Génération

Chaque génération se demande ce qu’elle, elle tente de se définir, de se positionner dans le torrent historique. Le risque est grand d’être optimiste ou pessimiste, de se projeter dans l’avenir ou d’avoir la nostalgie du passé. Un monde fini, c’est le même sentiment à chaque époque, le sentiment d’une fin de l’histoire, non pas hégélienne, parce que cette fin n’est pas une clôture, elle n’est pas un parachèvement, elle ne soustrait à l’historicité à sa négativité. Et cette fin n’arrête pas de finir, notre époque, leur époque ne cesse de mourir, elle tousse sa mort, elle n’en finit pas. C’est ce même sentiment à chaque époque pour chaque génération. Elle ne nous laisse aucune place. Et voulons-nous vraiment prendre cette place? L’époque de la consommation, du capitalisme libéral, d’une société qui épuise la planète, cette époque-là continuera peut-être longtemps mais pour nous, pour ma génération est morte voici déjà des décennies. Et nous observons sa mort, parfois nous la précipitons, parfois nous la ralentissons, parfois nous n’y pensons plus. Je voudrais parler de ma génération, de toutes les générations comme ce moment de suspens, cette incertitude au coeur des activités quotidiennes, au coeur de l’économie, au coeur des médias, au coeur de ce qui chaque jour nous fait oublier ce moment d’histoire, cette fin qui n’arrête pas de finir. Nous nous méfions de la nostalgie, nous la connaissons trop bien, nous savons quel monstre elle engendre, nous n’en voulons plus même si de temps en temps ce sentiment nous saisit à vif. Une génération, ma génération, cette génération, sans doute dans le possessif il y a une identité, une simplification donc, la génération, cette génération, ma génération n’a aucun propre, elle est justement ce suspens du passé et du futur, ce moment indiscernable qui exclut toute certitude, qui fait trembler ce que nous avions entendu déjà par nos aînés avec le langage.