Les images se regardant nous regarder

Johannes_Vermeer_(1632-1675)_-_The_Girl_With_The_Pearl_Earring_(1665)

Il faudrait faire la typologie des images se regardant nous regarder. Elles semblent se regarder en regardant face à elles, vers le dehors du tableau, vers le spectateur donc, instaurant par là même ce face-à-face qui est une double face du tableau et du regardeur. Elles se regardent en regardant au dehors. C’est un dispositif dans lequel je deviens en même temps le reflet de celui qui regarde et en même temps un reflet doué lui-même de regard produisant une étrange inversion entre les deux côtés.

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Il y a dans ce regard reflété et projeté, l’origine des images selfie. On peut bien sûr ramener ces dernières à une tradition d’autoportrait et les analyser du point de vue de l’autobiographie, en y ajoutant que le sujet fait maintenant face à une machine de vision qu’il se tend à lui-même, machine de vision qui est aussi de diffusion. Mais il faut aussi savoir percer la double face de ces regards croisés mais jamais échangés, sans aucune réciprocité : l’image se regardant en nous, nous regardant dans l’image, afin de découvrir que le reflet ne fut jamais simplement une répétition, qu’il y a dans le narcissisme quelque chose de l’autre, d’un grand dehors par ce regard même. Et sans doute devient-il absurde d’opposer simplement le sujet et l’objet, l’intérieur et l’extérieur, parce que ces découpes se placent toujours résolument d’un seul des deux côtés qu’elles souhaitent pourtant respecter en les instaurant. Il y a dans ces images se regardant nous regarder, dans le secret de ces image pouvant lever les yeux sur nous et de nous devenant leurs images, le secret d’une relation qui ne relève d’aucune corrélation.