I’ll Be Your Broken Reflection

Il y a dans mes recherches artistiques quelque chose qui résiste à l’explication. Une double préoccupation, peut-être, ou plutôt une bifurcation qui revient sans cesse, qui insiste. D’un côté, ces films infinis qui ne se répètent jamais, qui défient la nature même du cinématographe fondé sur la reproduction du même. Le spectateur devient témoin d’un moment unique, absolument singulier, qui ne reviendra pas. Mais de l’autre côté, et c’est là que je me trouve le plus souvent dans une position intenable, il y a cette mise en relation de la récursivité et de la réflexivité. Deux termes qui semblent proches, presque synonymes, et qui pourtant ouvrent sur des abîmes différents.
Je devrais peut-être expliquer. Mais j’hésite. Cette hésitation même fait partie du travail, elle en constitue peut-être le cœur battant, fragile, défaillant.
Prenons The Dreaming Machine. C’est simple, en apparence. Un texte de rêve est généré automatiquement par un réseau de neurones nourri de vingt mille rêves compilés à l’Université de Californie. Le système détecte des mots-clés selon leur longueur, leur fréquence, leur étrangeté peut-être. Ces mots partent à la recherche d’images sur Internet. Les images s’affichent. Une voix de synthèse lit le texte pendant que défilent ces fragments visuels arrachés au web. Voici une boucle parfaite. Le système se nourrit de lui-même, crée sa propre causalité pour aller chercher des médias externes. C’est de la récursivité pure, cette forme fondamentale de l’informatique où les boucles s’emboîtent déterministiquement les unes dans les autres.
Mais avec l’environnement du réseau, quelque chose change. Ces boucles peuvent aller puiser ailleurs, dans le monde extérieur, via des capteurs, via les flux du web. Et puis il y a eu cette mutation profonde de l’art génératif, ce passage de l’abstraction vers un mimétisme réaliste troublant, grâce à la génération statistique. Il devient possible de créer des résultats de résultats, de faire en sorte que le logiciel engendre en lui-même une forme de déterminisme productif qui ressemble à quelque chose. À quoi ? On ne sait pas encore très bien. Dans l’installation matérielle de The Dreaming Machine, il y a un rack de serveur partiellement intégré dans la pierre. Des signaux lumineux clignotent, indiquant une activité computationnelle en cours. Un disque dur émet des vibrations continues, un bourdonnement. Cette hybridation entre technologie et matérialité brute évoque une archéologie du futur, comme si les machines allaient survivre à leurs créateurs. Comme si elles rêvaient déjà d’un monde sans nous.
L’une des formes que je ne cesse de reprendre, de décliner, de tordre dans tous les sens, consiste à générer des images puis à utiliser un modèle de langage pour les décrire. C’est là que la boucle se replie sur elle-même d’une manière qui ne cesse de me troubler.
Dans The White Cube in Black Box Ideology, le système génère en continu des images d’espaces d’exposition. Des cubes blancs, ces lieux immaculés caractéristiques des institutions muséales. Mais ces espaces sont vides, ou plutôt ils contiennent des œuvres invisibles, des œuvres qui n’existent que par leur description. Le système accompagne chaque image d’un texte qui imite le discours d’un visiteur esthète face à une œuvre. La composition révèle une tension subtile entre la matérialité brute et l’épure conceptuelle. On perçoit ici une interrogation profonde sur les limites de la représentation. Ce genre de phrases que nous connaissons tous, que nous avons tous entendues dans les galeries, lues sur les cartels. La machine génère ainsi une mémoire alternative de l’art moderne et contemporain, nourrie par des milliards de documents issus du réseau. Elle simule à la fois un public en contemplation devant des œuvres qui n’existent pas et des œuvres contrefactuelles qui reprennent tous les lieux communs du champ artistique. Entre simulation et génération, quelque chose vacille. Ce n’est pas une répétition fidèle du passé, c’est une version alternative de notre mémoire collective. La machine, dans sa boîte noire, réinvente notre histoire culturelle comme s’il fallait la reprendre depuis son origine. Et moi, en regardant défiler ces images et ces textes, je ne sais plus très bien où je me trouve. Est-ce que ces descriptions sont absurdes ou est-ce qu’elles touchent à quelque chose de juste ? Est-ce que le système produit du sens ou est-ce que c’est moi qui projette du sens sur ce flux ? Cette indécidabilité, elle fait partie de l’œuvre. Elle en constitue peut-être la dimension la plus troublante.
Ce même principe traverse Completion 1.0. Des images générées traversent différentes catégories ontologiques. Un paysage se transforme progressivement en portrait, un objet devient architecture, les frontières entre les formes se dissolvent dans un continuum de métamorphoses. Et ma voix, ma voix clonée, tente de commenter ces images. Elle décrit ce qu’elle voit, analyse, interprète. Parfois le récit est complètement absurde, déconnecté de l’image. Mais souvent, trop souvent peut-être, il est étrangement signifiant. Parfois même plus signifiant que les textes que nous lisons sur les cartels dans les galeries et les musées. C’est là que quelque chose se passe, quelque chose que je peine à nommer sans le déformer. Cette voix me ressemble mais elle n’est pas moi. Elle a pour objectif d’être une ressemblance qui m’excède. Et en l’écoutant décrire les images que je vois sur l’écran, c’est ma propre capacité à comprendre et à analyser qui m’est renvoyée comme dans un miroir déformant. Un miroir imparfait, décalé, qui intensifie ma finitude. Parce que si cette machine peut produire des descriptions qui parfois font sens, qu’est-ce que cela dit de ma propre façon de produire du sens ? La signification n’est qu’une contingence. Elle est l’effet d’une attribution par un tiers plutôt que quelque chose qui résiderait dans les signes eux-mêmes, en relation avec un référent stable. Et ce tiers peut être une machine. Ce tiers peut être un algorithme qui n’a aucune conscience de ce qu’il fait, qui ne fait que calculer des probabilités, qui ne fait que traverser un espace latent de possibles statistiques.
Cette mise en scène de la récursivité définit mon esthétique de part en part. Elle orchestre la position du public face à un système à la fois étranger et mimétique, un système informatique qui nous ressemble sans être nous. La récursivité automatique s’adresse à nous et crée l’effet d’une pseudo-conscience. Mais attention, il ne s’agit pas de faire croire à une véritable conscience, à une quelconque forme d’intelligence au sens fort. Ce serait trop simple, trop rassurant même. L’objectif est tout autre, plus vertigineux peut-être. Il s’agit de montrer la contingence de notre propre conscience, celle que nous utilisons au moment même où nous appréhendons ces systèmes récursifs. Nous croyons avoir accès à nous-mêmes, nous croyons en une transparence à soi, en une réflexivité qui nous serait propre. Mais face à ces machines qui produisent quelque chose qui ressemble à de la réflexivité sans en être, nous découvrons que notre propre réflexivité est peut-être aussi fragile, aussi contingente, aussi construite que celle de la machine.
Il y a là un sentiment de ressemblance étrangère. Un miroir imparfait qui ne nous renvoie pas notre image fidèlement mais qui la déforme juste assez pour que nous ne sachions plus très bien où nous nous trouvons. Cette expérience intensifie notre finitude. Elle nous fait sentir nos limites, non pas de manière négative, comme un manque, mais comme une ouverture, comme un espace d’incertitude où quelque chose peut encore avoir lieu. L’œuvre ne témoigne pas de son autonomie par rapport au public humain. Ce n’est pas une œuvre sans nous, comme ce fut le cas dans Telofossiles où les machines continuaient à fonctionner en notre absence, indifférentes à notre regard. Non, c’est une œuvre qui s’adresse à nous, ou à quelqu’un d’autre, selon des modalités qui nous ressemblent mais qui ne sont pas identiques. Elle met en fragilité nos propres capacités cognitives, nos certitudes sur notre façon de percevoir, de comprendre, d’interpréter le monde. La relation entre boucle informatique, récursivité et production de causalité emboîtée ouvre la voie à une esthétique singulière où il y a de l’autre que l’humain. C’est une esthétique de l’aliénation réciproque. Quelque chose qui n’est pas nous mais qui transforme notre propre relation à nous-mêmes. Elle nous fait sortir de la croyance mystique en une transparence à soi, cette illusion selon laquelle nous aurions un accès direct et privilégié à notre propre intériorité.
Quatrième mémoire pousse cette logique à son point le plus extrême, le plus intenable peut-être. C’est une œuvre mortuaire, un tombeau anticipé que j’ai conçu de mon vivant. Ce n’est pas un testament, ce n’est pas une célébration de ce qui a été. C’est une tombe de tout ce qui n’a pas eu lieu, de tout ce qui n’a pas été factuel, de toutes ces existences possibles qui auraient pu être et qui n’ont pas été. L’installation se déploie dans l’espace comme une constellation de fragments qui se retrouvent les uns dans les autres comme si aucune forme ne consistait en elle-même. Il y a des photographies qui évoquent des monuments funéraires ressemblant à des centres de données, où reposent des disques durs attendant leur activation par une entité future. Des sculptures hybrides qui oscillent entre minéralité et organicité. Et au centre, le tombeau lui-même, constellation de fragments corporels et d’un cerveau vitrifié retrouvé à Pompéi. Face à cette sépulture, un film génératif projette des vies potentielles. Des vidéos sont générées en continu, montrant des versions de moi qui n’ont jamais existé. Des fragments d’existences alternatives où j’aurais fait d’autres choix, emprunté d’autres chemins, vécu d’autres vies. Ma voix clonée tente de commenter ces images, de recréer les fils distendus de ces multiples existences. La narration devient fragmentaire, elle affirme sa contingence, elle déconstruit d’elle-même le principe d’identité qui est le principe fondateur de la narration classique. Sur trois écrans périphériques, un algorithme recherche dans des archives des XIXe et XXe siècles des images qui font formellement écho au film central. Des visages qui pourraient être le mien, des lieux que j’aurais pu habiter, des moments qui auraient pu être les miens. Cette recherche inverse la relation entre original et simulation. Qu’est-ce qui est premier ? Qu’est-ce qui dérive de quoi ? Ces questions n’ont plus de sens.
Cette voix me ressemble profondément mais elle n’est pas moi et elle n’a pas pour objectif d’être moi. Elle est la mobilité d’une mémoire qui pourra continuer après ma mort. Mais il ne s’agit pas de célébrer le fil conducteur rassurant des événements de ma petite existence. Il s’agit de poursuivre le possible au-delà de l’impossible. L’impossible, ce sont toutes ces vies que je n’ai pas vécues, tous ces moments qui n’ont pas eu lieu, toutes ces versions de moi qui sont restées dans le domaine du potentiel. Quatrième mémoire explore une existence sans finitude, où l’identité se diffracte en d’innombrables variations algorithmiques. L’œuvre questionne notre hantise des vies non vécues, cette angoisse qui nous prend parfois face à toutes les bifurcations que nous n’avons pas prises. Et maintenant, l’intelligence artificielle peut matérialiser ces vies potentielles, leur donner une forme visible, audible. Une forme de résurrection qui n’est plus répétition mais exploration des latences du possible.
Je me trouve dans une position intenable face à ces œuvres. Je les ai faites mais elles m’échappent. Elles produisent des effets que je n’avais pas prévus, elles ouvrent des questions que je ne sais pas résoudre. Et c’est peut-être là, dans cette défaillance, dans cet écart entre ce que je voulais faire et ce qui a lieu, que quelque chose d’essentiel se joue. Le système informatique devient un miroir étrange qui nous renvoie notre propre image déformée, fragmentée, multipliée. Nous nous voyons sans nous reconnaître tout à fait. Et c’est précisément dans cet écart, dans cette ressemblance imparfaite, que quelque chose se révèle sur notre condition. Notre conscience n’est pas aussi transparente, aussi unifiée, aussi stable que nous le croyions. Elle est, elle aussi, contingente, fragmentaire, le résultat d’attributions et d’interprétations plutôt qu’une essence immuable.
L’œuvre récursive ne nous offre pas le confort d’une réflexion achevée, d’une signification stable. Elle nous plonge dans une boucle où chaque interprétation en appelle une autre, où chaque tentative de compréhension révèle sa propre fragilité. Cette fragilité, cette finitude assumée, donne à ces œuvres leur puissance. Non pas une puissance de domination ou de maîtrise, mais une puissance d’ouverture, d’incertitude productive. Elles ne nous parlent pas d’un futur post-humain triomphant où les machines nous auraient remplacés. Elles ne célèbrent rien, ne prédisent rien. Elles nous parlent de notre présent, de cette aliénation réciproque où nous et les systèmes informatiques nous transformons mutuellement. Nous créons ensemble un espace incertain où l’humain et le non-humain se rencontrent sans jamais tout à fait se confondre. Un espace où la distinction même entre le naturel et l’artificiel, entre la conscience et la simulation, entre la mémoire et la génération devient poreuse, problématique, irrésolue. . Face à ces altérités machiniques qui nous ressemblent sans être nous, nous découvrons que notre propre humanité était peut-être moins stable, moins évidente que nous ne le pensions. Et dans cette découverte, dans cette déstabilisation, quelque chose de nouveau peut émerger. Quelque chose que je ne sais pas encore nommer, quelque chose qui résiste à l’explication, qui insiste dans ses boucles récursives, qui nous renvoie sans cesse à notre propre finitude intensifiée.
There is something in my artistic research that resists explanation. A dual preoccupation, perhaps, or rather a bifurcation that keeps returning, that insists. On one side, these infinite films that never repeat, that defy the very nature of cinematography founded on the reproduction of the same. The spectator becomes witness to a unique moment, absolutely singular, that will not return. But on the other side, and this is where I most often find myself in an untenable position, there is this relationship between recursivity and reflexivity. Two terms that seem close, almost synonymous, and yet open onto different abysses.
I should perhaps explain. But I hesitate. This hesitation itself is part of the work, it perhaps constitutes its beating, fragile, failing heart.
Take The Dreaming Machine. It’s simple, in appearance. A dream text is automatically generated by a neural network fed with twenty thousand dreams compiled at the University of California. The system detects keywords according to their length, their frequency, their strangeness perhaps. These words set out to search for images on the Internet. The images appear. A synthetic voice reads the text while these visual fragments torn from the web scroll by. Here is a perfect loop. The system feeds on itself, creates its own causality to fetch external media. This is pure recursivity, that fundamental form of computing where loops nest deterministically within one another.
But with the network environment, something changes. These loops can draw from elsewhere, from the outside world, via sensors, via web flows. And then there was this profound mutation of generative art, this passage from abstraction toward a troubling realistic mimicry, thanks to statistical generation. It becomes possible to create results of results, to make the software engender within itself a form of productive determinism that resembles something. What? We don’t yet know very well. In the material installation of The Dreaming Machine, there is a server rack partially integrated into stone. Light signals blink, indicating ongoing computational activity. A hard drive emits continuous vibrations, a humming. This hybridization between technology and raw materiality evokes an archaeology of the future, as if the machines were going to survive their creators. As if they were already dreaming of a world without us.
One of the forms that I keep taking up, declining, twisting in every direction, consists of generating images and then using a language model to describe them. This is where the loop folds back on itself in a way that never ceases to trouble me.
In The White Cube in Black Box Ideology, the system continuously generates images of exhibition spaces. White cubes, those immaculate places characteristic of museum institutions. But these spaces are empty, or rather they contain invisible works, works that exist only through their description. The system accompanies each image with a text that imitates the discourse of an aesthetic visitor facing a work. The composition reveals a subtle tension between raw materiality and conceptual refinement. One perceives here a profound interrogation of the limits of representation. The kind of phrases we all know, that we’ve all heard in galleries, read on labels. The machine thus generates an alternative memory of modern and contemporary art, nourished by billions of documents from the network. It simultaneously simulates a public in contemplation before works that don’t exist and counterfactual works that take up all the commonplaces of the artistic field. Between simulation and generation, something wavers. This is not a faithful repetition of the past, it’s an alternative version of our collective memory. The machine, in its black box, reinvents our cultural history as if it had to be taken up again from its origin. And I, watching these images and texts scroll by, no longer know quite where I stand. Are these descriptions absurd or do they touch on something true? Does the system produce meaning or am I the one projecting meaning onto this flow? This undecidability, it’s part of the work. It perhaps constitutes its most troubling dimension.
This same principle traverses Completion 1.0. Generated images cross different ontological categories. A landscape progressively transforms into a portrait, an object becomes architecture, the boundaries between forms dissolve into a continuum of metamorphoses. And my voice, my cloned voice, attempts to comment on these images. It describes what it sees, analyzes, interprets. Sometimes the narrative is completely absurd, disconnected from the image. But often, too often perhaps, it is strangely meaningful. Sometimes even more meaningful than the texts we read on labels in galleries and museums. This is where something happens, something I struggle to name without deforming it. This voice resembles me but it is not me. Its objective is to be a resemblance that exceeds me. And listening to it describe the images I see on the screen, it is my own capacity to understand and analyze that is returned to me as in a distorting mirror. An imperfect mirror, offset, that intensifies my finitude. Because if this machine can produce descriptions that sometimes make sense, what does that say about my own way of producing meaning? Meaning is only a contingency. It is the effect of attribution by a third party rather than something that would reside in the signs themselves, in relation to a stable referent. And this third party can be a machine. This third party can be an algorithm that has no consciousness of what it does, that only calculates probabilities, that only traverses a latent space of statistical possibles.
This staging of recursivity defines my aesthetic through and through. It orchestrates the position of the public facing a system that is both foreign and mimetic, a computer system that resembles us without being us. Automatic recursivity addresses us and creates the effect of a pseudo-consciousness. But be careful, it’s not about making people believe in a genuine consciousness, in some form of intelligence in the strong sense. That would be too simple, too reassuring even. The objective is quite different, more vertiginous perhaps. It’s about showing the contingency of our own consciousness, the one we use at the very moment we apprehend these recursive systems. We believe we have access to ourselves, we believe in a transparency to self, in a reflexivity that would be our own. But faced with these machines that produce something that resembles reflexivity without being it, we discover that our own reflexivity is perhaps as fragile, as contingent, as constructed as that of the machine.
There is here a feeling of strange resemblance. An imperfect mirror that doesn’t return our image faithfully but that deforms it just enough so that we no longer know quite where we stand. This experience intensifies our finitude. It makes us feel our limits, not in a negative way, as a lack, but as an opening, as a space of uncertainty where something can still take place. The work does not testify to its autonomy in relation to the human public. It is not a work without us, as was the case in Telofossiles where the machines continued to function in our absence, indifferent to our gaze. No, it’s a work that addresses us, or someone else, according to modalities that resemble us but that are not identical. It renders fragile our own cognitive capacities, our certainties about our way of perceiving, understanding, interpreting the world. The relationship between computer loop, recursivity and production of nested causality opens the way to a singular aesthetic where there is something other than the human. It’s an aesthetic of reciprocal alienation. Something that is not us but that transforms our own relationship to ourselves. It makes us leave the mystical belief in a transparency to self, this illusion according to which we would have direct and privileged access to our own interiority.
Quatrième mémoire pushes this logic to its most extreme point, perhaps the most untenable. It’s a mortuary work, an anticipated tomb that I conceived while living. It’s not a testament, it’s not a celebration of what has been. It’s a tomb of everything that did not take place, of everything that was not factual, of all these possible existences that could have been and were not. The installation unfolds in space like a constellation of fragments that find themselves in one another as if no form consisted in itself. There are photographs that evoke funerary monuments resembling data centers, where hard drives rest awaiting their activation by a future entity. Hybrid sculptures that oscillate between minerality and organicity. And at the center, the tomb itself, constellation of bodily fragments and a vitrified brain found in Pompeii. Facing this sepulcher, a generative film projects potential lives. Videos are continuously generated, showing versions of me that never existed. Fragments of alternative existences where I would have made other choices, taken other paths, lived other lives. My cloned voice attempts to comment on these images, to recreate the distended threads of these multiple existences. The narration becomes fragmentary, it affirms its contingency, it deconstructs of itself the principle of identity that is the founding principle of classical narration. On three peripheral screens, an algorithm searches in archives from the 19th and 20th centuries for images that formally echo the central film. Faces that could be mine, places I could have inhabited, moments that could have been mine. This search inverts the relationship between original and simulation. What is primary? What derives from what? These questions no longer make sense.
This voice profoundly resembles me but it is not me and its objective is not to be me. It is the mobility of a memory that will be able to continue after my death. But it’s not about celebrating the reassuring thread of events of my small existence. It’s about pursuing the possible beyond the impossible. The impossible, these are all the lives I haven’t lived, all the moments that didn’t take place, all these versions of me that remained in the realm of the potential. Quatrième mémoire explores an existence without finitude, where identity diffracts into countless algorithmic variations. The work questions our haunting by unlived lives, this anxiety that sometimes seizes us facing all the bifurcations we didn’t take. And now, artificial intelligence can materialize these potential lives, give them a visible, audible form. A form of resurrection that is no longer repetition but exploration of the latencies of the possible.
I find myself in an untenable position facing these works. I made them but they escape me. They produce effects I hadn’t foreseen, they open questions I don’t know how to resolve. And perhaps it’s there, in this failure, in this gap between what I wanted to do and what takes place, that something essential is at stake. The computer system becomes a strange mirror that returns to us our own image deformed, fragmented, multiplied. We see ourselves without quite recognizing ourselves. And it’s precisely in this gap, in this imperfect resemblance, that something reveals itself about our condition. Our consciousness is not as transparent, as unified, as stable as we believed. It is, it too, contingent, fragmentary, the result of attributions and interpretations rather than an immutable essence.
The recursive work does not offer us the comfort of a completed reflection, of a stable meaning. It plunges us into a loop where each interpretation calls for another, where each attempt at understanding reveals its own fragility. This fragility, this assumed finitude, gives these works their power. Not a power of domination or mastery, but a power of opening, of productive uncertainty. They don’t speak to us of a triumphant post-human future where machines would have replaced us. They celebrate nothing, predict nothing. They speak to us of our present, of this reciprocal alienation where we and computer systems mutually transform each other. We create together an uncertain space where the human and the non-human meet without ever quite merging. A space where the very distinction between the natural and the artificial, between consciousness and simulation, between memory and generation becomes porous, problematic, unresolved. Faced with these machinic alterities that resemble us without being us, we discover that our own humanity was perhaps less stable, less evident than we thought. And in this discovery, in this destabilization, something new can emerge. Something I cannot yet name, something that resists explanation, that insists in its recursive loops, that constantly returns us to our own intensified finitude.