Un cinéma sans fin

Un cinéma sans fin c’est un cinéma qui ne s’arrête pas, parce qu’il est l’une des sources de notre culture. Depuis les années 90, le cinéma semble constituer une réserve inépuisable pour l’art contemporain. Citant des films, les artistes se rattachent et nous rattachent, nous le public, à une référence commune. Tout se passe comme si le cinématographe était devenu une référence incontournable parce que partagée.Symptôme d’une culture de masse devenue haute culture?

Le dialogue avec le cinéma, de l’extérieur du cinéma,semble interminable. Le cinéma dès son origine a lui-même dialogué avec d’autres disciplines,il n’a cessé de faire des citations. Des citations aux autres arts, des citations à d’autres films, des citations dans un seul et même film, comme s’il s’agissait d’un monde.

Ce jeu des citations et de référence, ce réseau interminable, est caractéristique du postmodernisme et doit sans doute être articulé avec une autre fin. Celle dont le cinéma depuis son époque muette n’a cessé de prendre la mesure. Car le cinéma c’est le récit d’une fin, d’une époque passée dans lequel l’art et le peuple n’aurait fait qu’un. Le cinéma n’a cessé de raconter la fin de son époque muette, de son enfance, cette disparition dans l’âge adulte, dans la parole et la communication qui lui a fait perdre le peuple. Crépuscule des idoles.

Si on ne cesse de faire référence au cinéma, si il est sans fin, si par ailleurs le cinéma ne cesse de raconter son origine mythique, alors il est sans fin au sens où il ne cesse de finir. Et cette (in)finitude, le numérique lui-même n’a cessé d’en parler, se rêvant parfois comme la relève du cinéma, utopie d’une fin qui serait aussi un nouveau commencement permettant de réaliser ce qui avait été enfoui dès l’origine. Le numérique s’est présenté comme la clôture du cinéma rendant disponible tous les films par le téléchargement, les connus comme les inconnus, mettant les oeuvres toutes sur le même plan et construisant une attention égale du public. Le numérique, son discours et son idéologie, mis en avant l’interactivité, l’immensité des médias qu’il était à même de manier pour créer des histoires infinies, c’est infini qui aurait mis à mort le cinéma, qui enfin lui aurait donné fin, une fin définitive, une vraie fin. Mais tout ceci, ce fantasme d’un second cinéma, est le fantasme d’une seconde révolution, thématique bien connue dans la modernité.

Voici donc notre histoire présente, tissée d’origine et de fin, superposant les temporalités et discours. Cette histoire nous voulons en faire le compte, de façon critique et intempestive. Nous voulons superposer autant de dimensions que notre époque nous le permet pour montrer la fin du cinéma, ses fins, les transformations de la fiction qui se libère de la narration, c’est-à-dire de l’autorité d’un énonciateur, et enfin cette nouvelle modalité de l’histoire, des histoires permises par le réseau Internet dans laquelle chacun peut et doit inscrire sa mémoire, rendant obsolète la projection cinématographique, cette identification du peuple aux formes projetées sur l’écran de la salle noire.

Est-ce que nous y avons cru? Avons-nous même espéré la relève du cinéma, sa fin? Il n’y avait dans notre démarche aucune utopie, aucun désir d’inventer le cinéma de demain, de croire que le dispositif aurait été à même de renouveler la narration (c’est-à-dire l’industrie). Mais il y avait plutôt une infraction singulière, toute personnelle, inexplicable vers des fictions indéterminées. Aucune justification pour expliquer sa fiction, elle n’avait aucune exemplarité pour désigner la fin du cinéma. Ces fictions relevaient du désir profond de creuser quelque chose du corps et de l’existence, une indétermination du vivant. Le cinéma avec sa fin était une guérison. Mais dans la vie on ne guérit de rien. On n’en finit avec rien. Et pourtant tout s’arrête. Cette double tension, cette rencontre qui est aussi une séparation, ce sentiment amoureux qui nous rend solitaire, le cinéma n’en est que le signe indirect et les fictions interminable du numérique permettaient de dire cette relation entre l’existence et la maladie, le caractère insoluble des personnages qui ne résolvent rien, jamais rien. Une forme infiniment fragmentaire, des fragments qui ne font référence à aucune totalité préexistante, des fragments qui ne sont fragments qu’au regard d’autres fragments, infiniment divisé et divisé encore. Des fragments qui ne s’additionnent que par soustraction et qui laissent un  blanc, des lacunes, quelque chose n’est pas à sa place, quelque chose manque et c’est ce manque qui est perçu.

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