Les nouveaux états d’être / The New States of Being — UDEM, Montréal
“Structured as a bipartite environment, the installation Passibles questions the separation between humans and machines. On one side, an aluminum structure holds 3D-printed sculptures. Through their irregular contours, resulting from an algorithmic deformation, the shapes of human body parts are exposed. Connected by electrical wires, these volumes suggest a fragmented organism. Screens installed in the same space reinforce the hybrid nature of the representation by showing animations produced by deep learning fed with images from police databases (fingerprints, shoeprints, hair, iris scans, etc.). Originally used for criminal identification, these imprints are synthetized here to produce imaginary data, blurring in the process the very notion of identity. In the second part of the installation, a video shows trivial sequences of daily life in an urban environment, but taking place under a worrying spectrum: people walk, talk, go about their most ordinary occupations, disappearing at times under a haze of smoke. While subtitles generated by visual recognition software attempt to describe the images presented, the story seems to drift into an unconscious and fragmented mental space. Accentuating this tension, a synthetic voice produced by a recursive neural network recounts these same events, but in a decidedly darker tone, recalling war or an apocalyptic world, while constantly questioning its own state and reality.
The ambiguity between what is seen and what is heard, combined with the strong presence of the nearby sculptures and animations, calls for an anthropotechnological doubt. Who of the human or the machine dominates the environment here? And which one is the model for the other? Do machines have some dark future in store for us? Rather than suggesting answers that reinforce the separation between human beings and machines, Passibles remains ambiguous, assuming a relational position that, as Chatonsky points out, “consists in viewing human and technological faculties as inextricable, co-constituted, and reciprocally individuating.” If the term “passible” generally refers to the ability of feeling or suffering, it here connotes to a body that is neither robotic nor human, but composed of the reflexivity between the two, thus thwarting the essentialism of identities and sensitivity. “
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“Se déployant en un environnement bipartite, l’installation Passibles remet en cause la division première entre l’être humain et la machine. D’un côté, des sculptures issues de l’impression 3D sont posées sur une structure métallique. Aux travers de leurs contours irréguliers, résultant d’une déformation algorithmique, se découpent des segments du corps humain. Reliés entre eux par des fils électriques, ces volumes suggèrent un organisme fragmenté. Les écrans qui habitent ce même espace renforcent le caractère hybride de la représentation en projetant des animations produites par apprentissage profond, alimentées d’images provenant de bases de données policières (empreintes digitales, de chaussures, de cheveux, d’iris, etc.). Utilisées à l’origine pour l’identification criminelle, ces empreintes sont ici synthétisées pour produire des données imaginaires, brouillant au passage le principe même d’identité. Dans le second volet de l’installation, une vidéo présente des séquences anodines de la vie quotidienne en milieu urbain, mais se déroulant sous un spectre inquiétant : des gens marchent, discutent, vaquent à leurs occupations les plus ordinaires, disparaissant par moments derrière des écrans de fumée. Alors que des sous-titres générés par un logiciel de reconnaissance visuelle tentent de décrire les images présentées, le récit semble dériver vers un espace mental inconscient et éclaté. Accentuant ce caractère trouble, la bande son laisse entendre une voix synthétique programmée par un réseau récursif de neurones qui relate ces mêmes événements, mais sous un jour résolument plus sombre, tout en s’interrogeant sans cesse sur son propre état et sa propre réalité.
L’ambiguïté entre ce qui est vu et ce qui est entendu conjuguée à la présence des sculptures et animations à proximité convie un doute anthropotechnologique. Qui de l’humain ou de la machine domine l’environnement ici? Qui est le modèle de l’autre? Est-ce que les machines nous réservent un futur obscur? Plutôt que de suggérer des réponses qui confortent la scission entre l’être humain et la machine, le caractère ambigu de Passibles engage une position relationnelle qui, comme le précise Chatonsky, « consisterait à envisager les facultés humaines et technologiques comme inextricables, co-constituées et s’individuant de façon réciproque. » Si le terme « passible » renvoie généralement à la capacité d’éprouver de la joie ou de la souffrance, il s’arrime ici non plus à un corps soit robotique soit humain, mais à un corps constitué par la réflexivité des deux, déjouant ainsi l’essentialisme des identités et de la sensibilité.”
Aseman Sabet
L’emprise
Le sacrifice
Skin Print
Premier volet du projet interdisciplinaire AIship, dirigé par Jean-Christophe Bélisle-Pipon, l’exposition Les nouveaux états d’être / The New States of Being, sera présentée au Centre d’exposition de l’Université de Montréal (CEUM) du 27 septembre au 14 décembre 2019. Conjuguant l’art et la science, cette exposition collective, sous le commissariat d’Aseman Sabet, est le fruit d’un dialogue entre artistes et chercheurs en bioéthique interrogeant librement les dimensions affectives et relationnelles suscitées par le développement et l’application de l’intelligence artificielle (IA) en santé.
Artiste + bioéthicien : les duos
Gregory Chatonsky (Paris) – Laurence Devillers (Paris-Sorbonne)
Mat Chivers (Royaume-Uni) – Cansu Canca (AIEthics Lab)
Clément de Gaulejac (Montréal) – Pascale Lehoux (Université de Montréal)
Julie Favreau (Berlin) – Effy Vayena (ETH Zürich)
Sandra Volny (Montréal) – Robert Truog (Harvard Medical School)
Remerciements :
Équipe de recherche : Nathalie Voarino, MA | Université de Montréal, Glenn Cohen, JD | Harvard Law School, Vincent Couture, PhD | Université Laval, Marc-Antoine Dilhac, PhD | Université de Montréal, Vardit Ravisky, PhD | Université de Montréal, Virginie Manus, MA | Université de Montréal
Le projet AIship et ses partenaires :
Les nouveaux états d’être, est la première d’une série de trois expositions en cours de développement à Boston (États-Unis) et en Suisse. Elle s’inscrit plus largement dans un projet de recherche dirigé par Jean-Christophe Bélisle-Pipon et soutenu par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), le Petrie-Flom Center for Health Law Policy, Biotechnology, and Bioethics à Harvard Law School, l’Institut de valorisation des données (IVADO), le Centre de recherche en éthique (CRÉ), le Centre d’exposition de l’Université de Montréal, le Laboratoire d’innovation de l’Université de Montréal et le Ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec.