La représentation en politique

Il faut en finir avec la démocratie représentative de la même manière qu’il fallait en finir avec la représentation artistique. De la mimesis nous ne retiendrons que des effets de surface, des procédures tourbillonnaires, mais nous n’en ferons pas le mot final. La démocratie représentative ne doit pas être exclue comme telle, ce qui doit être contestée est son hégémonie parce qu’elle n’est qu’une image de la démocratie. Et de la même manière que nous devons être critique quant à ce mode démocratique quand il veut subsumer l’ensemble des procédures démocratiques, nous devons nous méfier avec véhémence de toute authenticité politique, de tout discours d’essentialisation qui mettant en cause la représentation croit revenir à la chose même, selon une logique fusionnelle que l’histoire a déjà parcouru en tout sens.

La délégation démocratique ne fonctionne plus parce qu’elle était fondée sur une certaine idée des élites qui étaient suffisamment éduquées pour agir au nom de…, à la place de… et qui a fini par s’agiter sur une place laissée vacante. On sait combien les démocratie occidentales sont devenues au cours du temps des oligarchies confisquant aux individus (on ne parle pas de peuple qui fut aussi un concept produit par une conception élitaire) le pouvoir d’agir.

En ce moment même de nouvelles structures démocratiques apparaissent dont l’image n’est pas conceptuelle mais opérationnelle et que l’on nomme le réseau. Ce n’est pas simplement un effet temporaire que le réseau ait été utilisé par tous les mouvements de révoltes de ces dernières années. Le réseau est l’image d’une nouvelle organisation politique qui a été déjà largement commenté et qui rejoint cette nouvelle structuration des individus: les multitudes, concept qui permet de ne pas unifier les singularités, qui empêche de subsumer le multiple sous l’opérateur de l’unité (le concept politique qui tue les individus si ceux-ci ne sont pas réductibles).

Il faut donc en finir avec la représentation en démocratie parce qu’elle a les mêmes défauts que la mimesis en art quand elle devient hégémonique. En renvoyant toujours à un autre objet (le référent) elle s’autoconstitue comme un objet en soi selon une logique autoimmune (Derrida), elle se réifie et fini par se prendre elle-même pour une fin (Adorno), de sorte que les élites qui n’en ont plus que le nom s’autoconservent, se perpétuent, concentrent un pouvoir que nul ne leur a donné, qu’ils n’ont même pas volés et qui est aussi imaginaire que la monnaie qui circule sur les marchés.

Il faut donc en finir, encore une fois, comme lors de tout mouvement révolutionnaire. Non pas pour une table rase, mais simplement pour inventer d’autres modalités qui sont déjà à l’oeuvre dans la vie de chacun quand vous accédez à ce texte de lien en lien.