Cause mentale
J’aimerais parler donc de pratique théorique et de pratique artistique pour bien montrer que les deux coexistent selon un modèle qui n’est pas celui de la mimésis : l’oeuvre ne vient pas illustrer une réflexion qui préexiste et la réflexion ne vient pas justifier après-coup ce qu’on a créé. Les deux pratiques sont parallèles et sans se toucher jamais (elles pourraient bien exister l’une sans l’autre), elles ne cessent de se suivre sans jamais s’identifier. Leurs temporalités sont différentes, il y a le temps de l’écriture souvent au réveil et il y a le temps de la production artistique qui prend le reste de la journée. Parfois, on pense ce qu’on a fait, mais on y pense comme si on était une autre personne, un peu extérieure mais toujours là. On écrit non pas sur soi, mais sur quelque chose de matériel qui a lieu, qui existe hors de soi. Il n’y a jamais eu le désir de justifier quoi que ce soit, ni même de penser, mais plutôt d’être cause mentale, pour reprendre les termes de la philosophie spinoziste, et ceci de multiples manières. Etre cause mentale (le mental comme matière) dans le plus infime et le plus anodin de l’expérience quotidienne afin de tenir encore le flux tendu : inapaisé.