La constitution technique de la réalité

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Notre ontologie est fonction des images, de toutes les images et de leur différence. Chacune d’entre elles a un effet de réalité et la couleur a le sien.
En voyant chromatiquement des images qui n’auraient pas dû être en couleur quelque chose arrive à notre perception. D’abord un désaccord puis une certaine profondeur du temps historique, le grain d’un passage. Nous nous plongions dans ce passé, brutalement, dans sa texture réelle, dans ces existences passées et dans cette ville qu’on croyait connaître. Qu’était alors la vie? Et les arbres ? Les pierres ? Les femmes portaient d’autres vêtements mais les visages se ressemblaient.
Notre perception de la réalité est fonction de systèmes techniques dominants. Il suffit qu’un procédé soit minoritaire (comme ici l’autochrome) et quelque chose de surprenant arrive. Il y a cet écart étrange comme si ces images existaient sur deux plans : celui auquel nous nous attendions, le noir et le blanc, le grain, le bougé. Ce premier plan est technique (il s’agit d’un dispositif de captation), esthétique (il concerne la perception) et ontologique (nous imaginons une certaine réalité historiquement située). Il est un horizon d’anticipation qui lie les trois. Le second plan est l’interruption provoquée par la couleur qui téléporte ces images à une époque à laquelle elles n’appartiennent pas. Il y a un désaccord, à contre-temps, et c’est ce caractère intempestif qui produit un autre effet technique, esthétique et ontologique : la surprise est celle de la perception d’une autre concrétude. Ces images nous révèlent le complexe indissociable dans lequel nous sommes plongés.
Les dispositifs techniques déterminent notre structure transcendantale et transforme donc la définition même de celle-ci.

http://curiouseggs.com/extremely-rare-color-photography-of-early-1900s-paris/