Le flux sans le chaos
Si certains associent sans vraiment y prendre garde et comme par une habitude de la pensée, le flux à un chaos impensable c’est parce qu’ils transforment un état, le flux, en une chose. En tant qu’état, le flux est variable, il n’est pas une chose compacte, de sorte que c’est son tempo, sa variabilité, son différentiel qui importe. Et celui-ci n’impose pas nécessairement une fréquence chaotique entraînant des changements si rapides qu’aucune régularité n’est pensable et s’il y a une régularité elle n’implique nullement la régularité des lois. Il serait absurde d’appliquer un raisonnement probabiliste égalitaire, comme si tous les possibles logiques avaient également une chance de sortir ou comme, ce qui revient au même, si le fait que certains possibles sortent plus que d’autres impliquerait une loi qui expliquerait ce déséquilibre.
Le flux compris en tant que chaos est aussi le produit d’une conception défaillante du flux considéré paradoxalement comme une pure continuité, c’est-à-dire comme un changement qui ne change pas dans le changement. C’est ce que je nomme le flux intégral. Or s’il y a un changement véritable il doit aussi affecter le changement comme tel, c’est-à-dire la logique, et c’est pourquoi le flux est ambivalent. Il n’est pas un continuum intégral, il est afflux et reflux, excès et pauvreté, donation et retrait. S’il y a un chaos du flux, il ne saurait s’identifier au désordre ou à l’ordre.
Si la mécanique des fluides fonctionne puisqu’elle offre une certaine prédictibilité, nous ne comprenons toujours pas son fonctionnement. Tout se passe comme si elle opérait sans pour autant répondre à un ordre déterminé. Le rapport de la physique au flux est très exactement uen logique qui ne dialectise plus ordre et désordre, qui ne cherche plus à expliquer par un fondement absolu, un principe premier, mais à décrire.