Espace noir

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Nous n’étions pas les bienvenus. Tout avait été fait pour rendre inaccessible cet endroit. Il fallait éviter la poussière, la chaleur, les perturbations et les imprévus. L’espace était sous contrôle et ronronnait sans cesse. Une machine pouvait prendre le relais d’une autre. Elles étaient sans répit. Le contact avec l’extérieur restait indemne : il fallait que personne n’y ait accès pour que chacun, du dehors, puisse y accéder.

La boîte était close et pourtant ouverte. L’espace y était limité et on pouvait s’y déplacer indéfiniment en restant à sa surface et se perdre dans le méandre des données. C’est comme si elle se déployait sur sa face externe, l’épiderme du lieu, la clôture de l’espace. Personne ne savait.

Quelques êtres humains y circulaient. Il fallait qu’ils soient autorisés à des heures fixées à l’avance. Des caméras et des capteurs détectaient toute présence anormale. Les lumières palpitaient, les fils étaient soigneusement rangés par paquet de 7. Il restait quelques places vides pour des machines à venir. L’espace était limité, mais sa capacité pouvait encore s’agrandir. Il se reliait à d’autres espaces physiques, des domiciles, parfois des bureaux, dans les rues, partout. Ça pouvait aller et venir de partout, chaque fragment du monde pouvait s’y connecter. Les données circulaient le long des fils, découpées en millions de morceaux puis recomposées à l’arrivée selon un code que nul ne pouvait prononcer.

Il ne se souvenait plus de la Terre avant ce monde. Il n’imaginait plus ce qu’avait pu être vie avant cette clôture de l’espace qui était aussi l’ouverture de tous les lieux. Comment avait-il même pu penser ? Comment s’était-il alors perçu avant la boîte noire ?

Il se souvenait et sentait alors sa propre absence. Il soupçonnait une autre présence, étrangère et sans intention, une présence qui était pourtant en train de faire quelque chose en le faisant disparaître.