Aliénation : Infrastructure Alien – Artec

Dès L’insurrection qui vient (2007) appelant à la destitution de l’ordre mondial techno-capitaliste, le Comité Invisible, basé dans le petit village rural de Tarnac, a posé une équation éclairante entre le politique et l’infrastructurel. À l’autre bout du spectre politique, le gouvernement saoudien promeut le projet Neom de The Line comme une « révolution dans la vie urbaine » basée sur des infrastructures techno-futuristes. Bien que parfaitement incompatibles, ces deux discours nous invitent ensemble à réévaluer l’importance des infrastructures, que les gesticulations politiciennes de gauche comme de droite tendent à occulter.
Les infrastructures nous aliènent en même temps qu’elles nous encapacitent (inégalement). Nos approches individualistes de la démocratie et de la liberté tendent systématiquement à ignorer et à négliger le fait que nous sommes ce que nous sommes en raison de la forme et de l’état des infrastructures qui soutiennent notre vie matérielle et mentale.
Le colloque Infrastructures Alien clôt une année de discussions plus larges autour de la question des Aliénations expérimentales menée au sein du DIU ArTeC+. L’intuition de départ en est que l’éventail des discours et des pratiques politiques disponibles au sein de la gauche écologiste reste prisonnier d’une conception datée de l’émancipation. Cette vision héritée des XIXe et XXe siècles, 1° se confronte rarement aux questions fondamentales posées par les grandes infrastructures industrielles, 2° ne prend pas suffisamment en compte l’évolution de notre rapport aux technologies (numériques et autres), 3° s’accroche à des conceptions obsolètes ou réactives de l’identité et de l’individuation, 4° a perdu le sens de l’expérimentation qui caractérisait certaines politiques progressistes.
Ce colloque réunit des contributeurices qui exploreront les dimensions alien des infrastructures alimentant nos modes de vie et de consommation actuels. Par les moyens de l’enquête, de la conceptualisation ou des pratiques artistiques, nous chercherons à comprendre comment nous pouvons aliéner expérimentalement les infrastructures qui nous aliènent.

Ce colloque est organisé par l’EUR ArTeC, l’Université Paris 8 et l’équipe FabLitt, avec le soutien financier du programme européen NesT MSCA-RISE au titre du grant agreement No 101007915, ainsi que de l’ANR au titre du PIA ANR-17-EURE-0008.

PROGRAMME

Lundi 29 avril 2024

8h30-9h – Accueil

9h-10h – Introduction (Julie Peghini, Grégory Chatonsky, Yves Citton, Emmanuel Grimaud)

10h-11h15 – Présentation de projets du DIU ArTeC+ 2023-24

  • Lula Wysstitre à confirmer
  • Clément Caignardtitre à confirmer
  • Sochi Aneke, « Exploring the Potential of Artistic Interventions in Public Health Communication: A Community-Based Participatory Research Approach »

11h15-11h30 –  Pause

11h30 – Présentation de projets du DIU ArTeC+ 2023-24

  • Icare Bamba, « Viande Fantôme et les paradoxes de la dépossession des corps dans l’expérience vidéoludique »
  • Maeline Li, « Performer le sas : rechercher les silences dans la connexion et la relation entre les doubles portes »
  • Isaline Dupond-Jacquemart, « Pirateries neuroqueer : performance historiographique des vies de Mary/Mark Read et Anne/Adam Bonny »

13h-14h –  Déjeuner-Buffet

14h – Emmanuel Ducourneau, « Quelles infrastructures pour une matériologie profonde ? » 

D’où viennent les éléments dont se composent nos infrastructures ? Comment cartographier leur origine, leur composition, leurs implications, nos dépendances ? Comment construire des infrastructures de recherche qui documentent et mesurent l’impact environnemental des infrastructures, de leur construction, de leur fonctionnement, de leur démantèlement ?

14h20 – Marion Ficher, Matérialité oubliée/invisibilisée d’infrastructures – le déchet numérique

Le numérique n’est pas sans la production d’équipements électriques et électroniques, qui en fin de vie deviennent des déchets ou des communs négatifs. La majorité des évaluations environnementales d’équipements numériques considère que les déchets numériques ne génèrent pas ou peu d’impacts, estimant que le recyclage est une solution suffisante pour les infrastructures numériques. Les flux informels de déchets numériques sont alors invisibilisés, jamais considérés ni cartographiés. De l’Europe à l’Asie ou l’Afrique, nos déchets voyagent. Représentent-ils une forme de colonialité nouvelle en créant des ruptures paysagères, biodiversitaires et métaboliques ? Comment revisibiliser ces flux informels de nos infrastructures numériques ?

14h40 – Marie Lechner et Louis Bidou, « Histoires de Lithium »

Le lithium est non seulement au cœur de débats, de rêves et de luttes autour des nouvelles formes de stockage de l’électricité. Ses différentes utilisations et les projets de développement qui se déploient à propos de ses promesses sont emblématiques de nos ambivalences envers les infrastructures. Son cas permet d’observer des évolutions à la fois très concrètes et baignées d’imaginaires contradictoires.

15h30 – Discussion

16h30-17h – Pause

17h – Geert Lovink, « Expanded Publishing: Experiments of 20 Years Institute of Network Cultures »

From the beginning of the Institute of Network Cultures in 2004, its research into critical internet cultures has been combined with experiments in digital publishing. The aim was, and still is, to build up an autonomous publishing infrastructure for theory, reflection, artwork and design. This has been in line with early promise that the internet could become a decentralised medium, away from the gatekeepers such as mainstream publishers and news media. Thirty years later this is still necessary, but this time to create alternatives for monopoly platforms such as Google, Meta and Amazon. In this lecture I will give a historical overview, form lists, forums and blogs to today’s experiments and discuss the software experiments of Coko, OSP and Etherport and discuss our own e-pub-pdf-print-on-demand series such as Theory on Demand and the INC Longforms and end with the video-integration experiments that we are doing with our own VOID channel, in close collaboration with UKRAiNATV in Krakow. 

18h – Ilan Manouach, « Cosmic Retail : Scaling Infrastructures for Interstellar Lowbrow Entertainment »

Is comics ontologically earthbound? Infrastructures are approached through a synthetic perspective, as technical, social, financial, biological or affective entities, whose materialities contribute to a particular aesthetic order, consist of and involve embodied experiences, and help shape specific structures of feeling. Constructed between the real and the theoretical, Cosmic Retail initiates a speculative turn on the research of comics infrastructures and attempts to explore the medium’s affects from the perspective of interstellar communication.

18h30-19h – discussion

Mardi 30 avril 2024

8h30-9h – accueil

9h-11h – Présentation de projets du DIU ArTeC+ 2023-24

  • Sol Kimtitre à confirmer
  • Ebène Paul, « Adelphité. Récits et pratiques de citoyennetés universellement situées en•quête de subjectivités transfrontalières »
  • Sophie Prinssen, « Arpenter les entités agissantes : cartographie, simulation et conspiration »
  • Simon Labbé, « La Machine à Promettre »
  • Florence Peyrard, « L’angle des impossibles : Le corps contorsionné à l’épreuve du regard conditionné »

11h-11h15 – Pause

11h15 – Fanny Lopez (en visioconférence), Numérique et électricité 

Sous le tapis du « numérique », il faut se demander d’où vient et comment est pensée l’électricité qui alimente nos téléphones, serveurs et autres mégastructures de la computation planétaire. Quelles alternatives seraient envisageables à la course actuelle vers une consommation en croissance illimitée ?

11h45 – Laurent de Sutter, « Infrastructuralismes »

L’infrastructure n’est pas la prison à l’intérieur de laquelle un monde se trouve pris – elle est ce monde comme tel, c’est-à-dire comme résultat provisoire d’une entreprise de faire d’échelle littéralement cosmique : le monde est la suture infrastructurelle de ce qui est. L’infrastructure est une énergie – celle qu’il a fallu pour la construire, celle qu’il faut pour la maintenir, et celle qu’elle permet d’économise en vue de la consacrer à autre chose.

12h15-13h – Discussion

13h-14h – Déjeuner-Buffet

14h – Rahul Srivastava, « Infrastructural Experiments in Dharavi, Mumbai »

What can we learn about infrastructures from a series of experiments led in Mumbai, India, in the so-called ‘slum’ of Dharavi? This presentation will be based on the activities of the Urbz collective and will approach infrastructures from the anthropological point of view of urbanology.

14h30 – David Maenda Kithoko, « Une perspective congolaise sur les infrastructures et l’extractivisme » (sous réserve)

Les technologies qui forment nos infrastructures reposent en grande partie sur des pratiques extractivistes profondément ancrées dans une tradition coloniale héritée du passé, comme elles sont intimement liées à des guerres dont souffrent terriblement des populations des pays colonisés. Le cas du Congo est particulièrement douloureux et révélateur.

15h-15h30 – Discussion

15h45 – Armen Khatchatourov, « Art contre les réseaux ? Aliénation, émancipation, récupération »

Il s’agira d’abord de montrer le lien entre le « réseau » comme infrastructure et le « réseau » comme forme d’organisation, en l’inscrivant dans une histoire longue des formes de gouvernementalité. Nous examinerons ensuite dans quelle mesure le « réseau » peut encore jouer encore un rôle d’émancipation, avec pour constat son inévitable enlisement dans les logiques d’hyper-connexion et de dividuation. Enfin, nous nous interrogerons sur le rôle de l’art dans (ou contre ?) la récupération des “réseaux” par le néolibéralisme numérique.

16h15 – Fabien Giraud, « L’infrastructure selon le projet Feral »

Le projet Feral invite des artistes à produire des dispositifs ayant pour vocation d’éduquer une IA à partir d’un territoire. Déployé sur un millénaire, ce projet pose de nombreuses questions à ce que nous considérons comme des infrastructures, numériques ou non.

16h45-17h15 – Discussion 

17h15-17h30 – Pause 

17h30 – Jamie Allen, « Infrastructures critiques »

Certaines infrastructures sont critiques, puisque nous dépendons d’elles, mais comment les prendre pour objets d’une réflexion critique, qui remette en débats nos dépendances ? Jamie Allen mène des expérimentations d’artiste et de chercheur qui traversent les media, les disciplines et les frontières depuis plus de vingt ans. Ce livre réunit quatre essais qui nous invitent à rendre visibles les coulisses du monde numérisé, à prêter attention aux propriétés texturales des signaux autant qu’à leurs vertus figuratives, à ré-envisager notre monde colonisateur depuis des sensibilités arctiques, et à réfléchir de façon (post)critique à la notion même de critique.

Discussion du livre Infrastructures critiques paru aux éditions ArTeC.