L’effondrisme ou la théologie de l’autodestruction / Collapsism or the Theology of Self-Destruction

L’effondrisme se présente comme une théorie de l’autodestruction nécessaire des structures contradictoires, postulant que le capitalisme, et désormais l’intelligence artificielle, portent en eux-mêmes les germes de leur propre effondrement. Cette perspective, séduisante par sa dimension quasi-téléologique, mérite d’être scrutée avec la plus grande vigilance critique.
Cette posture théorique n’est certes pas nouvelle. Elle trouve ses racines dans la théorie marxienne de la baisse tendancielle du taux de profit, exposée dans le Livre III du Capital. Marx y postulait que le capitalisme, en accumulant toujours plus de moyens de production (capital constant) au détriment du travail vivant (seul créateur de valeur), verrait mécaniquement son taux de profit s’éroder jusqu’à provoquer des crises d’accumulation fatales. Cette “loi” économique devait manifester, selon une analogie thermodynamique, l’entropie croissante inhérente au mode de production capitaliste – le système creusant littéralement sa propre tombe par sa logique interne d’expansion. Mais l’histoire du capitalisme depuis Marx démontre précisément l’insuffisance de cette mécanique : les contre-tendances, l’innovation, la financiarisation, l’impérialisme, la capture de nouveaux territoires d’exploitation ont constamment différé, déplacé, métamorphosé ces contradictions plutôt que de les résoudre par l’effondrement.
L’idée que « Ca ne peut plus continuer comme ça donc il va se passer quelque chose ! » a un premier écueil qui réside dans sa foi quasi-mystique en une corrélation nécessaire entre contradiction logique et effondrement matériel. L’effondrisme présuppose que les structures socio-économiques obéissent à une rationalité immanente qui les conduirait fatalement à leur propre ruine. Cette croyance en une coïncidence parfaite entre l’ordre du logos et l’ordre factuel constitue une forme de méta-physique déguisée, un rationalisme absolu qui confond allègrement la critique théorique des contradictions systémiques avec leur résolution effective dans le monde matériel. Or, l’histoire du capitalisme démontre précisément l’inverse : sa capacité prodigieuse à métaboliser ses contradictions, à les transformer en nouveaux territoires d’expansion, à faire de ses crises autant de relances. Comme nous l’avons observé lors de la crise de 2008, ce que l’effondrisme annonçait comme l’écroulement terminal du système financier n’aura été qu’une nouvelle opportunité de restructuration, de concentration du capital, d’approfondissement des logiques extractivistes. Le système, loin de s’effondrer sous le poids de ses propres contradictions, s’est recomposé en intégrant précisément la critique qui lui était adressée.
La délégation fataliste du futur
L’effondrisme opère une délégation stratégique redoutable : il reporte sur l’événement futur de l’effondrement la responsabilité du changement politique. Cette projection apocalyptique nous dispense commodément de l’action présente, transformant la nécessité d’une transformation radicale en attente passive d’un cataclysme salvateur qui est attente du logos incarné. Le possible se trouve ainsi relégué dans un futur hypothétique plutôt que d’être assumé comme projet politique immédiat.
Cette temporalité eschatologique n’est pas sans rappeler les structures religieuses de la pensée millénariste : l’effondrisme fonctionne comme une théologie laïcisée où le Jugement Dernier a été remplacé par le collapse systémique, et la Rédemption par l’émergence spontanée d’une société post-capitaliste. Mais cette attente messianique occulte précisément les tâches concrètes de la transformation sociale. Elle nous dépossède de notre agentivité politique au profit d’une prétendue nécessité historique.
Le problème ne réside pas seulement dans cette passivité induite, mais dans la façon dont l’effondrisme construit un horizon d’attente qui désamorce la critique présente. En nous promettant que le système s’effondrera de lui-même, il nous épargne l’effort de penser les stratégies de sa transformation. Il substitue à l’analyse des rapports de force concrets une métaphysique de l’autodestruction qui fait l’économie de la lutte politique.
L’erreur la plus fondamentale de l’effondrisme consiste à sous-estimer radicalement les capacités d’adaptation, de plasticité et de résilience des structures de domination. Le capitalisme n’est pas une essence figée vouée à l’effondrement, mais un rapport social dynamique doté d’une plasticité extraordinaire. Sa force réside précisément dans sa capacité à intégrer, à digérer, à métaboliser tout ce qui semble le contredire.
Prenons l’exemple paradigmatique de l’intelligence artificielle et de ce que l’on pourrait nommer, reprenant l’article d’e-flux, la « logique métabolique du slop » (https://www.e-flux.com/architecture/intensification/6782975/eating-the-future-the-metabolic-logic-of-ai-slop) . L’effondrisme y voit une nouvelle preuve que le système creuse sa propre tombe : l’IA générative, en saturant l’espace informationnel de contenus dégradés, contaminerait progressivement ses propres données d’entraînement, conduisant à une spirale entropique mortifère. Le serpent numérique se mordrait la queue jusqu’à l’asphyxie.
Mais cette analyse néglige complètement la dimension adaptative du capitalisme algorithmique. Les plateformes développent déjà des mécanismes sophistiqués de filtrage, de validation, de hiérarchisation des données, et de nouveaux logiciels comme le modèle JEPA qui est moins sur une force brute de calcul inductif. L’industrie de l’IA invente de nouveaux protocoles de labellisation, de certification, de traçabilité des contenus. Ce qui apparaissait comme une contradiction fatale devient un nouveau terrain d’innovation technique et d’extraction de valeur.
Un vitalisme réactionnaire
L’effondrisme, dans sa critique adamique (revenir à la nudité d’avant la Chute) de l’artificialité techno-capitaliste, tend à se rabattre sur une valorisation problématique du « vivant » comme instance de résistance ultime (Bridle, James. Toutes les intelligences du monde : Comment les pieuvres, les forêts et les machines peuvent nous aider à repenser l’intelligence. 2024). Cette tendance vitaliste se manifeste sous diverses formes : éloge de la permaculture contre l’agriculture industrielle, célébration des « low-tech » contre la high-tech, invocation de la résilience des écosystèmes naturels comme modèle de reconstruction post-collapse.
Or, ce nouveau vitalisme charrie des présupposés théoriques et politiques hautement contestables. D’abord, il établit une opposition métaphysique entre nature et technique, vivant et artificiel, qui ignore les intrications profondes entre ces dimensions. Le « vivant » invoqué par l’effondrisme vitaliste n’est souvent qu’une construction idéologique, une nature fantasmée servant de point d’appui à une critique qui n’ose pas assumer pleinement sa dimension politique.
Ensuite, cette valorisation du vivant tend à naturaliser des formes d’organisation sociale présentées comme plus « organiques », « authentiques », « enracinées ». Le passage de la critique du capitalisme à l’éloge du terroir ou du jardingae n’est jamais très loin. Le vitalisme effondriste risque constamment de basculer dans une écologie conservatrice, voire réactionnaire, qui fait du « retour à la terre » et de la « communauté locale » les horizons indépassables de l’émancipation.
Cette critique ne vise nullement à disqualifier toute réflexion sur notre rapport aux milieux vivants ou sur les limites de la technologisation. Elle pointe plutôt la facilité avec laquelle l’effondrisme glisse d’une critique légitime de l’extractivisme à une ontologie binaire qui oppose artifice et nature, mort et vie, technique et organisme. Cette ontologie binaire fait obstacle à une pensée véritablement écologique qui saurait penser les agencements complexes entre techniques et milieux, artifices et organismes, sans les rabattre sur une opposition métaphysique.
L’effondrisme partage avec le survivalisme nord-américain une tendance problématique à penser l’effondrement comme événement total, affectant uniformément l’ensemble du corps social. Cette vision apocalyptique occulte systématiquement la dimension profondément inégalitaire de toute crise systémique. Or, les catastrophes ne frappent jamais également. Les classes dominantes disposent de ressources matérielles, de réseaux, de savoirs qui leur permettent non seulement de mieux résister aux chocs, mais souvent de les transformer en opportunités d’accumulation. Le « capitalisme du désastre » analysé par Naomi Klein n’est pas une dérive accidentelle mais une logique constitutive du système : chaque crise devient occasion de nouvelles enclosures, de nouvelles privatisations, de nouveaux transferts de richesse du bas vers le haut.
L’effondrisme, en postulant un écroulement global et simultané, risque de masquer cette réalité fondamentale : l’effondrement est déjà là pour les populations les plus vulnérables, les quartiers populaires, les pays du Sud global. Ce que nous appelons « crise » dans les métropoles du Nord n’est que l’extension différée et atténuée d’un état d’exception permanent qui frappe depuis longtemps les périphéries du système-monde. Cette perspective décoloniale sur l’effondrement nous invite à renverser le récit effondriste : plutôt que d’attendre un collapse à venir qui concernerait enfin les centres du pouvoir, il s’agit de reconnaître que les marges vivent déjà dans les ruines du capitalisme et ont développé des savoirs de survie, des tactiques de résilience, des formes d’organisation collective dont nous aurions beaucoup à apprendre.
La conjonction
Face à l’impasse de l’effondrisme, une tout autre attitude théorique et pratique s’impose. Plutôt que de céder à l’urgentisme paralysant qui nous somme de choisir entre l’effondrement imminent et le statu quo insoutenable, il convient de cultiver ce que nous pourrions nommer, avec les collapsologues critiques, les « arabesques de la conjonction ». Cette posture consiste à maintenir simultanément plusieurs temporalités, plusieurs régimes de causalité, plusieurs échelles d’analyse. Elle refuse la tentation de l’explication totalisante, de la théorie unifiée qui prétendrait déduire l’avenir des contradictions présentes. Elle cultive au contraire une pensée des bifurcations possibles, des devenirs multiples, des agencements inattendus.
Plutôt que de déléguer au futur la charge de notre désaliénation, cette approche invite à multiplier ici et maintenant les expérimentations de formes de vie alternatives et une sur ou une re-aliénation. Mais ces expérimentations ne doivent pas être pensées comme préfigurations d’un après-effondrement, comme répétitions générales pour le grand soir écologique. Elles valent pour elles-mêmes, comme intensifications du possible dans le présent, comme élargissement de notre champ d’expérience.
Ce qu’il faut opposer à l’effondrisme, ce n’est ni l’optimisme technologique ni le catastrophisme résigné, mais une politique des interstices qui assume pleinement la complexité de notre situation historique. Cette politique reconnaît que nous vivons dans un entre-deux : ni dans la stabilité d’un ordre établi ni dans l’imminence d’un effondrement total, mais dans une zone de turbulence où coexistent désagrégation partielle et recomposition constante, où s’entremêlent les logiques de domination et les lignes de fuite.
Dans cette zone interstitielle, le travail politique ne consiste ni à accélérer l’effondrement ni à le prévenir, mais à construire des institutions qui permettent de vivre autrement dans et malgré la crise permanente. Ces institutions — au sens fort du terme, comme capacité collective d’instituer de nouvelles formes de vie — ne préparent pas l’après-effondrement, elles transforment le présent.
L’enjeu n’est donc pas de savoir si le capitalisme ou l’IA s’effondreront sous le poids de leurs contradictions, mais de construire dès maintenant les conditions d’une égalité radicale, d’une répartition juste des richesses et des vulnérabilités, d’une réappropriation collective des moyens de subsistance et de création. Cette construction ne peut reposer sur la promesse d’un événement à venir, mais doit s’ancrer dans les luttes concrètes du présent.
L’exemple de l’intelligence artificielle permet de saisir concrètement les limites de l’effondrisme. Plutôt que de compter sur une autodestruction entropique du système algorithmique, il s’agit de comprendre comment les IAs reconfigurent les espaces de lutte et ouvrent de nouveaux champs de bataille politiques (dont le vectofascisme s’est emparé). L’espace latent des modèles génératifs n’est pas simplement un territoire de capture et d’aliénation, c’est aussi un terrain d’expérimentation où se jouent de nouvelles formes de subjectivation. La question n’est pas de savoir si l’IA va s’effondrer dans sa propre entropie, mais de déterminer qui contrôlera ces espaces vectoriels, selon quelles logiques ils seront gouvernés, quelles pratiques de détournement et de réappropriation ils rendront possibles.
De même, la « quatrième mémoire » instituée par les systèmes d’IA ne conduit pas mécaniquement à une aliénation totale ou à un effondrement systémique. Elle ouvre un champ de tensions où se confrontent différents régimes de temporalité, différentes modalités du souvenir et de l’anticipation. C’est dans ces tensions que se jouent les possibilités d’émancipation ou d’assujettissement, non dans une dialectique abstraite de l’autodestruction.
Habiter l’inhabitable
L’effondrisme nous promet qu’un jour viendra où le système, sous le poids de ses contradictions, s’effondrera et nous libérera de son emprise. Cette promesse est doublement mensongère. D’abord parce qu’elle repose sur une compréhension naïve des dynamiques capitalistes. Ensuite parce qu’elle nous détourne du véritable enjeu : apprendre à habiter l’inhabitable, à créer des conditions de vie commune dans un monde structurellement hostile.
Cette inhabitabilité n’est pas un état provisoire qui céderait place à un effondrement salvateur puis à une reconstruction. C’est notre condition permanente dans le capitalisme tardif. La tâche politique consiste donc à inventer des formes d’institution qui permettent de vivre ensemble malgré et dans cette inhabitabilité, sans attendre que le système s’écroule de lui-même.
Ces institutions ne sont ni des alternatives globales ni des refuges provisoires, mais des hétérotopies — des contre-espaces réels qui s’articulent avec le système dominant tout en s’en distinguant. Elles ne préfigurent pas un après-capitalisme, elles créent des zones temporaires d’autonomie où d’autres rapports sociaux deviennent possibles.
L’effondrisme fonctionne ultimement comme une théologie inversée qui nous dépossède de notre puissance d’agir au profit d’une eschatologie laïcisée. En postulant que les structures se détruisent nécessairement elles-mêmes, il nous dispense de la tâche difficile de les transformer consciemment. En valorisant le « vivant » contre l’artifice, il occulte les véritables enjeux politiques de notre époque. En promettant un effondrement égalitaire, il masque la réalité des catastrophes inégalitaires qui frappent déjà les plus vulnérables.
Mais se contenter de déconstruire la passivité effondriste serait retomber dans le piège symétrique : celui de l’activisme instrumental qui croit pouvoir maîtriser l’avenir par des projets volontaristes. Cette illusion prométhéenne du projet, qui fut le défaut du Manifeste accélérationniste (2014), qui pense pouvoir plier le réel à ses intentions, méconnaît tout autant la complexité des agencements socio-techniques que l’effondrisme méconnaît les capacités d’adaptation du système. Entre la passivité fataliste qui attend l’effondrement et l’activisme instrumental qui croit contrôler le devenir, il faut frayer une voie étroite : celle de l’expérimentation.
L’expérimentation n’est ni passive ni instrumentale. Elle ne délègue pas au futur la charge du changement, mais elle ne prétend pas non plus maîtriser ses effets. Elle consiste à ouvrir des possibles dans le présent sans savoir exactement où ils conduiront. Elle assume pleinement son caractère tâtonnant, sa dimension exploratoire, ses réussites partielles et ses échecs instructifs. L’expérimentation reconnaît que nous ne savons pas d’avance ce qui fonctionnera, mais que cette ignorance même est productive : elle nous oblige à rester attentifs aux émergences imprévues, aux bifurcations inattendues, aux agencements surprenants. Elle constitue un bouleversement dans la question historique de la technique.
Cette posture expérimentale nous permet d’habiter une double vérité apparemment contradictoire : tout changera et tout continuera en pire. Sans sombrer dans le pessimisme, nous devons supposer que les structures de domination se perpétueront, se transformeront, s’adapteront — intensifiant même leur emprise à mesure qu’elles intègrent nos critiques et nos résistances. Le capitalisme algorithmique qui nous capture ne disparaîtra pas miraculeusement ; il mutera, se raffinera, s’immiscera dans des dimensions toujours plus intimes de nos existences. L’inhabitabilité du monde ne fera probablement que s’accentuer, les inégalités se creuser, les catastrophes se multiplier.
Et pourtant, tout change aussi constamment, imperceptiblement, par les mille pratiques quotidiennes qui déjouent les captures, par les solidarités qui se nouent dans les interstices, par les savoirs de survie qui se transmettent, par les institutions du commun qui s’inventent dans les marges. Cette double situation — tout empire et tout se transforme — définit précisément l’inhabitable que nous devons apprendre à habiter.
L’inhabitable n’est pas un état provisoire avant l’effondrement ou la révolution. C’est notre condition permanente dans le capitalisme tardif : un monde structurellement hostile où nous devons néanmoins créer des formes de vie commune. Cette inhabitabilité exige une vigilance, une attention soutenue aux conditions de possibilité de l’existence collective. Elle interdit tout confort théorique, toute certitude quant à l’avenir, toute promesse de rédemption finale.
Face à cette double réalité, l’expérimentation politique devient l’attitude la plus lucide : ni l’attente passive de l’effondrement salvateur, ni la volonté active du projet maîtrisé, mais l’exploration patiente des possibles dans un présent toujours déjà compromis. Cette expérimentation ne promet aucune sortie définitive de l’inhabitable, mais elle maintient ouverte la possibilité d’autres modes d’habitation, d’autres formes de coexistence, d’autres façons de vivre ensemble malgré et dans la catastrophe permanente.
Le capitalisme ne s’effondrera pas tout seul, l’IA ne se détruira pas par auto-intoxication entropique. Ces systèmes se transformeront, se recomposeront, intégreront leurs critiques et leurs contradictions — tout en continuant d’extraire, d’exploiter, d’aliéner. Et simultanément, des lignes de fuite s’ouvriront, des zones d’autonomie émergera, des savoirs de résistance se développeront. Notre tâche consiste à expérimenter dans cet entre-deux, sans illusion sur l’effondrement à venir ni sur la maîtrise de nos projets, mais avec la certitude que chaque geste compte dans la reconfiguration permanente des rapports de force.
L’effondrisme nous vend la promesse d’une libération à crédit. L’activisme instrumental nous vend celle d’un contrôle sur l’histoire. Il est temps de refuser ces deux dettes symboliques pour assumer pleinement notre condition expérimentale : celle d’êtres finis cherchant à vivre ensemble dans un monde qui ne cessera ni de se dégrader ni de se transformer, un monde inhabitable que nous n’avons d’autre choix que d’habiter, sans garantie mais non sans espoir, sans projet maîtrisé mais non sans expérimentations.
Collapsism presents itself as a theory of the necessary self-destruction of contradictory structures, postulating that capitalism, and now artificial intelligence, carry within themselves the seeds of their own collapse. This perspective, seductive in its quasi-teleological dimension, deserves to be scrutinized with the utmost critical vigilance.
This theoretical posture is certainly not new. It finds its roots in Marx’s theory of the tendential fall in the rate of profit, set out in Volume III of Capital. Marx postulated that capitalism, by accumulating ever more means of production (constant capital) at the expense of living labor (the sole creator of value), would mechanically see its rate of profit erode until it provoked fatal accumulation crises. This economic “law” was meant to manifest, according to a thermodynamic analogy, the growing entropy inherent in the capitalist mode of production – the system literally digging its own grave through its internal logic of expansion. But the history of capitalism since Marx demonstrates precisely the inadequacy of this mechanism: counter-tendencies, innovation, financialization, imperialism, the capture of new territories of exploitation have constantly deferred, displaced, metamorphosed these contradictions rather than resolving them through collapse.
The idea that “It can’t go on like this, so something’s going to happen!” has a first pitfall that lies in its quasi-mystical faith in a necessary correlation between logical contradiction and material collapse. Collapsism presupposes that socio-economic structures obey an immanent rationality that would fatally lead them to their own ruin. This belief in a perfect coincidence between the order of logos and the factual order constitutes a form of disguised meta-physics, an absolute rationalism that blithely confuses the theoretical critique of systemic contradictions with their effective resolution in the material world. Yet the history of capitalism demonstrates precisely the opposite: its prodigious capacity to metabolize its contradictions, to transform them into new territories of expansion, to turn its crises into so many relaunches. As we observed during the 2008 crisis, what collapsism announced as the terminal collapse of the financial system turned out to be merely a new opportunity for restructuring, capital concentration, and deepening extractivist logics. The system, far from collapsing under the weight of its own contradictions, recomposed itself by precisely integrating the critique addressed to it.
The Fatalistic Delegation to the Future
Collapsism operates a formidable strategic delegation: it transfers to the future event of collapse the responsibility for political change. This apocalyptic projection conveniently dispenses us from present action, transforming the necessity of radical transformation into passive waiting for a salvific cataclysm that is the waiting for incarnated logos. The possible is thus relegated to a hypothetical future rather than being assumed as an immediate political project.
This eschatological temporality is reminiscent of the religious structures of millenarian thought: collapsism functions as a secularized theology where the Last Judgment has been replaced by systemic collapse, and Redemption by the spontaneous emergence of a post-capitalist society. But this messianic waiting precisely obscures the concrete tasks of social transformation. It dispossesses us of our political agency in favor of a supposed historical necessity.
The problem lies not only in this induced passivity, but in the way collapsism constructs a horizon of expectation that defuses present critique. By promising us that the system will collapse on its own, it spares us the effort of thinking about strategies for its transformation. It substitutes for the analysis of concrete power relations a metaphysics of self-destruction that economizes on political struggle.
Collapsism’s most fundamental error consists in radically underestimating the adaptive, plastic, and resilient capacities of structures of domination. Capitalism is not a fixed essence doomed to collapse, but a dynamic social relation endowed with extraordinary plasticity. Its strength lies precisely in its capacity to integrate, digest, metabolize everything that seems to contradict it.
Take the paradigmatic example of artificial intelligence and what we might call, borrowing from the e-flux article, the “metabolic logic of slop” (https://www.e-flux.com/architecture/intensification/6782975/eating-the-future-the-metabolic-logic-of-ai-slop). Collapsism sees in it new proof that the system is digging its own grave: generative AI, by saturating the information space with degraded content, would progressively contaminate its own training data, leading to a mortifying entropic spiral. The digital serpent would bite its own tail until asphyxiation.
But this analysis completely neglects the adaptive dimension of algorithmic capitalism. Platforms are already developing sophisticated filtering, validation, and data hierarchization mechanisms, and new software like the JEPA model which relies less on brute inductive computational force. The AI industry is inventing new protocols for labeling, certification, and content traceability. What appeared as a fatal contradiction becomes a new terrain for technical innovation and value extraction.
A Reactionary Vitalism
Collapsism, in its Adamic critique (returning to the nakedness before the Fall) of techno-capitalist artificiality, tends to fall back on a problematic valorization of the “living” as the ultimate instance of resistance (Bridle, James. Ways of Being: Beyond Human Intelligence. 2024). This vitalist tendency manifests in various forms: praise of permaculture against industrial agriculture, celebration of “low-tech” against high-tech, invocation of natural ecosystem resilience as a model for post-collapse reconstruction.
Yet this new vitalism carries highly contestable theoretical and political presuppositions. First, it establishes a metaphysical opposition between nature and technology, living and artificial, which ignores the deep imbrications between these dimensions. The “living” invoked by vitalist collapsism is often merely an ideological construction, a fantasized nature serving as a foothold for a critique that does not dare fully assume its political dimension.
Furthermore, this valorization of the living tends to naturalize forms of social organization presented as more “organic,” “authentic,” “rooted.” The passage from critique of capitalism to praise of terroir or gardening is never very far. Collapist vitalism constantly risks tipping into a conservative, even reactionary ecology, which makes “return to the land” and “local community” the insurmountable horizons of emancipation.
This critique in no way aims to disqualify all reflection on our relationship to living environments or on the limits of technologization. Rather, it points to the ease with which collapsism slides from a legitimate critique of extractivism to a binary ontology that opposes artifice and nature, death and life, technology and organism. This binary ontology obstructs a truly ecological thinking that would know how to think the complex assemblages between technologies and environments, artifices and organisms, without reducing them to a metaphysical opposition.
Collapsism shares with North American survivalism a problematic tendency to think of collapse as a total event, uniformly affecting the entire social body. This apocalyptic vision systematically obscures the profoundly unequal dimension of any systemic crisis. Yet catastrophes never strike equally. The dominant classes have material resources, networks, knowledge that allow them not only to better resist shocks, but often to transform them into opportunities for accumulation. The “disaster capitalism” analyzed by Naomi Klein is not an accidental deviation but a constitutive logic of the system: each crisis becomes an occasion for new enclosures, new privatizations, new transfers of wealth from bottom to top.
Collapsism, by postulating a global and simultaneous collapse, risks masking this fundamental reality: collapse is already here for the most vulnerable populations, working-class neighborhoods, countries of the Global South. What we call “crisis” in the metropolises of the North is only the delayed and attenuated extension of a permanent state of exception that has long struck the peripheries of the world-system. This decolonial perspective on collapse invites us to reverse the collapist narrative: rather than waiting for a coming collapse that would finally concern the centers of power, it is about recognizing that the margins already live in the ruins of capitalism and have developed survival knowledge, resilience tactics, forms of collective organization from which we would have much to learn.
The Conjunction
Faced with the impasse of collapsism, an entirely different theoretical and practical attitude is needed. Rather than yielding to paralyzing urgentism that commands us to choose between imminent collapse and unsustainable status quo, we should cultivate what we might call, with critical collapsologists, the “arabesques of conjunction.” This posture consists in simultaneously maintaining multiple temporalities, multiple regimes of causality, multiple scales of analysis. It refuses the temptation of totalizing explanation, of unified theory that would claim to deduce the future from present contradictions. It cultivates instead a thinking of possible bifurcations, multiple becomings, unexpected assemblages.
Rather than delegating to the future the burden of our disalienation, this approach invites us to multiply here and now experiments in alternative forms of life and a sur- or re-alienation. But these experiments must not be thought of as prefigurations of a post-collapse, as dress rehearsals for the great ecological evening. They are valuable in themselves, as intensifications of the possible in the present, as expansions of our field of experience.
What must be opposed to collapsism is neither technological optimism nor resigned catastrophism, but a politics of interstices that fully assumes the complexity of our historical situation. This politics recognizes that we live in an in-between: neither in the stability of an established order nor in the imminence of total collapse, but in a zone of turbulence where partial disintegration and constant recomposition coexist, where logics of domination and lines of flight intertwine.
In this interstitial zone, political work consists neither in accelerating collapse nor in preventing it, but in constructing institutions that allow living otherwise in and despite permanent crisis. These institutions – in the strong sense of the term, as collective capacity to institute new forms of life – do not prepare for post-collapse, they transform the present.
The issue is therefore not whether capitalism or AI will collapse under the weight of their contradictions, but to construct right now the conditions for radical equality, fair distribution of wealth and vulnerabilities, collective reappropriation of means of subsistence and creation. This construction cannot rest on the promise of a coming event, but must be anchored in the concrete struggles of the present.
The example of artificial intelligence allows us to concretely grasp the limits of collapsism. Rather than counting on an entropic self-destruction of the algorithmic system, it is about understanding how AIs reconfigure spaces of struggle and open new political battlefields (which vectorfascism has seized upon). The latent space of generative models is not simply a territory of capture and alienation, it is also an experimental terrain where new forms of subjectivation are at play. The question is not whether AI will collapse in its own entropy, but to determine who will control these vectorial spaces, according to what logics they will be governed, what practices of diversion and reappropriation they will make possible.
Similarly, the “fourth memory” instituted by AI systems does not mechanically lead to total alienation or systemic collapse. It opens a field of tensions where different regimes of temporality, different modalities of memory and anticipation confront each other. It is in these tensions that possibilities of emancipation or subjugation are played out, not in an abstract dialectic of self-destruction.
Inhabiting the Uninhabitable
Collapsism promises us that a day will come when the system, under the weight of its contradictions, will collapse and free us from its grip. This promise is doubly mendacious. First because it rests on a naive understanding of capitalist dynamics. Second because it diverts us from the real issue: learning to inhabit the uninhabitable, to create conditions for common life in a structurally hostile world.
This uninhabitability is not a provisional state that would give way to a salvific collapse followed by reconstruction. It is our permanent condition in late capitalism. The political task therefore consists in inventing forms of institution that allow living together despite and in this uninhabitability, without waiting for the system to collapse on its own.
These institutions are neither global alternatives nor temporary refuges, but heterotopias – real counter-spaces that articulate with the dominant system while distinguishing themselves from it. They do not prefigure a post-capitalism, they create temporary autonomous zones where other social relations become possible.
Collapsism ultimately functions as an inverted theology that dispossesses us of our power to act in favor of a secularized eschatology. By postulating that structures necessarily destroy themselves, it dispenses us from the difficult task of consciously transforming them. By valorizing the “living” against artifice, it obscures the real political stakes of our era. By promising an egalitarian collapse, it masks the reality of unequal catastrophes that already strike the most vulnerable.
But merely deconstructing collapist passivity would be to fall into the symmetrical trap: that of instrumental activism that believes it can master the future through voluntarist projects. This Promethean illusion of the project, which was the flaw of the Accelerationist Manifesto (2014), which thinks it can bend reality to its intentions, misunderstands the complexity of socio-technical assemblages just as much as collapsism misunderstands the adaptive capacities of the system. Between the fatalistic passivity that awaits collapse and the instrumental activism that believes it controls becoming, a narrow path must be forged: that of experimentation.
Experimentation is neither passive nor instrumental. It does not delegate to the future the burden of change, but neither does it claim to master its effects. It consists in opening possibilities in the present without knowing exactly where they will lead. It fully assumes its groping character, its exploratory dimension, its partial successes and instructive failures. Experimentation recognizes that we do not know in advance what will work, but that this very ignorance is productive: it obliges us to remain attentive to unforeseen emergences, unexpected bifurcations, surprising assemblages. It constitutes an upheaval in the historical question of technology.
This experimental posture allows us to inhabit an apparently contradictory double truth: everything will change and everything will continue to worsen. Without sinking into pessimism, we must suppose that structures of domination will perpetuate themselves, transform themselves, adapt – even intensifying their grip as they integrate our critiques and resistances. The algorithmic capitalism that captures us will not miraculously disappear; it will mutate, refine itself, insinuate itself into ever more intimate dimensions of our existences. The uninhabitability of the world will probably only intensify, inequalities deepen, catastrophes multiply.
And yet, everything also changes constantly, imperceptibly, through the thousand daily practices that elude captures, through the solidarities that form in the interstices, through the survival knowledge that is transmitted, through the institutions of the common that are invented in the margins. This double situation – everything worsens and everything transforms – precisely defines the uninhabitable that we must learn to inhabit.
The uninhabitable is not a provisional state before collapse or revolution. It is our permanent condition in late capitalism: a structurally hostile world where we must nevertheless create forms of common life. This uninhabitability demands vigilance, sustained attention to the conditions of possibility for collective existence. It forbids all theoretical comfort, all certainty about the future, all promise of final redemption.
Faced with this double reality, political experimentation becomes the most lucid attitude: neither the passive waiting for salvific collapse, nor the active will of the mastered project, but the patient exploration of possibilities in a present always already compromised. This experimentation promises no definitive exit from the uninhabitable, but it keeps open the possibility of other modes of habitation, other forms of coexistence, other ways of living together despite and in permanent catastrophe.
Capitalism will not collapse on its own, AI will not self-destruct through entropic auto-intoxication. These systems will transform, recompose, integrate their critiques and contradictions – while continuing to extract, exploit, alienate. And simultaneously, lines of flight will open, autonomous zones will emerge, knowledge of resistance will develop. Our task consists in experimenting in this in-between, without illusion about the coming collapse or the mastery of our projects, but with the certainty that each gesture counts in the permanent reconfiguration of power relations.
Collapsism sells us the promise of liberation on credit. Instrumental activism sells us that of control over history. It is time to refuse these two symbolic debts to fully assume our experimental condition: that of finite beings seeking to live together in a world that will neither cease to degrade nor to transform, an uninhabitable world that we have no choice but to inhabit, without guarantee but not without hope, without mastered project but not without experiments.
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Bridle, James. 2024. Toutes les intelligences du monde : Comment les pieuvres, les forêts et les machines peuvent nous aider à repenser l’intelligence.
Klein, Naomi. 2008. La stratégie du choc : La montée d’un capitalisme du désastre. Traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Montréal : Léméac / Arles : Actes Sud.
Marx, Karl. 1993. Le Capital, Livre III : Le procès d’ensemble de la production capitaliste. Traduit par Catherine Colliot-Thélène, Jean-Pierre Lefebvre et al. Paris : Presses Universitaires de France.
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