internet. Ils comprennent (enfin) que le réseau est un configurateur de mondes, le lieu par lequel passe l’entrelacement des espaces. Ils écrivent et imaginent les réseaux sociaux sans voir une structure qui surplombe cette agitation : la contingence du dispositif technico-historique. Les prévisions se sont révélées inexactes, la prospective est un alibi, les projets s’adaptent plus qu’ils ne décident. Ils sont plongés dans les flux.

Il y aura un après les médias sociaux, tels que nous les connaissons, un après Internet, un après ordinateur. Quelque chose d’autre arrivera et personne ne sait quoi. Il s’agit d’une structure plus profonde, moins anticipable, plus sourde que l’obsolescence. Cette dernière lui est même opposée, elle relève du futur, de la calculabilité, la dislocation elle appartient à l’avenir qu’on ne saurait anticiper et que rien ne vient préparer. Nous pouvons simplement prendre la palpitation de cet inconnu et nous mettre à distance de l’évidence instrumentale quotidienne pour mieux en comprendre les circonvolutions.

Peut-être les réseaux sociaux reviendront, après leur disparition, dans la caricature de leur passé, tout comme c’est le cas aujourd’hui avec la réalité virtuelle des années 80. La fin elle-même est sans clôture.