Le Havre. Quand l’IA s’invite en ville – Tendance Ouest

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Le Havre. Quand l’IA s’invite en ville… Le projet inédit de Grégory Chatonsky
Art, Culture. Fresques, sculptures… Le Havre accueille sur trois ans un projet artistique inédit autour de l’intelligence artificielle.

A deux pas de la vigie du port, d’étranges formes violettes sont sorties de terre. “Une colline”, “un téton”… A chacun son interprétation. Ces sculptures constituent l’un des pans du projet Une ville qui n’existait pas, mené sur trois ans par Grégory Chatonsky, dans le cadre d’Un été au Havre.

Un dialogue entre humain et IA
L’artiste a fait de l’intelligence artificielle (IA) son principal médium, dès 2008. “A l’époque, on ne générait pas d’images avec l’IA, seulement du texte, du son… Et il n’y avait pas ChatGPT ou Midjourney, il faillait créer ses propres programmes.” L’artiste observe avec intérêt et amusement l’accélération de l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle et n’y voit “pas seulement une technique mais une nouvelle manière de penser le monde et concevoir l’art”. Si, en médecine par exemple, l’humain reste maître de l’outil derrière l’IA, Grégory Chatonsky l’aborde différemment. “On agit sur l’IA, mais ce médium agit aussi sur nous” estime l’artiste. En 2019, il publie le premier roman coécrit avec une intelligence artificielle, le système GPT2, qu’il a d’abord entraîné sur un corpus de textes spécifiques, pour donner un style précis à son œuvre. Place ensuite à l’écriture : “Je commençais à écrire une phrase et je laissais l’IA me proposer des suites, comme une sorte de marche à deux. Quand je relis le roman aujourd’hui, je ne sais plus qui a écrit quoi ! Parce que j’ai influencé GPT2 et que les propositions de GPT2, parfois stupides, parfois extraordinaires, m’ont aussi influencé.”

Au Havre, l’artiste a entraîné une IA via Nutrisco, le fonds d’archives photographiques de la ville et des photos plus récentes. Des dizaines de milliers de vues d’un Havre fantasmé “qui n’est pas vraiment Le Havre mais qui ressemble au Havre” ont ainsi été créées. “Les fameuses formes violettes sont une proposition de l’IA que je n’avais pas commandée au départ, mais que j’ai ensuite accentuée. C’est vraiment ce dialogue que je recherche.” Après les 25 fresques installées sur des pignons d’immeubles et les 25 000 cartes postales différentes éditées en 2023, le deuxième chapitre de ce projet se matérialise par 25 000 nouvelles images, un film (visible au THV) et des sculptures. Il s’agit du projet le plus ambitieux jamais mené sur les relations entre art et IA, au moins à échelle européenne. “C’est remarquable qu’une ville française accueille un tel projet. S’il permet d’aiguiser la curiosité et de faire entrer la question de l’IA dans la vie quotidienne des gens, même si c’est sous une forme étrange, j’en serais extrêmement heureux”, conclut Grégory Chatonsky, pour qui il y a par ailleurs urgence à prendre en main ces outils qui vont révolutionner de très nombreux métiers.