L’esthétique vectofasciste / Vectofascist aesthetics
L’émergence d’une nouvelle esthétique fasciste dans le contexte technologique actuel mérite une analyse approfondie, tant cette configuration diffère des manifestations historiques du fascisme au siècle dernier. Si les régimes totalitaires d’extrême-droite du XXe siècle avaient privilégié un classicisme monumental célébrant les ruines grandioses d’un passé mythifié, les tendances fascistes contemporaines semblent adopter une orientation esthétique radicalement différente, caractérisée par le grotesque, le kitsch et une appropriation particulière de la culture pop. Cette transformation ne constitue pas une simple évolution formelle mais reflète des mutations profondes dans les structures sociales, techniques et politiques de notre époque.
Les métamorphoses de l’esthétique fasciste
Le fascisme en gestation depuis trois décennies, qu’il se manifeste sous forme de capitalo, carbo ou vectofascisme (concept élaboré à partir du travail de Wark, mais avec certaines différences que je tenterais de décrire dans un autre texte) développe des caractéristiques esthétiques spécifiques qui méritent d’être identifiées et analysées. Cette esthétique ne se présente plus comme une célébration de la grandeur austère et de l’ordre monumental mais s’exprime à travers l’excès, la surcharge référentielle et une vulgarité délibérée dont l’humour est comme contenu dans le ressentiment. Ce renversement stylistique n’est pas accidentel mais constitue une stratégie adaptée aux modalités contemporaines de circulation des contenus culturels et d’hégémonie culturelle.
L’intelligence artificielle, et particulièrement les technologies génératives appliquées à l’image, apparaît comme un terrain particulièrement propice au développement de cette sensibilité. Les réseaux de neurones, entraînés sur d’immenses corpus d’images existantes, produisent naturellement des résultats référentiels, citant et remixant les contenus visuels qui ont constitué leur apprentissage. Cette caractéristique technique correspond précisément à une culture visuelle qui s’est développée sur certaines plateformes Web comme 4chan, caractérisée par l’appropriation, la citation détournée, le harcèlement et la surenchère.
La surproductivité inhérente aux systèmes d’IA s’accorde également avec une stratégie de saturation informationnelle: la capacité à générer rapidement et massivement des contenus permet d’inonder les espaces numériques, submergant les mécanismes traditionnels de filtrage critique et d’évaluation rationnelle. Cette abondance excessive n’est pas sans rappeler les techniques de propagande totalitaire adaptées à l’économie de l’attention contemporaine défaisant les autorités de vérité.
Le cas Beeple
L’œuvre de Beeple (Mike Winkelmann) illustre parfaitement cette tendance esthétique. Sa production, caractérisée par des images numériques saturées, grotesques et volontairement excessives, a pu être interprétée par certains observateurs comme une démarche critique à l’égard de la culture numérique contemporaine. Cependant, cette lecture bienveillante néglige la dynamique fondamentale qui anime cette œuvre: le nivellement systématique de toutes les références, la réduction de toute position à une équivalence généralisée.
En tournant tout en dérision selon des modalités souvent vulgaires et parfois explicitement discriminatoires (notamment homophobes), cette approche ne propose pas une critique mais institue un relativisme intégral où les distinctions de valeur deviennent impossibles. L’humour grossier et la surenchère visuelle ne fonctionnent pas comme des outils de mise à distance critique mais comme des instruments de désactivation du jugement. En rendant tout équivalent, en renvoyant toutes les positions dos à dos, cette esthétique annule la possibilité même d’un discernement politique.
Cette équivalence généralisée rejoint paradoxalement les fondements conceptuels de l’intelligence artificielle générative: dans les espaces latents des réseaux de neurones, toutes les données sont effectivement réduites à des vecteurs comparables selon des critères purement statistiques. Les jugements de valeur, les distinctions éthiques, les hiérarchies conceptuelles disparaissent au profit d’une pure probabilité mathématique. Cette coïncidence entre une esthétique du nivellement et une technologie fonctionnant par équivalence statistique n’est pas fortuite mais révèle une affinité profonde entre certaines tendances culturelles contemporaines et leurs moyens techniques de production.
Il faut toutefois ajouter que la remise en cause des autorités de discours et des hiérarchies des vérités n’est pas exclusivement fasciste. L’usage de l’IA pour troubler la frontière entre le vrai et le faux pourrait tout aussi bien se réaliser dans un cadre révolutionnaire et émancipateur.
La réversibilité comme stratégie
La vidéo initialement conçue comme une “blague critique” sur Gaza, puis repostée et détournée par Donald Trump, illustre parfaitement la dynamique de réversibilité qui caractérise ce régime esthétique. Dans cet environnement, aucune intention critique ne reste stable; tout contenu peut être réapproprié, détourné, inversé. Cette instabilité n’est pas simplement une conséquence technique de la circulation numérique mais constitue une propriété fondamentale de cette économie sémiotique.
Les contenus deviennent “bifides” ou “chiraux“, porteurs d’une ambivalence constitutive qui les rend appropriables par des positions politiques diamétralement opposées. Dans ce contexte, les tentatives de critique se retournent contre elles-mêmes, non seulement parce qu’elles sont vulnérables à la réappropriation, mais plus fondamentalement parce qu’elles participent à une autoréférentialité généralisée qui caractérise la critique moderne depuis les Lumières.
Cette réversibilité généralisée ouvre des perspectives politiques particulièrement problématiques. En établissant des équivalences entre des phénomènes historiques profondément distincts (la comparaison entre nazisme et stalinisme qui fut le cheval de Troie de l’extrême-droite), cette logique relativiste permet la réhabilitation progressive de positions politiques précédemment considérées comme inacceptables. Le fascisme contemporain exploite précisément cette zone grise de l’équivalence pour retrouver une légitimité discursive.
Au-delà de l’IA: l’extension d’une sensibilité
L’esthétique fasciste contemporaine ne se limite pas aux seules productions d’intelligence artificielle mais s’étend à diverses expressions artistiques caractérisées par un certain type de référentialité. On observe l’émergence de formes néo-pop jouant sur des citations plus ou moins cryptiques relatives à la culture numérique: mèmes, forums, communautés geek, etc. Ces productions présentent souvent des caractéristiques similaires: aspect pâteux, impression de déjà-vu, couleurs criardes, corps représentés de manière dégoulinante, tendance illustrative plutôt que proprement artistique.
Beeple incarne précisément cette “IA sans IA”, cette esthétique préfabriquée que les tendances fascistes contemporaines adoptent volontiers. Sa production interroge rétrospectivement le devenir du pop art et plus généralement des formes artistiques référentielles qui, sans être intrinsèquement fascistes à l’origine, se révèlent particulièrement vulnérables à une réappropriation par des courants politiques réactionnaires.
Cette vulnérabilité n’est pas accidentelle mais résulte d’une limitation constitutive de ces approches artistiques: en mettant en scène la société du spectacle et le capitalisme consumériste, elles ne parvenaient pas à établir une distance mais contribuaient paradoxalement à renforcer ces systèmes en les instaurant sur une scène, fut-elle conçue comme théâtrale ou dialectique.
Deux voies divergentes pour l’IA en art
Face à cette situation, deux orientations distinctes semblent se dessiner dans l’utilisation esthétique et politique de l’intelligence artificielle:
La première voie prolonge l’héritage du pop art en l’adaptant aux codes culturels numériques contemporains (références geek, culture crypto, mèmes comme Pepe the Frog, fascination pour le banal). Cette approche trouve dans l’IA un instrument particulièrement efficace pour multiplier les références à notre époque, les espaces latents des réseaux de neurones facilitant naturellement cette accumulation référentielle. Cette tendance peut être qualifiée d'”esthétique par défaut” car elle émerge presque spontanément de l’utilisation non réflexive d’outils comme Midjourney, conduisant rapidement à une esthétique grotesque où la laideur délibérée s’accompagne d’un relativisme paradoxal.
Cette orientation peut être caractérisée comme un “fascisme factuel” dans la mesure où ces images nous enferment dans une circularité référentielle, une répétition nauséabonde du déjà-connu. Elles n’ouvrent aucun horizon alternatif mais confirment et renforcent les structures existantes de domination en les rendant omniprésentes et inévitables. La surcharge référentielle ne fonctionne pas comme une mise à distance mais comme une naturalisation de l’existant, présenté comme seul monde possible.
La seconde voie propose une exploration plus radicale des potentialités des espaces latents, cherchant à faire émerger des configurations visuelles qui échappent aux références établies. Cette approche ne se contente pas d’exploiter les capacités mimétiques de l’IA mais s’intéresse aux zones d’indétermination, aux accidents générateurs, aux croisements inattendus entre différents corpus d’apprentissage. En intégrant délibérément une part de bruit dans les processus de diffusion ou en exploitant les bugs et les comportements émergents des systèmes, cette démarche s’écarte de l’esthétique kitsch néofasciste pour s’aventurer vers des territoires visuels inexplorés.
Cette orientation peut être qualifiée d'”esthétique factice”, non au sens péjoratif d’une fausseté dissimulée, mais au sens d’une contrefactualité assumée, d’une exploration des possibles qui ne prétend pas reproduire le réel mais l’excéder selon un réalisme dialectique. Le simulacre n’y est pas présenté comme une vérité mais s’affirme comme simulacre, instaurant ainsi une relation réflexive qui échappe à la circularité référentielle du fascisme factuel.
Implications politiques et esthétiques
Cette distinction entre fascisme factuel et esthétique factice permet d’envisager les implications politiques des productions visuelles contemporaines. La première orientation, malgré ses apparences transgressives ou ironiques, participe fondamentalement à la reproduction d’un ordre social caractérisé par l’épuisement de l’imagination politique. En saturant l’espace visuel de références ironiques à un monde dégradé, elle naturalise cette dégradation et la présente comme indépassable. L’humour grossier et la surenchère visuelle n’y fonctionnent pas comme des outils d’émancipation mais comme des mécanismes de résignation jouissive.
La seconde orientation, en revanche, maintient ouverte la possibilité d’une rupture avec l’existant. En explorant des configurations visuelles non encore codifiées, elle suggère que d’autres mondes demeurent possibles malgré l’apparente clôture de notre horizon imaginaire. Cette exploration ne garantit pas en elle-même une émancipation politique, mais elle préserve au moins les conditions de possibilité d’une imagination alternative.
L’intelligence artificielle générative occupe une position ambivalente dans cette configuration: d’un côté, sa tendance naturelle à la reproduction statistique des contenus existants en fait un instrument privilégié du fascisme factuel; de l’autre, sa capacité à explorer des zones intermédiaires entre catégories établies et à générer des configurations émergentes pourrait servir une esthétique factice ouvrant vers d’autres possibles.
Vers une esthétique im-possible
Face à l’émergence d’une esthétique fasciste contemporaine adaptée aux technologies génératives, l’enjeu n’est pas simplement de rejeter en bloc ces technologies ou de céder à un pessimisme culturel, mais de développer des pratiques artistiques qui exploitent leurs potentialités émancipatrices. Cette tâche exige une conscience aiguë des mécanismes par lesquels ces technologies peuvent renforcer les tendances autoritaires, mais aussi une exploration inventive de leurs capacités à générer des configurations visuelles inédites.
L’esthétique factice, en tant qu’exploration du contrefactuel et du possible, représente une voie prometteuse pour combattre la clôture de l’imagination politique caractéristique du fascisme contemporain. En assumant pleinement sa nature de simulacre, elle échappe à la prétention totalisante de l’esthétique fasciste et maintient ouverte la possibilité d’autres mondes Cette ouverture permet que le faux ne soit pas seulement une logique qui sert les intérêts fascistes mais puisse aussi être la puissance salvatrice du simulacre s’affirmant par-delà toute position critique.
The emergence of a new fascist aesthetic in the current technological context deserves thorough analysis, as this configuration differs significantly from the historical manifestations of fascism in the last century. While the extreme-right totalitarian regimes of the 20th century had privileged a monumental classicism celebrating the grandiose ruins of a mythologized past, contemporary fascist tendencies seem to adopt a radically different aesthetic orientation, characterized by the grotesque, kitsch, and a particular appropriation of pop culture. This transformation does not constitute a simple formal evolution but reflects profound mutations in the social, technical, and political structures of our era.
The Metamorphoses of Fascist Aesthetics
Fascism in gestation for three decades, whether manifested as capitalo-, carbo-, or vectofascism (concept developed from Wark’s work, but with certain differences that I will attempt to describe in another text), develops specific aesthetic characteristics that merit identification and analysis. This aesthetic no longer presents itself as a celebration of austere grandeur and monumental order but expresses itself through excess, referential overload, and deliberate vulgarity whose humor is contained within resentment. This stylistic reversal is not accidental but constitutes a strategy adapted to contemporary modalities of cultural content circulation and cultural hegemony.
Artificial intelligence, particularly generative technologies applied to images, appears as a terrain particularly conducive to the development of this sensibility. Neural networks, trained on immense corpora of existing images, naturally produce referential results, citing and remixing the visual contents that constituted their training. This technical characteristic corresponds precisely to a visual culture that has developed on certain Web platforms like 4chan, characterized by appropriation, détourned citation, harassment, and one-upmanship.
The productivity inherent in AI systems also aligns with a strategy of informational saturation: the capacity to rapidly and massively generate content allows for flooding digital spaces, overwhelming traditional mechanisms of critical filtering and rational evaluation. This excessive abundance recalls totalitarian propaganda techniques adapted to the contemporary attention economy, dismantling truth authorities.
The Beeple Case
The work of Beeple (Mike Winkelmann) perfectly illustrates this aesthetic tendency. His production, characterized by saturated, grotesque, and deliberately excessive digital images, has been interpreted by some observers as a critical approach to contemporary digital culture. However, this benevolent reading neglects the fundamental dynamic that drives this work: the systematic leveling of all references, the reduction of every position to generalized equivalence.
By turning everything into derision according to often vulgar and sometimes explicitly discriminatory modalities (notably homophobic), this approach does not propose a critique but institutes an integral relativism where value distinctions become impossible. Crude humor and visual one-upmanship do not function as tools of critical distancing but as instruments of judgment deactivation. By making everything equivalent, by setting all positions back-to-back, this aesthetic cancels the very possibility of political discernment.
This generalized equivalence paradoxically joins the conceptual foundations of generative artificial intelligence: in the latent spaces of neural networks, all data are effectively reduced to vectors comparable according to purely statistical criteria. Value judgments, ethical distinctions, conceptual hierarchies disappear in favor of pure mathematical probability. This coincidence between an aesthetic of leveling and a technology functioning through statistical equivalence is not fortuitous but reveals a profound affinity between certain contemporary cultural tendencies and their technical means of production.
It must be added, however, that the questioning of discourse authorities and truth hierarchies is not exclusively fascist. The use of AI to blur the boundary between true and false could equally well be realized within a revolutionary and emancipatory framework.
Reversibility as Strategy
The video initially conceived as a “critical joke” about Gaza, then reposted and hijacked by Donald Trump, perfectly illustrates the reversibility dynamic that characterizes this aesthetic regime. In this environment, no critical intention remains stable; any content can be reappropriated, hijacked, inverted. This instability is not simply a technical consequence of digital circulation but constitutes a fundamental property of this semiotic economy.
Contents become “bifid” or “chiral,” bearing a constitutive ambivalence that makes them appropriable by diametrically opposed political positions. In this context, attempts at critique turn against themselves, not only because they are vulnerable to reappropriation, but more fundamentally because they participate in a generalized self-referentiality that has characterized modern critique since the Enlightenment.
This generalized reversibility opens particularly problematic political perspectives. By establishing equivalences between profoundly distinct historical phenomena (the comparison between Nazism and Stalinism that was the extreme right’s Trojan horse), this relativist logic allows the progressive rehabilitation of political positions previously considered unacceptable. Contemporary fascism exploits precisely this gray zone of equivalence to regain discursive legitimacy.
Beyond AI: The Extension of a Sensibility
Contemporary fascist aesthetics is not limited to artificial intelligence productions alone but extends to various artistic expressions characterized by a certain type of referentiality. We observe the emergence of neo-pop forms playing on more or less cryptic citations relative to digital culture: memes, forums, geek communities, etc. These productions often present similar characteristics: pasty appearance, impression of déjà-vu, garish colors, bodies represented in a dripping manner, illustrative rather than properly artistic tendency.
Beeple precisely embodies this “AI without AI,” this prefabricated aesthetic that contemporary fascist tendencies readily adopt. His production retrospectively interrogates the future of pop art and more generally referential artistic forms that, without being intrinsically fascist at origin, prove particularly vulnerable to reappropriation by reactionary political currents.
This vulnerability is not accidental but results from a constitutive limitation of these artistic approaches: by staging the society of the spectacle and consumerist capitalism, they failed to establish distance but paradoxically contributed to reinforcing these systems by installing them on a stage, even if conceived as theatrical or dialectical.
Two Divergent Paths for AI in Art
Faced with this situation, two distinct orientations seem to emerge in the aesthetic and political use of artificial intelligence:
The first path extends the heritage of pop art by adapting it to contemporary digital cultural codes (geek references, crypto culture, memes like Pepe the Frog, fascination with the banal). This approach finds in AI a particularly effective instrument for multiplying references to our era, the latent spaces of neural networks naturally facilitating this referential accumulation. This tendency can be qualified as “default aesthetics” because it emerges almost spontaneously from the non-reflective use of tools like Midjourney, rapidly leading to a grotesque aesthetic where deliberate ugliness accompanies paradoxical relativism.
This orientation can be characterized as “factual fascism” insofar as these images enclose us within referential circularity, a nauseating repetition of the already-known. They open no alternative horizon but confirm and reinforce existing structures of domination by making them omnipresent and inevitable. Referential overload does not function as distancing but as naturalization of the existing, presented as the only possible world.
The second path proposes a more radical exploration of latent space potentialities, seeking to bring forth visual configurations that escape established references. This approach does not content itself with exploiting AI’s mimetic capacities but takes interest in zones of indetermination, generative accidents, unexpected crossings between different training corpora. By deliberately integrating a part of noise into diffusion processes or by exploiting bugs and emergent behaviors of systems, this approach departs from neofascist kitsch aesthetics to venture toward unexplored visual territories.
This orientation can be qualified as “fictitious aesthetics,” not in the pejorative sense of dissimulated falsity, but in the sense of assumed counterfactuality, an exploration of possibilities that does not claim to reproduce the real but to exceed it according to dialectical realism. The simulacrum is not presented as truth but asserts itself as simulacrum, thus instituting a reflexive relation that escapes the referential circularity of factual fascism.
Political and Aesthetic Implications
This distinction between factual fascism and fictitious aesthetics allows us to envision the political implications of contemporary visual productions. The first orientation, despite its transgressive or ironic appearances, fundamentally participates in the reproduction of a social order characterized by the exhaustion of political imagination. By saturating visual space with ironic references to a degraded world, it naturalizes this degradation and presents it as insurmountable. Crude humor and visual one-upmanship do not function as tools of emancipation but as mechanisms of jouissive resignation.
The second orientation, in contrast, maintains open the possibility of a rupture with the existing. By exploring visual configurations not yet codified, it suggests that other worlds remain possible despite the apparent closure of our imaginary horizon. This exploration does not guarantee political emancipation in itself, but it at least preserves the conditions of possibility for alternative imagination.
Generative artificial intelligence occupies an ambivalent position in this configuration: on one side, its natural tendency toward statistical reproduction of existing contents makes it a privileged instrument of factual fascism; on the other, its capacity to explore intermediate zones between established categories and to generate emergent configurations could serve a fictitious aesthetics opening toward other possibilities.
Toward an Im-possible Aesthetics
Faced with the emergence of a contemporary fascist aesthetic adapted to generative technologies, the stake is not simply to wholesale reject these technologies or to yield to cultural pessimism, but to develop artistic practices that exploit their emancipatory potentialities. This task requires acute awareness of the mechanisms by which these technologies can reinforce authoritarian tendencies, but also an inventive exploration of their capacities to generate unprecedented visual configurations.
Fictitious aesthetics, as exploration of the counterfactual and the possible, represents a promising path for combating the closure of political imagination characteristic of contemporary fascism. By fully assuming its nature as simulacrum, it escapes the totalizing pretension of fascist aesthetics and maintains open the possibility of other worlds. This opening allows the false to be not only a logic serving fascist interests but also the salvific power of the simulacrum asserting itself beyond any critical position.