Classes vectorielles et vectofascisme / Vectorial classes and Vectofascim

La question n’est pas de savoir si nous sommes entrés dans une nouvelle configuration du pouvoir, mais de comprendre selon quelles modalités cette transformation s’actualise. McKenzie Wark et moi-même, si je puis me permettre ce rapprochement, nous trouvons confrontés au même phénomène : l’émergence d’une vectorialité constitutive du politique contemporain, cette capacité de certaines entités à posséder simultanément une direction, une magnitude et une temporalité spécifiques. Mais là où nos analyses convergent dans le diagnostic, elles divergent dans leur épistémologie et leurs implications politiques peut être parce qu’elles ne sont pas intervenues au même moment.

La vectorialité, néologisme désignant les propriétés directionnelles et intensives des flux d’information dans l’espace numérique, ne constitue pas un simple support technique du politique ; elle en reconfigure les coordonnées fondamentales. Quand Wark identifie l’émergence d’une « classe vectorialiste », elle présuppose encore la possibilité d’une cartographie sociale stable, d’une topologie des rapports de force où les positions demeurent identifiables. « Les nouvelles luttes de classes relatives à la propriété de l’information opposent désormais la classe des hackers, qui créent, inventent, explorent, découvrent, à la classe vectorialiste, qui, en s’étant approprié l’accès aux vecteurs de communication, dispose seule des moyens de réaliser la valeur de ces créations ». Cette formulation conserve la grammaire marxiste de l’antagonisme de classe tout en l’actualisant aux conditions de l’économie informationnelle.

Cette formulation, élaborée au début des années 2000, anticipe avec une remarquable prescience les transformations que nous observons aujourd’hui. Loin de constituer une nostalgie théorique, elle identifie les prémices d’une mutation dont nous vivons actuellement l’accomplissement.

L’épuisement de la dialectique des classes

Mon concept de vectofascisme, forme politique contemporaine qui adapte les mécanismes du fascisme historique aux structures technologiques de l’ère de l’IA, ne contredit pas cette analyse, mais la prolonge dans une conjoncture historique différente. Là où Wark diagnostiquait l’émergence d’une nouvelle formation capitaliste, j’observe sa cristallisation en régime politique spécifique. « Le vectofascisme opère principalement par la reconfiguration de l’architecture informationnelle et attentionnelle », générant non plus des positions sociales antagonistes, mais des modulations affectives, transformations continues des dispositions émotionnelles et cognitives des sujets par les algorithmes, qui précèdent et conditionnent toute possibilité de conscience politique.

Cette modulation perpétuelle actualise ce que Lyotard analysait dans les Rudiments païens comme la généralisation, tendance du langage et de la pensée à subsumer le singulier sous l’universel, effaçant les différences au profit de catégories abstraites. « Qui peut s’empêcher de parler de “son” art comme s’il s’agissait de l’art ? Qui peut parler sans avoir cette tendance si vulgaire à la généralisation ? » (Lyotard, Rudiments païens). Mais là où Lyotard diagnostiquait cette généralisation comme une violence conceptuelle, le vectofascisme l’automatise par le calcul : chaque singularité est immédiatement capturée, classifiée, intégrée dans des modèles statistiques qui la réduisent à des paramètres optimisables.

Considérons l’exemple paradigmatique des réseaux sociaux : lorsqu’un utilisateur de X, croit exprimer une opinion politique personnelle, il actualise en réalité un vecteur algorithmique, trajectoire computationnelle prédéterminée par les systèmes de recommandation, qui a déjà modulé ses affects, orienté son attention, configuré son champ perceptuel. Sa « subjectivité » n’est pas réprimée ou manipulée ; elle est directement produite par les dispositifs techniques qui la traversent. La distinction entre intérieur et extérieur, entre sujet et objet, s’effondre dans cette co-constitution algorithmique de la subjectivité.

Cette co-constitution, processus par lequel les sujets et les objets techniques se définissent mutuellement dans leur interaction, complexifie, mais ne rend pas caduque l’analyse en termes de classes. Elle révèle plutôt comment les rapports de classe se recomposent à travers les dispositifs techniques contemporains. La position de surplomb critique que maintient Wark n’est pas illusoire, mais correspond à un moment historique spécifique, celui de l’émergence des premiers dispositifs de vectorisation massive du Web 2.0.

L’aporie de la critique dans l’espace latent

Cette divergence révèle d’abord une différence temporelle dans nos objets d’analyse, mais aussi une mutation ontologique du statut même du vecteur. Chez Wark, le vecteur demeure ancré dans l’univers sémantique : il désigne les flux informationnels, circulations orientées de contenus signifiants à travers les réseaux de communication, qui conservent leur intelligibilité pour les sujets humains. L’information vectorisée reste de l’information au sens plein : elle peut être comprise, interprétée, contestée. « Les nouvelles luttes de classes relatives à la propriété de l’information » présupposent que cette information demeure accessible à la conscience des sujets qui peuvent alors reconnaître leur position dans les rapports sociaux. Le vecteur warckien appartient encore au régime d’une certaine économie libidinale, circulation des affects et des désirs dans l’économie politique, que décrivait Lyotard : l’information y circule comme intensité mobilisable par les sujets.

Mon usage du concept de vecteur, élaboré quinze ans plus tard, intègre les développements de l’intelligence artificielle contemporaine et révèle une transformation radicale. Dans l’espace latent des réseaux de neurones artificiels, les vecteurs désignent des représentations distributionnelles, encodages mathématiques où chaque dimension ne correspond à aucun attribut sémantique identifiable par l’humain, qui échappent partiellement à l’interprétation consciente. Cette dé-sémantisation opère ce que Klossowski analysait dans La monnaie vivante comme la conversion de toute valeur en signe purement quantitatif : « La monnaie en tant que signe de la richesse se substitue à la richesse elle-même et devient la richesse par excellence » (Klossowski, La monnaie vivante).

Un mot comme « démocratie » devient un vecteur de 4096 dimensions dont aucune ne peut être traduite directement en termes conceptuels familiers. Chaque dimension représente une corrélation statistique avec d’autres termes dans le corpus d’entraînement, dimension 1847 pourrait corréler avec « élection », dimension 2156 avec « liberté », dimension 3421 avec « vote », sans que ces corrélations correspondent à des catégories sémantiques préexistantes. Le vecteur encodé résulte de calculs de cooccurrence sur des milliards de phrases : « démocratie » n’y existe plus comme concept politique, mais comme distribution probabiliste dans un espace mathématique multidimensionnel.

Cette dé-sémantisation vectorielle, processus par lequel les signes sont convertis en représentations mathématiques qui perdent leur signification originaire, constitue une évolution des processus que Wark avait identifiés. Mais elle va plus loin : elle transforme l’information elle-même en monnaie algorithmique, selon la logique que Klossowski anticipait. L’information ne circule plus comme valeur d’usage sémantique, mais comme valeur d’échange computationnelle, mesurable uniquement par sa capacité à générer des corrélations statistiques rentables.

Cette transformation qualitative du statut des signes ne supprime pas les rapports de classe, mais les reconfigure selon une logique que Deleuze et Guattari analysaient comme celle du corps sans organes, plan d’immanence où les flux circulent sans être organisés par des structures transcendantes. Comment les « hackers » peuvent-ils maintenir leur position commune dans un régime où les catégories mêmes par lesquelles ils s’identifient, « créativité », « innovation », « liberté informationnelle », sont décomposées en vecteurs mathématiques manipulables algorithmiquement ?

L’espace latent, région mathématique où les algorithmes d’IA opèrent des transformations sur des représentations vectorielles abstraites, ne supprime pas les sujets susceptibles de prendre conscience de leur aliénation, mais transforme les conditions de cette prise de conscience. Les sujets y deviennent des ensembles de points de données, représentations numériques d’entités réduites à leurs propriétés computationnelles, qui médiatisent désormais toute subjectivation. Cette transformation actualise la prophétie de Klossowski : « L’individu, en tant que producteur et consommateur, n’est plus qu’un accident dans la circulation de la monnaie vivante » (La monnaie vivante). Mais cette monnaie n’est plus métallique ni fiduciaire ; elle est directement informationnelle, vectorielle, algorithmique.

Wark maintient la possibilité d’une critique externe aux rapports qu’elle analyse ; elle peut identifier la classe vectorialiste parce qu’elle présuppose un point de vue qui lui échappe. Cette classe vectorialiste « s’approprie cette information libre et la transforme en propriété privée grâce aux régimes de propriété intellectuelle », créant ainsi un antagonisme objectif avec la « classe hacker » qui produit cette information. Cette grille d’analyse conserve la logique de l’extériorité critique, position théorique qui se situe à l’extérieur de son objet d’analyse pour le comprendre objectivement.

Mais le vectofascisme opère précisément par la saturation de cette extériorité. Il fonctionne dans un « espace latent de n-dimensions qui ne peut même pas être visualisé directement par l’esprit humain », un hyperespace vectoriel, espace mathématique multidimensionnel où les algorithmes opèrent des transformations qui échappent à l’intuition géométrique humaine, qui excède nos capacités représentationnelles. Les catégories politiques traditionnelles, droite/gauche, dominant/dominé, capital/travail, deviennent des projections appauvries d’un espace computationnel plus complexe où s’exercent des formes de pouvoir inédites.

Prenons l’exemple des large language models comme GPT-4 : ils n’opèrent pas dans l’espace des mots, mais dans un espace latent de plusieurs milliers de dimensions où chaque concept est représenté comme un vecteur. Dans cet espace, la « distance » entre « démocratie » et « fascisme » n’est plus mesurée politiquement, mais mathématiquement, selon des métriques de similarité cosinus qui peuvent rapprocher ces concepts en fonction de leur co-occurrence statistique dans les corpus d’entraînement. Cette vectorisation du politique, réduction des rapports politiques à des opérations algorithmiques, transforme qualitativement la nature même du pouvoir.

La spectralité du pouvoir vectoriel

Ce qui caractérise le pouvoir vectofasciste, c’est précisément sa spectralité, qualité de ce qui est simultanément présent et absent, agissant sans être localisable. « Ce qui caractérise ce pouvoir spectral, c’est précisément sa capacité à dénier sa propre existence tout en exerçant ses effets. “Ce n’est pas du fascisme”, répète-t-on, tout en mettant en œuvre ses mécanismes fondamentaux sous des noms différents ». Cette dénégation performative, mécanisme par lequel le pouvoir se renforce en niant sa propre existence et en niant cette négation (salut nazi de Musk) et ainsi de suite à l’infini, constitue l’un des traits distinctifs du vectofascisme.

À l’inverse, la classe vectorialiste de Wark demeure pleinement phénoménale : elle possède des intérêts identifiables, contrôle des infrastructures localisables, extrait de la valeur selon des mécanismes analysables. « La classe vectorialiste n’est unie que dans son désir d’un monde délivré des compromis que son prédécesseur capitaliste avait été obligé de passer ». Cette visibilité relative de la domination vectorialiste maintient la possibilité d’une résistance organisée : « La classe hacker devrait s’allier avec les autres classes productrices pour ne plus avoir à répondre à la classe vectorialiste ».

Mais cette différence de diagnostic révèle moins une opposition théorique qu’une stratification temporelle de la critique. Wark analyse les prémices de la vectorisation du pouvoir, l’émergence des GAFAM, la financiarisation de l’économie numérique, la prolétarisation cognitive, tandis que je décris son accomplissement dans le régime algorithmique contemporain. Entre son analyse et la mienne, il y a eu GPT, TikTok, le micro-targeting politique, l’affective computing des rétentions quaternaires, informatique des émotions qui vise à reconnaître, traiter et simuler les affects humains. Cette différence temporelle ne rend pas l’une des analyses caduque, mais révèle la nécessité d’une approche généalogique capable de saisir les transformations dans leur épaisseur historique.

La temporalité fracturée de la critique

Cette différence temporelle révèle une aporie plus profonde : comment penser la continuité et la rupture dans les transformations du capitalisme contemporain ? Wark inscrit la vectorisation dans une histoire longue de l’accumulation capitaliste, une séquence où l’information devient le nouveau terrain de l’exploitation. « La commodification de l’information est sobre comment l’information qui était libre est appropriée par la classe vectorialiste ». Cette lecture préserve l’intelligibilité historique au prix d’une possible cécité aux mutations qualitatives.

Ma généalogie du vectofascisme rompt avec cette temporalité linéaire. « Le second mandat Trump n’est pas un “retour” au fascisme, comme si l’histoire suivait un schéma circulaire, mais une réémergence fracturée dans un champ technoaffectif radicalement distinct ». Cette réémergence fracturée, processus par lequel des formes politiques antérieures ressurgissent sous des modalités transformées, invalide les téléologies progressistes comme les nostalgies réactionnaires.

Considérons le phénomène contemporain des deepfakes : ces images de synthèse hyperréalistes ne constituent pas simplement une version technologique du mensonge politique classique. Elles instaurent un régime de post-véracité, situation où la distinction entre vrai et faux devient indécidable, qui transforme qualitativement les conditions de possibilité du débat démocratique. « La post-vérité n’est pas l’absence de vérité, mais sa submersion dans un flot d’informations contradictoires, dont le tri, exigerait un effort cognitif dépassant les capacités attentionnelles disponibles ».

L’industrialisation du différend

Cette transformation qualitative du rapport à la vérité révèle l’une des innovations majeures du vectofascisme : l’industrialisation du différend, mécanisme par lequel les algorithmes produisent systématiquement des situations où les parties en conflit ne peuvent plus s’entendre sur les termes mêmes du débat. « Le vectofascisme n’a pas besoin de censurer l’opposition ; il lui suffit de s’assurer que les univers discursifs sont suffisamment distincts pour que même l’identification d’une opposition commune devienne impossible ».

Cette logique actualise de manière inédite ce que Lyotard théorisait comme le différend, « conflit entre deux parties qui ne peut être tranché équitablement faute d’une règle de jugement applicable aux deux argumentations » (Le Différend). Mais là où Lyotard identifiait des différends structurels entre régimes de phrases hétérogènes, le vectofascisme les produit industriellement par fragmentation algorithmique des univers discursifs. Cette fragmentation ne résulte pas de l’incommensurabilité ontologique entre des formes de vie différentes ; elle est directement programmée dans les algorithmes de recommandation pour maximiser l’engagement émotionnel de chaque segment d’audience.

Cette logique excède la simple manipulation de l’opinion publique pour atteindre une recomposition ontologique du social. Les algorithmes de recommandation ne se contentent pas de filtrer l’information ; ils créent des bulles épistémiques, environnements informationnels clos qui génèrent leur propre cohérence interne, où chaque communauté développe non seulement ses propres opinions, mais ses propres critères de vérité, ses propres évidences factuelles, ses propres modes de raisonnement. Cette production d’incommensurabilités sur mesure constitue l’une des innovations majeures du capitalisme algorithmique.

Prenons l’exemple du mouvement QAnon : il ne s’agit pas d’une simple théorie conspirationniste, mais d’un écosystème informationnel complet, avec ses sources, ses méthodes d’investigation, ses protocoles de validation, ses hiérarchies épistémiques. Les participants à ce mouvement ne sont pas « manipulés » au sens classique ; ils habitent un monde alternatif doté de sa propre rationalité interne, produit par l’agrégation algorithmique de contenus sélectionnés pour maximiser l’engagement émotionnel.

La gouvernementalité algorithmique

Cette transformation révèle moins l’inadéquation de l’analyse en termes de classes sociales que sa nécessaire complexification. Là où Wark identifie des groupes sociaux aux intérêts antagonistes, diagnostic qui demeure pertinent pour comprendre la structure économique des plateformes,, le vectofascisme révèle comment ces antagonismes se reconfigurent par modulation différentielle, technique de pouvoir qui produit des subjectivités sur mesure plutôt que d’imposer une norme unique. « Le système ne propose pas un unique bouc émissaire, mais une écologie entière de boucs émissaires potentiels, adaptés aux dispositions affectives préexistantes de chaque utilisateur ».

Cette personnalisation de la domination, adaptation des mécanismes de pouvoir aux caractéristiques individuelles de chaque sujet, ne supprime pas les stratégies de résistance collective héritées de la modernité politique, mais exige leur réinvention. La question devient : comment articuler l’analyse structurelle des rapports de classe que propose Wark avec la prise en compte des dispositifs de modulation affective que révèle l’analyse du vectofascisme ?

La gouvernementalité algorithmique, mode de gouvernement qui s’exerce par la modulation automatisée des environnements informationnels plutôt que par l’imposition de normes explicites et par la prise de décision par des LLM, actualise ce que Deleuze identifiait comme le passage des sociétés disciplinaires aux sociétés de contrôle. « Les sociétés disciplinaires ont deux pôles : la signature qui indique l’individu, et le nombre ou numéro matricule qui indique sa position dans une masse. […] Dans les sociétés de contrôle, l’essentiel n’est plus une signature ni un nombre, mais un chiffre : le chiffre est un mot de passe » (Pourparlers). Ce chiffre, dans le régime algorithmique contemporain, devient précisément le vecteur : coordonnée multidimensionnelle qui positionne chaque individu dans l’espace latent des calculs de recommandation.

Cette gouvernementalité ne réprime pas les subjectivités dissidentes ; elle les produit de manière contrôlée selon la logique que Klossowski analysait comme celle de la simulation industrielle : « L’industrie recrée les conditions artificielles où les impulsions retrouvent leur caractère fortuit en vue de leur exploitation » (La monnaie vivante). Les plateformes numériques n’interdisent pas la critique ; elles l’orientent vers des formes inefficaces, la canalisent dans des espaces confinés, la nourrissent d’informations qui renforcent l’impuissance politique.

Cette transformation qualitative du pouvoir ne contredit pas l’analyse économique de Wark, mais la complète. Quand elle décrit comment « la classe vectorialiste s’approprie cette information libre et la transforme en propriété privée », elle identifie la logique d’accumulation qui persiste sous les transformations technologiques. Le capitalisme algorithmique conserve cette logique tout en développant de nouvelles modalités : l’extraction de subjectivité, processus par lequel les plateformes numériques captent et monétisent directement les affects, les relations sociales et les processus cognitifs des utilisateurs.

Cette extraction ne porte plus sur le travail objectivé, mais sur la vie elle-même dans sa dimension la plus intime. Chaque geste, chaque émotion, chaque relation devient une donnée exploitable. Les algorithmes de machine learning n’extraient pas de la valeur depuis un travail déjà effectué ; ils modulent continuellement les comportements pour optimiser cette extraction. Nous ne sommes plus face à une exploitation du travail, mais à une modulation de l’existence, transformation continue des conditions de vie pour maximiser leur exploitabilité économique, point temporairement final dans la longue histoire de la subjectivité occidentale.

La question de la résistance

Cette différence d’analyse débouche sur des stratégies de résistance différentes. Wark maintient la possibilité d’une alliance entre « la classe hacker et les autres classes productrices » pour « ne plus avoir à répondre à la classe vectorialiste ». Cette perspective préserve l’horizon émancipateur de la critique marxiste : identification des rapports de domination, constitution d’un sujet politique collectif, transformation des rapports de production.

Cette stratégie demeure pertinente, mais doit intégrer les modalités nouvelles de fragmentation que révèle l’analyse du vectofascisme. Comment construire une alliance de classe tout en tenant compte de la fragmentation algorithmique des identités collectives ? « Cette microdifférenciation des perceptions du pouvoir et des résistances » ne rend pas impossible toute opposition systémique, mais exige de nouvelles formes d’organisation politique capables de composer avec la dispersion des subjectivités.

Face à cette impasse, plusieurs stratégies émergent : la sécession existentielle, retrait volontaire des dispositifs numériques de capture,, la subversion algorithmique, détournement des codes et des protocoles techniques,, l’institution de communs informationnels, création d’espaces numériques non marchands et non surveillés. Mais chacune de ces stratégies se heurte à l’ubiquité des dispositifs de capture et à l’asymétrie des moyens techniques.

L’urgence

Cette comparaison entre nos deux approches révèle moins leurs limites respectives que leur complémentarité stratégique face à l’ampleur de la transformation en cours. Nous assistons à l’émergence d’une formation politique inédite dont l’analyse exige l’articulation de plusieurs niveaux : la persistance des rapports de classe que révèle Wark, et leur reconfiguration par les dispositifs algorithmiques que décrit l’analyse du vectofascisme. La vectorisation du pouvoir ne constitue pas simplement une actualisation technologique de rapports sociaux antérieurs ; elle les transforme qualitativement tout en préservant certaines de leurs logiques fondamentales.

Cette mutation anthropotechnique, transformation conjointe de l’humain et de la technique, ne peut être pensée ni dans les termes de l’humanisme classique ni dans ceux du déterminisme technologique. Elle exige une pensée de la co-évolution, approche théorique qui considère l’évolution conjointe des systèmes techniques et des formes de vie, capable de saisir les processus d’individuation collective qui traversent les frontières entre humain et non-humain, individuel et collectif, naturel et artificiel. Ce n’est donc pas du dehors de la technique que la révolution viendra…

Cette urgence théorique ne relève pas de la simple curiosité intellectuelle, mais d’une nécessité politique immédiate. Le vectofascisme « repose fondamentalement sur une mobilisation matérielle d’un autre ordre : l’extraction intensive de ressources énergétiques et minérales (terres rares, lithium, cobalt, etc.) nécessaires au fonctionnement des infrastructures numériques qui le soutiennent ». Cette base matérielle révèle la continuité entre l’exploitation des corps humains, l’extraction des ressources naturelles et la capture des subjectivités : le même processus d’accumulation traverse tous les registres de l’existence.

Face à cette totalisation du capital, ni le réformisme technologique ni la nostalgie pré-numérique ne suffisent. Il faut inventer de nouvelles formes de vie, de nouvelles institutions, de nouveaux rapports à la technique qui échappent à la logique extractive. Cette invention ne peut procéder que d’une compréhension rigoureuse des transformations en cours et de leurs implications anthropologiques, écologiques, politiques.


The question is not whether we have entered a new configuration of power, but rather to understand the modalities through which this transformation actualizes itself. McKenzie Wark and myself, if I may permit this comparison, find ourselves confronted with the same phenomenon: the emergence of a vectoriality constitutive of contemporary politics, this capacity of certain entities to simultaneously possess a direction, a magnitude, and specific temporality. But where our analyses converge in diagnosis, they diverge in their epistemology and political implications, perhaps because they did not intervene at the same moment.

Vectoriality, a neologism designating the directional and intensive properties of information flows in digital space, does not constitute a simple technical support for the political; it reconfigures its fundamental coordinates. When Wark identifies the emergence of a “vectorialist class,” she still presupposes the possibility of a stable social cartography, a topology of power relations where positions remain identifiable. “The new class struggles relative to information property now oppose the hacker class, which creates, invents, explores, discovers, to the vectorialist class, which, having appropriated access to communication vectors, alone possesses the means to realize the value of these creations.” This formulation preserves the Marxist grammar of class antagonism while updating it to the conditions of the informational economy.

This formulation, elaborated in the early 2000s, anticipates with remarkable prescience the transformations we observe today. Far from constituting theoretical nostalgia, it identifies the premises of a mutation whose accomplishment we are currently experiencing.

The Exhaustion of Class Dialectics

My concept of vectofascism, a contemporary political form that adapts the mechanisms of historical fascism to the technological structures of the AI era, does not contradict this analysis but extends it into a different historical conjuncture. Where Wark diagnosed the emergence of a new capitalist formation, I observe its crystallization into a specific political regime. “Vectofascism operates primarily through the reconfiguration of informational and attentional architecture,” generating no longer antagonistic social positions, but affective modulations, continuous transformations of subjects’ emotional and cognitive dispositions by algorithms, which precede and condition any possibility of political consciousness.

This perpetual modulation actualizes what Lyotard analyzed in Rudiments païens as generalization, the tendency of language and thought to subsume the singular under the universal, erasing differences in favor of abstract categories. “Who can refrain from speaking of ‘their’ art as if it were art itself? Who can speak without having this vulgar tendency toward generalization?” (Lyotard, Rudiments païens). But where Lyotard diagnosed this generalization as conceptual violence, vectofascism automates it through calculation: each singularity is immediately captured, classified, integrated into statistical models that reduce it to optimizable parameters.

Consider the paradigmatic example of social networks: when a user on X believes they are expressing a personal political opinion, they actually actualize an algorithmic vector, a computational trajectory predetermined by recommendation systems, which has already modulated their affects, oriented their attention, configured their perceptual field. Their “subjectivity” is not repressed or manipulated; it is directly produced by the technical devices that traverse it. The distinction between interior and exterior, between subject and object, collapses in this algorithmic co-constitution of subjectivity.

This co-constitution, the process by which subjects and technical objects mutually define themselves in their interaction, complicates but does not render obsolete the analysis in terms of classes. It rather reveals how class relations are recomposed through contemporary technical devices. The position of critical oversight that Wark maintains is not illusory, but corresponds to a specific historical moment, that of the emergence of the first devices of massive vectorization of Web 2.0.

The Aporia of Critique in Latent Space

This divergence first reveals a temporal difference in our objects of analysis, but also an ontological mutation of the very status of the vector. In Wark, the vector remains anchored in the semantic universe: it designates informational flows, oriented circulations of signifying contents through communication networks, which preserve their intelligibility for human subjects. Vectorized information remains information in the full sense: it can be understood, interpreted, contested. “The new class struggles relative to information property” presuppose that this information remains accessible to the consciousness of subjects who can then recognize their position in social relations. The Warkian vector still belongs to the regime of a certain libidinal economy, circulation of affects and desires in the political economy, as Lyotard described: information circulates there as intensity mobilizable by subjects.

My use of the vector concept, elaborated fifteen years later, integrates the developments of contemporary artificial intelligence and reveals a radical transformation. In the latent space of artificial neural networks, vectors designate distributional representations, mathematical encodings where each dimension corresponds to no semantic attribute identifiable by humans, which partially escape conscious interpretation. This de-semantization operates what Klossowski analyzed in La monnaie vivante as the conversion of all value into purely quantitative sign: “Money as a sign of wealth substitutes itself for wealth itself and becomes wealth par excellence” (Klossowski, La monnaie vivante).

A word like “democracy” becomes a vector of 4096 dimensions, none of which can be directly translated into familiar conceptual terms. Each dimension represents a statistical correlation with other terms in the training corpus: dimension 1847 might correlate with “election,” dimension 2156 with “freedom,” dimension 3421 with “vote,” without these correlations corresponding to preexisting semantic categories. The encoded vector results from co-occurrence calculations on billions of sentences: “democracy” no longer exists there as a political concept, but as a probability distribution in a multidimensional mathematical space.

This vectorial de-semantization, the process by which signs are converted into mathematical representations that lose their original meaning, constitutes an evolution of the processes that Wark had identified. But it goes further: it transforms information itself into algorithmic currency, according to the logic that Klossowski anticipated. Information no longer circulates as semantic use-value, but as computational exchange-value, measurable only by its capacity to generate profitable statistical correlations.

This qualitative transformation of the status of signs does not suppress class relations, but reconfigures them according to a logic that Deleuze and Guattari analyzed as that of the body without organs, a plane of immanence where flows circulate without being organized by transcendent structures. How can “hackers” maintain their collective position in a regime where the very categories by which they identify themselves—”creativity,” “innovation,” “informational freedom”—are decomposed into algorithmically manipulable mathematical vectors?

Latent space, the mathematical region where AI algorithms operate transformations on abstract vectorial representations, does not suppress subjects capable of becoming conscious of their alienation, but transforms the conditions of this awareness. Subjects become sets of data points, numerical representations of entities reduced to their computational properties, which now mediate all subjectivation. This transformation actualizes Klossowski’s prophecy: “The individual, as producer and consumer, is nothing more than an accident in the circulation of living currency” (La monnaie vivante). But this currency is no longer metallic or fiduciary; it is directly informational, vectorial, algorithmic.

Wark maintains the possibility of an external critique of the relations she analyzes; she can identify the vectorialist class because she presupposes a viewpoint that escapes it. This vectorialist class “appropriates this free information and transforms it into private property through intellectual property regimes,” thus creating an objective antagonism with the “hacker class” that produces this information. This analytical grid preserves the logic of critical exteriority, a theoretical position that situates itself outside its object of analysis to understand it objectively.

But vectofascism operates precisely through the saturation of this exteriority. It functions in a “latent space of n-dimensions that cannot even be visualized directly by the human mind,” a vectorial hyperspace, a multidimensional mathematical space where algorithms operate transformations that escape human geometric intuition, which exceeds our representational capacities. Traditional political categories—right/left, dominant/dominated, capital/labor—become impoverished projections of a more complex computational space where unprecedented forms of power are exercised.

Take the example of large language models like GPT-4: they do not operate in the space of words, but in a latent space of several thousand dimensions where each concept is represented as a vector. In this space, the “distance” between “democracy” and “fascism” is no longer measured politically, but mathematically, according to cosine similarity metrics that can bring these concepts together based on their statistical co-occurrence in training corpora. This vectorization of the political, reduction of political relations to algorithmic operations, qualitatively transforms the very nature of power.

The Spectrality of Vectorial Power

What characterizes vectofascist power is precisely its spectrality, the quality of being simultaneously present and absent, acting without being localizable. “What characterizes this spectral power is precisely its capacity to deny its own existence while exercising its effects. ‘This is not fascism,’ one repeats, while implementing its fundamental mechanisms under different names.” This performative denial, a mechanism by which power reinforces itself by denying its own existence and by denying this negation (Musk’s Nazi salute) and so on infinitely, constitutes one of the distinctive traits of vectofascism.

Conversely, Wark’s vectorialist class remains fully phenomenal: it possesses identifiable interests, controls localizable infrastructures, extracts value according to analyzable mechanisms. “The vectorialist class is united only in its desire for a world delivered from the compromises that its capitalist predecessor had been obliged to make.” This relative visibility of vectorialist domination maintains the possibility of organized resistance: “The hacker class should ally with other producing classes to no longer have to answer to the vectorialist class.”

But this difference in diagnosis reveals less a theoretical opposition than a temporal stratification of critique. Wark analyzes the premises of power vectorization, the emergence of GAFAM, the financialization of the digital economy, cognitive proletarianization, while I describe its accomplishment in the contemporary algorithmic regime. Between her analysis and mine, there have been GPT, TikTok, political micro-targeting, the affective computing of quaternary retentions, emotional computing that aims to recognize, process and simulate human affects. This temporal difference does not render one of the analyses obsolete, but reveals the necessity of a genealogical approach capable of grasping transformations in their historical thickness.

The Fractured Temporality of Critique

This temporal difference reveals a deeper aporia: how to think continuity and rupture in the transformations of contemporary capitalism? Wark inscribes vectorization in a long history of capitalist accumulation, a sequence where information becomes the new terrain of exploitation. “The commodification of information is how information that was free is appropriated by the vectorialist class.” This reading preserves historical intelligibility at the price of possible blindness to qualitative mutations.

My genealogy of vectofascism breaks with this linear temporality. “Trump’s second term is not a ‘return’ to fascism, as if history followed a circular schema, but a fractured re-emergence in a radically distinct techno-affective field.” This fractured re-emergence, a process by which anterior political forms resurge under transformed modalities, invalidates both progressive teleologies and reactionary nostalgias.

Consider the contemporary phenomenon of deepfakes: these hyperrealistic synthetic images do not simply constitute a technological version of classical political lying. They institute a regime of post-veracity, a situation where the distinction between true and false becomes undecidable, which qualitatively transforms the conditions of possibility for democratic debate. “Post-truth is not the absence of truth, but its submersion in a flow of contradictory information, whose sorting would require a cognitive effort exceeding available attentional capacities.”

The Industrialization of the Differend

This qualitative transformation of the relationship to truth reveals one of the major innovations of vectofascism: the industrialization of the differend, a mechanism by which algorithms systematically produce situations where conflicting parties can no longer agree on the very terms of debate. “Vectofascism does not need to censure the opposition; it suffices to ensure that discursive universes are sufficiently distinct that even the identification of a common opposition becomes impossible.”

This logic actualizes in unprecedented fashion what Lyotard theorized as the differend, “a conflict between two parties that cannot be equitably resolved for lack of a rule of judgment applicable to both argumentations” (Le Différend). But where Lyotard identified structural differends between heterogeneous phrase regimes, vectofascism produces them industrially through algorithmic fragmentation of discursive universes. This fragmentation does not result from ontological incommensurability between different forms of life; it is directly programmed into recommendation algorithms to maximize the emotional engagement of each audience segment.

This logic exceeds simple manipulation of public opinion to reach an ontological recomposition of the social. Recommendation algorithms do not merely filter information; they create epistemic bubbles, closed informational environments that generate their own internal coherence, where each community develops not only its own opinions, but its own criteria of truth, its own factual evidences, its own modes of reasoning. This production of custom incommensurabilities constitutes one of the major innovations of algorithmic capitalism.

Take the example of the QAnon movement: it is not simply a conspiracy theory, but a complete informational ecosystem, with its sources, its investigation methods, its validation protocols, its epistemic hierarchies. Participants in this movement are not “manipulated” in the classical sense; they inhabit an alternative world endowed with its own internal rationality, produced by the algorithmic aggregation of contents selected to maximize emotional engagement.

Algorithmic Governmentality

This transformation reveals less the inadequacy of analysis in terms of social classes than its necessary complexification. Where Wark identifies social groups with antagonistic interests, a diagnosis that remains pertinent for understanding the economic structure of platforms, vectofascism reveals how these antagonisms are reconfigured by differential modulation, a technique of power that produces custom subjectivities rather than imposing a single norm. “The system does not propose a single scapegoat, but an entire ecology of potential scapegoats, adapted to the preexisting affective dispositions of each user.”

This personalization of domination, adaptation of power mechanisms to the individual characteristics of each subject, does not suppress collective resistance strategies inherited from political modernity, but demands their reinvention. The question becomes: how to articulate the structural analysis of class relations that Wark proposes with the consideration of affective modulation devices that the analysis of vectofascism reveals?

Algorithmic governmentality, a mode of government exercised through the automated modulation of informational environments rather than through the imposition of explicit norms and through decision-making by LLMs, actualizes what Deleuze identified as the passage from disciplinary societies to control societies. “Disciplinary societies have two poles: the signature that indicates the individual, and the number or matriculation number that indicates his position in a mass. […] In control societies, the essential thing is no longer a signature or a number, but a cipher: the cipher is a password” (Pourparlers). This cipher, in the contemporary algorithmic regime, becomes precisely the vector: multidimensional coordinate that positions each individual in the latent space of recommendation calculations.

This governmentality does not repress dissident subjectivities; it produces them in a controlled manner according to the logic that Klossowski analyzed as that of industrial simulation: “Industry recreates the artificial conditions where impulses recover their fortuitous character with a view to their exploitation” (La monnaie vivante). Digital platforms do not forbid critique; they orient it toward ineffective forms, channel it into confined spaces, nourish it with information that reinforces political impotence.

This qualitative transformation of power does not contradict Wark’s economic analysis, but completes it. When she describes how “the vectorialist class appropriates this free information and transforms it into private property,” she identifies the logic of accumulation that persists under technological transformations. Algorithmic capitalism preserves this logic while developing new modalities: the extraction of subjectivity, a process by which digital platforms capture and monetize directly the affects, social relations and cognitive processes of users.

This extraction no longer bears on objectified labor, but on life itself in its most intimate dimension. Each gesture, each emotion, each relation becomes exploitable data. Machine learning algorithms do not extract value from already accomplished work; they continuously modulate behaviors to optimize this extraction. We are no longer facing an exploitation of labor, but a modulation of existence, continuous transformation of living conditions to maximize their economic exploitability, the temporarily final point in the long history of Western subjectivity.

The Question of Resistance

This difference in analysis leads to different resistance strategies. Wark maintains the possibility of an alliance between “the hacker class and other producing classes” to “no longer have to answer to the vectorialist class.” This perspective preserves the emancipatory horizon of Marxist critique: identification of domination relations, constitution of a collective political subject, transformation of production relations.

This strategy remains pertinent, but must integrate the new modalities of fragmentation that the analysis of vectofascism reveals. How to construct a class alliance while taking into account the algorithmic fragmentation of collective identities? “This microdifferentiation of perceptions of power and resistances” does not render any systemic opposition impossible, but demands new forms of political organization capable of composing with the dispersion of subjectivities.

Faced with this impasse, several strategies emerge: existential secession, voluntary withdrawal from digital capture devices; algorithmic subversion, détournement of codes and technical protocols; the institution of informational commons, creation of non-commercial and non-surveilled digital spaces. But each of these strategies encounters the ubiquity of capture devices and the asymmetry of technical means.

The Urgency

This comparison between our two approaches reveals less their respective limits than their strategic complementarity in the face of the amplitude of the transformation underway. We are witnessing the emergence of an unprecedented political formation whose analysis requires the articulation of several levels: the persistence of class relations that Wark reveals, and their reconfiguration by the algorithmic devices that the analysis of vectofascism describes. The vectorization of power does not simply constitute a technological actualization of anterior social relations; it transforms them qualitatively while preserving certain of their fundamental logics.

This anthropotechnical mutation, joint transformation of the human and the technical, cannot be thought in the terms of classical humanism nor in those of technological determinism. It demands a thought of co-evolution, a theoretical approach that considers the joint evolution of technical systems and forms of life, capable of grasping the processes of collective individuation that traverse the frontiers between human and non-human, individual and collective, natural and artificial. It is therefore not from outside technique that revolution will come…

This theoretical urgency does not arise from simple intellectual curiosity, but from immediate political necessity. Vectofascism “fundamentally rests on a material mobilization of another order: the intensive extraction of energetic and mineral resources (rare earths, lithium, cobalt, etc.) necessary for the functioning of the digital infrastructures that support it.” This material base reveals the continuity between the exploitation of human bodies, the extraction of natural resources and the capture of subjectivities: the same process of accumulation traverses all registers of existence.

Faced with this totalization of capital, neither technological reformism nor pre-digital nostalgia suffices. We must invent new forms of life, new institutions, new relationships to technique that escape extractive logic. This invention can only proceed from a rigorous understanding of the transformations underway and their anthropological, ecological, and political implications.