Dévastation

La dévastation est l’époque qui s’ouvre avec la pandémie, dont les origines remontent aux différents épisodes de l’exploitation et de l’accaparement humains de la Terre.

Comme son nom l’indique, elle prive, retire, soustrait le vaste, c’est-à-dire la libre étendue ouverte, déserte, inculte et inhabitée (de vastus, libre, désert). Celle-ci était le monde comme horizon qui à présent se referme et nous laisse confiné. Le monde se constituait comme ce qui dépassait notre perception, formant la relation entre l’horizon d’attente perceptive et l’horizon mondain de donation. Le monde se dé-vaste, il se referme sur notre perception même selon une esthétique du nihilisme.

Nous sommes alors isolés, enfermés, retirés. Le confinement nous maintient dans un milieu de volume restreint et clos , c’est-à-dire, à proprement parler, dé-vasté.

La pandémie et les politiques sanitaires ne sont donc pas des événements accidentels et ponctuels qui se refermeront et qui ne laisseront après eux qu’un mauvais souvenir. Elles sont les premiers coups de l’époque de la dévastation, d’un monde dé-vasté et ravagé. Nos existences vont, après le fantasme de la mondialisation comme libre et vaste accès à tous les endroits du monde, être spatialement limitées, restreintes à des lieux très étroits et sans horizon, c’est-à-dire sans avenir.

Nous passons donc de l’époque de l’Arraisonnement, comme accaparement de toutes les ressources terrestres, à l’époque de la dévastation comme sa conséquence historiale, logique et matérielle. La consumation, fondée sur une mobilisation hylémorphique (la matière attend sa forme et celle-ci est idéelle et indifférencielle), a eu comme conséquence bien concrète un effondrement des ressources productives, une extinction des vivants et une dévastation de notre relation au monde. Cette dévastation, malgré les apparences, n’a rien de négatif ou si elle en a cela doit nous mener à repenser notre finitude non plus seulement comme étant individuelle mais comme concernant tout aussi bien notre espèce humaine que les autres espèces.



Devastation is the era that begins with the pandemic, whose origins can be traced back to the various episodes of human exploitation and grabbing of the Earth.

As its name suggests, it deprives, withdraws, subtracts the vast, open expanse. This was the world as a horizon that now closes in and leaves us confined. The world was constituted as that which exceeded our perception, forming the decorrelation between the horizon of perceptive expectation and the worldly horizon of giving. The world is un-vast, it closes in on our perception even according to an aesthetics of nihilism.

We are then isolated, enclosed, withdrawn. Confinement keeps us in an environment of restricted and closed volume, that is to say, strictly speaking, de-vastated.

The pandemic and health policies are therefore not accidental and punctual events that will close up and leave behind only a bad memory. They are the first blows of the era of devastation, of a devastated world. After the fantasy of globalization as free access to all places in the world, our existences are going to be spatially limited, restricted to very narrow places with no horizon, that is to say, no future.

We are thus moving from the time of the Arraisonnement, as the monopolization of all the earth’s resources, to the time of devastation as its historical, logical and material consequence. Consumption, based on a hylemorphic mobilization (matter awaits its form and this form is ideal and undifferentiated), has had as a very concrete consequence a collapse of productive resources, an extinction of the living and a devastation of our relationship to the world. This devastation, despite appearances, has nothing negative about it, or if it does, it should lead us to rethink our finiteness not only as an individual, but as concerning our human species as well as other species.