Une variété de la mort
« La vie n’est qu’une variété de la mort, et une variété très rare »
(Le gai savoir, III, § 109)
Sans doute faudrait-il dépasser l’idée même de mort et de vif, car le fait de privilégier le mort au dépend de la vie, c’est encore une manière de privilégier la vie, la mort étant considérée comme non-vie. La matière ne s’organise peut être pas sur la différence aristotélicienne vif-mort, animé-inanimé, cause interne-cause externe. Il y a non seulement des mobilités inorganiques mais il y a aussi de la matière ni vive ni morte, indifférente, neutre et morne, car pouvoir être mort, c’est-à-dire mortel, c’est avoir été vivant, passer d’un état à un autre en privilégiant toujours par voie de conséquence le premier état sur le second. La fascination nihiliste pour la mort relevant d’une dramatisation de l’enjeu.
Ce dépassement peut se faire de deux façons: premièrement en reprenant et en retravaillant la déconstruction de la séparation entre le vif et le mort élaboré par Jacques Derrida grâce à la figure du spectre et de la hantise. Il s’agirait de reprendre et de radicaliser la spectralogie comme forme fondemantale de l’ontologie et de proposer une hantologie qui serait la méthode pour analyser les réactions face au refoulement de l’incertitude vif-mort. Deuxièment, développer une ontologie par-delà la distinction vif-mort, organique-inorganique, animé-inanimé, en analysant les conditions d’accès à cette ontologie.
Brassier, R. (2010). Nihil Unbound: Enlightenment and Extinction. Palgrave Macmillan.
Neyrat, F. (2008). L’indemne : Heidegger et la destruction du monde. Sens & Tonka.