La FsN et l’émotion

La FsN est-elle ennuyeuse ? Existe-t-il un quelconque intérêt esthétique à proposer des fictions sans fil conducteur, fragmentées d’une manière non plus métaphorique comme dans le Nouveau Roman, mais au coeur même de leur support d’inscription ? N’est-ce pas là l’exemple même de l’objet théorique dont l’intérêt est à la hauteur de la médiocrité artistique ?

Il faudrait pour répondre à ces questions s’interroger sur le devenir de l’attention et de l’inattention dans nos sociétés afin de savoir ce que peut encore signifier “avoir un intérêt esthétique “. Doit-on se conformer aux théories cognitives les plus simplistes faisant de la fiction le résultat d’une adhésion ? La croyance en la fiction n’est-elle pas toujours empreinte d’une paradoxale distance qui au moment du saisissement nous dessaisi ? Faut-il en rester au modèle cinématographique et en prolonger le fantasme par quelque fiction totale dite immersive ?

La FsN se place assurément de l’autre côté de l’échiquier de cette lutte pour l’imaginaire. L’imaginaire ne serait pas fonction d’une immersion dans la fiction mais d’un aller et d’un retour, d’une proximité faite de distance, d’une familiarité faite d’étrangeté, d’un sentiment esthétique double et c’est justement au coeur de cette duplicité, dans ce mouvement d’entrée et de sortie mettant en cause la division entre l’intérieur et l’extérieur, c’est dans cette respiration et cette expiration, que la FsN trouverait son émotion esthétique.

Cette émotion qui ne consiste pas en une prise, en un choc, en une immersion, mais une dérive, le simulacre affirmé comme simulacre (la simulacréité), l’intelligence même de la perception qui se prend et se déprend en un mouvement indivisible. La fiction narrative n’a peut être plus la finesse du mouvement. C’est pourquoi nous pouvons abandonner sans nostalgie l’autorité du narrateur. Nous préférons ce doute vivant au coeur des oeuvres (je crois que JLG en est un exemple), ce “je ne sais pas”, l’absence comme création. Nous cherchons en notre coeur ce qui n’est pas nous, ce qui n’est personne, l’impersonnel sans universalité parce que c’est lui qui palpite de l’écart esthétique.