Des extractivismes du flux / From Flow Extractivisms
L’élection de Donald Trump en 2016 ne saurait être réduite à un simple dysfonctionnement du système démocratique américain ou à l’expression conjoncturelle d’un ressentiment populaire. Elle révèle l’émergence d’une formation socio-technique inédite qui articule les mécanismes fondamentaux de l’autoritarisme historique — culte charismatique, instrumentalisation de la vérité, désignation de boucs émissaires — aux infrastructures algorithmiques contemporaines. Cette convergence ne constitue pas une simple adaptation des techniques de pouvoir traditionnelles aux technologies numériques mais signale une mutation ontologique dans les modalités d’exercice de l’autorité politique, c’est-à-dire une transformation qui affecte la nature même du phénomène autoritaire plutôt que ses seules manifestations superficielles.
Cette transformation s’enracine dans ce que nous devons identifier comme une vectorialisation généralisée des relations sociales. Le vecteur — du latin vector, « celui qui transporte » — définit en mathématiques une entité caractérisée par une direction, une intensité et un point d’application. Dans le contexte politique contemporain, il faut entendre par vectorialisation le processus par lequel les affects, les informations et les subjectivités sont transformés en flux directionnels calculables, optimisables et instrumentalisables par des algorithmes de recommandation.
Cette vectorisation ne relève pas de la métaphore mais d’une description littérale : les plateformes numériques convertissent effectivement les interactions humaines en vecteurs mathématiques circulant dans des espaces multidimensionnels. Trump incarne parfaitement cette logique. Ses 25 000 tweets présidentiels ne constituent pas de simples messages politiques mais des vecteurs d’information au sens mathématique strict : ils possèdent une direction — ciblage spécifique d’audiences segmentées —, une intensité — charge émotionnelle soigneusement calibrée — et une capacité de propagation — viralité algorithmiquement mesurable.
Prenons l’exemple de son tweet du 27 mai 2020 à propos des manifestations de Minneapolis : “These THUGS are dishonoring the memory of George Floyd, and I won’t let that happen. Just spoke to Governor Tim Walz and told him that the Military is with him all the way. Any difficulty and we will assume control but, when the looting starts, the shooting starts. Thank you!” Ce message fonctionne comme un algorithme comportemental : il encode une instruction précise — réponse violente au désordre —, utilise des déclencheurs émotionnels spécifiques — THUGS en capitales —, et programme une escalade automatique selon une logique conditionnelle parfaitement informatique.
Une Généalogie Technique du Pouvoir
Le fascisme du XXe siècle avait déjà intuité la dimension technique de la domination politique. Les rassemblements de Nuremberg, les émissions radiophoniques de Goebbels, l’esthétisation politique analysée par Walter Benjamin révélaient une première tentative de machinisation des affects collectifs — la transformation des foules en machines désirantes orientées vers la destruction. Mais cette machinisation demeurait largement analogique, dépendante de la co-présence physique et de la synchronisation temporelle des masses.
Le système politique trumpien opère une rupture qualitative : il découple la manipulation affective de la contrainte spatio-temporelle. L’écosystème informationnel de Trump ne se contente pas de diffuser de la propagande ; il constitue une véritable machine de guerre cognitive capable de reconfigurer l’architecture attentionnelle de ses utilisateurs selon une logique d’optimisation algorithmique continue.
Considérons la gestion trumpienne de la pandémie de Covid-19 comme laboratoire de cette machine cognitive. Entre février et novembre 2020, Trump déploie simultanément des narratifs contradictoires selon les audiences : minimisation publique du virus — « It’s going to disappear. One day — it’s like a miracle — it will disappear » (27 février 2020) — tout en admettant sa gravité en privé aux journalistes Bob Woodward ; promotion de l’hydroxychloroquine auprès de sa base — « HYDROXYCHLOROQUINE & AZITHROMYCIN, taken together, have a real chance to be one of the biggest game changers in the history of medicine » (21 mars 2020) — tout en refusant de la prendre lui-même ; déni de l’efficacité des masques — « I don’t think I’m going to be doing it » (3 avril 2020) — tout en laissant son entourage les porter systématiquement.
Cette stratégie ne relève pas de l’incohérence mais d’une logique vectorielle précise : chaque message est optimisé pour son public cible spécifique, créant des bulles informationnelles étanches qui permettent de maximiser l’adhésion de chaque segment sans avoir à maintenir une cohérence globale. L’innovation du système trumpien consiste à détourner l’infrastructure extractiviste des plateformes de sa finalité commerciale vers des objectifs politiques : les mêmes algorithmes qui servent à vendre des produits de consommation deviennent des armes de déstabilisation démocratique.
L’Attention Extractive
Le modèle économique des plateformes numériques repose sur ce que nous devons reconnaître comme une nouvelle forme d’accumulation primitive — non plus l’expropriation violente des terres communes analysée par Marx, mais l’appropriation industrielle des capacités cognitives et affectives humaines. Cette accumulation primitive, comprise comme processus d’appropriation violente de ressources communes pour amorcer l’accumulation capitaliste, s’opère selon un processus tripartite : capture — collecte massive de données comportementales —, modélisation — transformation de ces données en profils psychographiques prédictifs —, monétisation — vente d’accès ciblé à l’attention des utilisateurs.
Trump a intuitivement compris cette économie politique. Ses tweets les plus viraux suivent un pattern algorithmique récurrent : affirmation péremptoire + désignation d’un coupable + appel à l’émotion. Analysons son tweet du 17 février 2017 : « The FAKE NEWS media (failing @nytimes, @CNN, @NBCNews, and many more) is not my enemy, it is the enemy of the American People. SICK! » Cette structure narrative maximise la viralité en combinant plusieurs déclencheurs algorithmiques : polarisation binaire (fake news vs real Americans), personnalisation agressive (mentions nominatives), intensité émotionnelle (SICK en capitales), appel tribal (American People).
Le résultat est une co-évolution entre la rhétorique trumpienne et les algorithmes de recommandation, chacun s’adaptant à l’autre dans une spirale d’optimisation mutuelle. Les algorithmes apprennent à identifier et promouvoir le « style Trump », tandis que Trump affine sa communication pour maximiser sa portée algorithmique. Cette convergence révèle comment ce nouveau mode de pouvoir ne se contente pas d’utiliser les technologies existantes mais les reconfigure selon ses propres fins.
L’infrastructure socio-technique de ce système ne se contente pas de diffuser des discours de haine préexistants ; elle produit algorithmiquement de nouvelles formes d’altérité. Cette production s’observe particulièrement dans la politique migratoire de l’administration Trump : développement de la base de données HART (Homeland Advanced Recognition Technology) pour ficher biométriquement les migrants, déploiement d’algorithmes de reconnaissance faciale aux frontières, lancement de l’application ICE Raids permettant aux citoyens de signaler les « suspects », géolocalisation systématique des centres de détention pour maximiser l’isolement géographique.
Cette infrastructure ne vise pas seulement l’efficacité répressive mais la transformation ontologique des migrants en entités computationnelles. En réduisant des existences humaines à des ensembles de données traitables, elle facilite leur désignation comme boucs émissaires tout en rendant invisible leur humanité. Cette déshumanisation algorithmique constitue l’une des innovations les plus inquiétantes de cette nouvelle forme de pouvoir autoritaire.
L’Instrumentalisation de la Vérité
Dès le lendemain de l’investiture, Kellyanne Conway introduisait le concept d’« alternative facts » pour justifier les mensonges flagrants sur l’affluence de la cérémonie. Cette formule, rapidement moquée, révélait en réalité une mutation profonde dans le rapport à la vérité. Contrairement à la propagande classique qui visait à imposer une vision du monde alternative mais cohérente, cette nouvelle modalité de manipulation renonce à cette cohérence au profit d’une efficacité localisée et temporaire.
L’exemple le plus saisissant demeure la gestion des résultats électoraux de 2020. Trump déploie simultanément plusieurs narratifs contradictoires : revendication de victoire massive — « I WON THIS ELECTION, BY A LOT! » (7 novembre 2020) —, accusation de fraude systémique — « This is a case where they’re trying to STEAL an election » (5 novembre 2020) —, demande de recomptage dans certains États tout en contestant la légitimité du processus électoral dans d’autres, appels à « arrêter le décompte » dans les États qu’il mène tout en réclamant de « compter tous les votes » dans ceux où il est en retard.
Cette stratégie ne relève pas de l’incohérence mais d’une logique vectorielle : chaque message est optimisé pour son public cible spécifique, créant des bulles informationnelles étanches. Les partisans de Pennsylvanie reçoivent des messages différents de ceux d’Arizona, les électeurs ruraux entendent autre chose que les électeurs urbains, les segments évangéliques sont mobilisés par d’autres arguments que les libertariens.
Ce système révèle ainsi l’algorithmisation du mensonge : l’optimisation systématique de la désinformation pour déclencher les mécanismes d’amplification des plateformes. Trump a intuitivement saisi que les algorithmes de recommandation amplifient structurellement les contenus générant le plus d’engagement — souvent les plus polémiques, émotionnels ou faux. Ses déclarations les plus mensongères deviennent paradoxalement les plus « vraies » du point de vue algorithmique : elles circulent davantage, touchent plus d’utilisateurs, génèrent plus d’interactions.
L’Urgence Perpétuelle
Le système politique trumpien révèle une temporalité paradoxale qui combine accélération frénétique et stase cognitive. Le rythme effréné des tweets présidentiels — jusqu’à 200 tweets en une seule journée lors de la crise électorale de novembre 2020 — crée un état d’urgence permanente qui sature les capacités d’analyse critique. Cette surcharge informationnelle produit ce que nous pouvons nommer un présent perpétuel : un temps sans profondeur historique ni projection future, réduit à la succession chaotique d’émotions immédiates.
Analysons la journée du 3 janvier 2021, exemplaire de cette temporalité schizophrénique. Trump publie successivement : un tweet remettant en cause les résultats électoraux en Géorgie (8h03), un retweet d’attaque contre le gouverneur Brian Kemp (8h47), une vidéo contestant les résultats nationaux (14h22), un tweet sur l’économie chinoise (16h15), un message de soutien aux forces de l’ordre (18h33), une nouvelle attaque contre les « fake news media » (20h08). Cette succession chaotique rend impossible l’établissement de priorités politiques cohérentes et transforme l’espace public en flux d’émotions pures.
Paradoxalement, cette accélération génère une forme de stase temporelle : la multiplication des crises artificielles et des polémiques fabriquées finit par neutraliser la possibilité même de l’événement. Tout devient également urgent, donc rien n’est vraiment important. Cette temporalité schizophrénique facilite l’instrumentalisation politique : dans l’instantané perpétuel, il devient impossible d’établir des liens causaux, de constituer des responsabilités, de projeter des alternatives.
Mais ce système ne se contente pas de détruire l’historicité ; il la reconfigure selon ses objectifs politiques. Le slogan « Make America Great Again » ne renvoie à aucun passé historique précis mais fonctionne comme un signifiant vide — concept développé par Ernesto Laclau pour désigner un terme capable d’accueillir des significations contradictoires — capable d’accueillir tous les ressentiments et toutes les nostalgies. Cette nostalgie algorithmique ne vise pas la restauration d’un état antérieur mais la production d’un futur anachronique : un avenir technologiquement avancé mais socialement régressif.
L’esthétique trumpienne marque une rupture avec l’iconographie fasciste traditionnelle — fini le classicisme monumental célébrant les ruines grandioses d’un passé mythifié, place à l’excès, la surcharge référentielle et une vulgarité délibérée. Ce renversement stylistique ne relève pas de l’accident mais d’une stratégie consciente adaptée aux modalités contemporaines de circulation des contenus culturels.
Dans l’économie de l’attention, la vulgarité et l’outrance deviennent des avantages compétitifs : elles captent l’attention, génèrent l’engagement et court-circuitent les défenses critiques par la sidération. Analysons quelques déclarations paradigmatiques : « Grab them by the pussy » (octobre 2016) génère des millions d’interactions et domine l’actualité pendant des semaines ; « shithole countries » (janvier 2018) provoque un scandale international mais renforce l’adhésion de sa base ; « very fine people on both sides » (août 2017) à propos des suprémacistes blancs de Charlottesville crée une équivalence morale entre nazis et antiracistes tout en restant techniquement défendable.
Ces formules, immédiatement transformables en mèmes viraux, colonisent l’espace médiatique par leur caractère choquant tout en normalisant progressivement l’inacceptable. Cette esthétique rejoint paradoxalement les fondements conceptuels de l’intelligence artificielle générative : dans les espaces latents — représentations mathématiques multidimensionnelles utilisées par les réseaux de neurones — toutes les données sont effectivement réduites à des vecteurs comparables selon des critères purement statistiques.
Trump incarne cette équivalence généralisée : expertise scientifique et opinion personnelle, faits vérifiés et fake news, démocrates et nazis, tout devient équivalent dans le flux indifférencié de l’information virale. Cette indifférenciation ne relève pas de l’erreur mais d’une stratégie consciente : en aplatissant toutes les distinctions, elle rend impossible la critique rationnelle et facilite la manipulation émotionnelle.
La Convergence des Extractivismes : Carbone et Attention
Le mandat Trump a révélé la convergence structurelle entre deux formes d’extractivisme : celui des énergies fossiles et celui des données. Cette alliance ne relève pas du hasard mais d’une affinité profonde : les deux logiques reposent sur l’extraction intensive de ressources — carbone ou attention — au mépris des conséquences écologiques et sociales.
Les liens entre Trump et l’industrie fossile sont documentés et assumés : retrait de l’accord de Paris (juin 2017), ouverture de l’Arctique aux forages pétroliers (avril 2017), déréglementation des émissions de méthane (août 2020), nomination de Scott Pruitt — ancien lobbyiste du pétrole — à la tête de l’EPA. Mais plus profondément, sa rhétorique politique reproduit la logique extractiviste : exploitation intensive de l’attention publique, épuisement des ressources cognitives de ses audiences, colonisation de tous les espaces symboliques disponibles.
Cette convergence s’observe dans la base matérielle du système : les data centers qui hébergent Twitter consomment l’électricité d’une ville comme San Francisco, l’extraction de lithium nécessaire aux smartphones qui diffusent les tweets de Trump génère des désastres écologiques en Bolivie et au Chili, les câbles sous-marins qui transportent ses messages mobilisent des infrastructures d’une complexité énergétique considérable.
Comme l’industrie fossile externalise les coûts environnementaux, le système trumpien externalise les coûts cognitifs et sociaux de son fonctionnement : polarisation sociale, épuisement démocratique, destruction de la confiance institutionnelle. La crise du Covid-19 a révélé cette logique dans toute sa brutalité : plutôt que d’assumer les coûts d’une gestion sanitaire responsable, l’administration Trump a préféré externaliser les coûts humains vers les populations les plus vulnérables — 400 000 morts officiels en janvier 2021 — tout en capitalisant politiquement sur le chaos généré.
Les Vulnérabilités de l’Infrastructure
Face à ce nouveau mode de pouvoir autoritaire, diverses formes de résistance ont émergé, révélant les vulnérabilités du système. Les fuites dans la presse — notamment les révélations du New York Times sur les déclarations privées de Trump concernant le Covid-19 —, les témoignages de lanceurs d’alerte — comme celui d’Alexander Vindman lors de l’affaire ukrainienne —, les mobilisations de scientifiques — comme la lettre ouverte de 77 prix Nobel contre Trump en octobre 2020 — ont constitué autant de contre-vecteurs capables de perturber la circulation de la désinformation.
Plus significative encore, la défaite électorale de 2020 a démontré que ce système, malgré sa puissance, ne parvient pas à coloniser totalement l’espace démocratique. Les institutions électorales, malgré leurs fragilités, ont résisté aux tentatives de subversion. Les cours de justice, y compris celles nommées par Trump lui-même, ont rejeté massivement les recours fantaisistes contre les résultats : 62 procès perdus sur 63 intentés par l’équipe Trump.
Paradoxalement, l’une des principales vulnérabilités réside dans sa dépendance à l’économie de l’attention. En réclamant une vigilance constante de ses audiences, en multipliant les provocations et les crises artificielles, il finit par générer une forme d’épuisement cognitif qui use ses propres partisans. L’effondrement relatif de l’audience de Trump après sa suspension des réseaux sociaux — janvier 2021 — illustre cette fragilité : privé de ses vecteurs de diffusion privilégiés, le système trumpien perd rapidement en efficacité.
L’analyse du phénomène Trump révèle l’émergence d’une nouvelle forme de pouvoir autoritaire qui ne peut plus être comprise selon les catégories politiques traditionnelles. Cette mutation ne constitue pas un simple épiphénomène de la société de l’information mais révèle comment les infrastructures techniques contemporaines reconfigurent en profondeur les modalités d’exercice du pouvoir politique.
Cette reconfiguration ne se limite pas aux États-Unis mais anticipe sur les transformations à venir de l’autoritarisme global. Les techniques développées par l’écosystème trumpien — optimisation algorithmique de la désinformation, vectorialisation des affects, production automatisée d’altérité — sont d’ores et déjà reprises et adaptées par d’autres formations politiques autoritaires à travers le monde.
Face à cette mutation, les réponses traditionnelles de la critique démocratique — fact-checking, éducation civique, régulation juridique — s’avèrent largement insuffisantes. Elles présupposent un modèle de rationalité publique que précisément ce nouveau mode de pouvoir s’emploie à détruire. Il devient donc urgent de développer une politique des infrastructures capable de penser la démocratisation des technologies d’information et de communication.
Cette politique ne peut se contenter de réguler les contenus mais doit interroger les architectures techniques elles-mêmes : les algorithmes de recommandation, les modèles économiques de l’attention, les structures de propriété des plateformes, les modes de gouvernance des données. Car c’est à ce niveau infrastructurel que se joue l’avenir de la démocratie à l’ère numérique.
L’expérience trumpienne nous enseigne que les technologies ne sont jamais neutres : elles portent en elles des potentialités émancipatrices autant qu’autoritaires. Tout dépend des usages que nous en faisons et des relations sociales que nous y investissons. Le défi contemporain consiste à inventer des formes de socialisation des infrastructures numériques qui préservent et intensifient les conditions techniques de la délibération démocratique.
Cette tâche ne peut être laissée aux seuls experts techniques ou aux élites politiques traditionnelles. Elle exige une mobilisation collective capable de réapproprier démocratiquement les conditions techniques de notre existence commune. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : reconquérir la maîtrise collective de nos environnements socio-techniques contre leur colonisation par les logiques autoritaires et extractivistes qui menacent l’avenir même de l’expérience démocratique.
The election of Donald Trump in 2016 cannot be reduced to a simple dysfunction of the American democratic system or to the conjunctural expression of popular resentment. It reveals the emergence of an unprecedented socio-technical formation that articulates the fundamental mechanisms of historical authoritarianism — charismatic cult, instrumentalization of truth, designation of scapegoats — with contemporary algorithmic infrastructures. This convergence does not constitute a simple adaptation of traditional power techniques to digital technologies but signals an ontological mutation in the modalities of exercising political authority, that is, a transformation that affects the very nature of the authoritarian phenomenon rather than its mere superficial manifestations.
This transformation is rooted in what we must identify as a generalized vectorialization of social relations. The vector — from Latin vector, “one who carries” — defines in mathematics an entity characterized by direction, intensity, and point of application. In the contemporary political context, vectorialization must be understood as the process by which affects, information, and subjectivities are transformed into directional flows that are calculable, optimizable, and instrumentalizable by recommendation algorithms.
This vectorization is not metaphorical but literal: digital platforms effectively convert human interactions into mathematical vectors circulating in multidimensional spaces. Trump perfectly embodies this logic. His 25,000 presidential tweets do not constitute simple political messages but information vectors in the strict mathematical sense: they possess direction — specific targeting of segmented audiences —, intensity — carefully calibrated emotional charge — and propagation capacity — algorithmically measurable virality.
Take the example of his tweet from May 27, 2020, about the Minneapolis demonstrations: “These THUGS are dishonoring the memory of George Floyd, and I won’t let that happen. Just spoke to Governor Tim Walz and told him that the Military is with him all the way. Any difficulty and we will assume control but, when the looting starts, the shooting starts. Thank you!” This message functions as a behavioral algorithm: it encodes a precise instruction — violent response to disorder —, uses specific emotional triggers — THUGS in capitals —, and programs automatic escalation according to perfectly computational conditional logic.
A Technical Genealogy of Power
Twentieth-century fascism had already intuited the technical dimension of political domination. The Nuremberg rallies, Goebbels’ radio broadcasts, the political aestheticization analyzed by Walter Benjamin revealed a first attempt at mechanizing collective affects — transforming crowds into desiring machines oriented toward destruction. But this mechanization remained largely analogical, dependent on physical co-presence and temporal synchronization of masses.
The Trumpian political system operates a qualitative rupture: it decouples affective manipulation from spatio-temporal constraints. Trump’s informational ecosystem does not merely disseminate propaganda; it constitutes a veritable cognitive war machine capable of reconfiguring the attentional architecture of its users according to continuous algorithmic optimization logic.
Consider the Trumpian management of the Covid-19 pandemic as a laboratory for this cognitive machine. Between February and November 2020, Trump simultaneously deploys contradictory narratives according to audiences: public minimization of the virus — “It’s going to disappear. One day — it’s like a miracle — it will disappear” (February 27, 2020) — while admitting its gravity privately to journalist Bob Woodward; promotion of hydroxychloroquine to his base — “HYDROXYCHLOROQUINE & AZITHROMYCIN, taken together, have a real chance to be one of the biggest game changers in the history of medicine” (March 21, 2020) — while refusing to take it himself; denial of mask effectiveness — “I don’t think I’m going to be doing it” (April 3, 2020) — while allowing his entourage to wear them systematically.
This strategy does not stem from incoherence but from precise vectorial logic: each message is optimized for its specific target audience, creating sealed informational bubbles that allow maximizing adherence of each segment without having to maintain global coherence. The innovation of the Trumpian system consists in diverting the extractivist infrastructure of platforms from their commercial purpose toward political objectives: the same algorithms that serve to sell consumer products become weapons of democratic destabilization.
Extractive Attention
The economic model of digital platforms rests on what we must recognize as a new form of primitive accumulation — no longer the violent expropriation of common lands analyzed by Marx, but the industrial appropriation of human cognitive and affective capacities. This primitive accumulation, understood as a process of violent appropriation of common resources to initiate capitalist accumulation, operates according to a tripartite process: capture — massive collection of behavioral data —, modeling — transformation of this data into predictive psychographic profiles —, monetization — targeted sale of access to users’ attention.
Trump intuitively understood this political economy. His most viral tweets follow a recurring algorithmic pattern: peremptory assertion + designation of a culprit + emotional appeal. Let us analyze his tweet from February 17, 2017: “The FAKE NEWS media (failing @nytimes, @CNN, @NBCNews, and many more) is not my enemy, it is the enemy of the American People. SICK!” This narrative structure maximizes virality by combining several algorithmic triggers: binary polarization (fake news vs real Americans), aggressive personalization (nominative mentions), emotional intensity (SICK in capitals), tribal appeal (American People).
The result is co-evolution between Trumpian rhetoric and recommendation algorithms, each adapting to the other in a spiral of mutual optimization. Algorithms learn to identify and promote the “Trump style,” while Trump refines his communication to maximize his algorithmic reach. This convergence reveals how this new mode of power does not merely use existing technologies but reconfigures them according to its own ends.
The socio-technical infrastructure of this system does not merely disseminate pre-existing hate speech; it algorithmically produces new forms of alterity. This production is particularly observable in the Trump administration’s migration policy: development of the HART (Homeland Advanced Recognition Technology) database to biometrically file migrants, deployment of facial recognition algorithms at borders, launch of the ICE Raids application allowing citizens to report “suspects,” systematic geolocation of detention centers to maximize geographical isolation.
This infrastructure aims not only at repressive efficiency but at the ontological transformation of migrants into computational entities. By reducing human existences to treatable data sets, it facilitates their designation as scapegoats while rendering their humanity invisible. This algorithmic dehumanization constitutes one of the most disturbing innovations of this new form of authoritarian power.
The Instrumentalization of Truth
The day after the inauguration, Kellyanne Conway introduced the concept of “alternative facts” to justify flagrant lies about ceremony attendance. This formula, quickly mocked, actually revealed a profound mutation in the relationship to truth. Unlike classical propaganda that aimed to impose an alternative but coherent worldview, this new modality of manipulation renounces this coherence in favor of localized and temporary efficiency.
The most striking example remains the management of the 2020 electoral results. Trump simultaneously deploys several contradictory narratives: claim of massive victory — “I WON THIS ELECTION, BY A LOT!” (November 7, 2020) —, accusation of systemic fraud — “This is a case where they’re trying to STEAL an election” (November 5, 2020) —, demand for recounting in certain states while contesting the legitimacy of the electoral process in others, calls to “stop the count” in states he leads while demanding to “count all votes” in those where he lags.
This strategy does not stem from incoherence but from vectorial logic: each message is optimized for its specific target audience, creating sealed informational bubbles. Pennsylvania supporters receive different messages from those in Arizona, rural voters hear something different from urban voters, evangelical segments are mobilized by different arguments than libertarians.
This system thus reveals the algorithmization of lies: systematic optimization of disinformation to trigger platform amplification mechanisms. Trump intuitively grasped that recommendation algorithms structurally amplify content generating the most engagement — often the most controversial, emotional, or false. His most mendacious declarations paradoxically become the most “true” from an algorithmic perspective: they circulate more, reach more users, generate more interactions.
Perpetual Urgency
The Trumpian political system reveals a paradoxical temporality that combines frenetic acceleration and cognitive stasis. The frantic rhythm of presidential tweets — up to 200 tweets in a single day during the November 2020 electoral crisis — creates a permanent state of emergency that saturates critical analysis capacities. This informational overload produces what we can call a perpetual present: a time without historical depth or future projection, reduced to the chaotic succession of immediate emotions.
Let us analyze the day of January 3, 2021, exemplary of this schizophrenic temporality. Trump successively publishes: a tweet challenging electoral results in Georgia (8:03 AM), a retweet attacking Governor Brian Kemp (8:47 AM), a video contesting national results (2:22 PM), a tweet about the Chinese economy (4:15 PM), a message supporting law enforcement (6:33 PM), a new attack against “fake news media” (8:08 PM). This chaotic succession makes it impossible to establish coherent political priorities and transforms public space into a flow of pure emotions.
Paradoxically, this acceleration generates a form of temporal stasis: the multiplication of artificial crises and fabricated controversies ends up neutralizing the very possibility of the event. Everything becomes equally urgent, so nothing is truly important. This schizophrenic temporality facilitates political instrumentalization: in the perpetual instantaneous, it becomes impossible to establish causal links, constitute responsibilities, project alternatives.
But this system does not merely destroy historicity; it reconfigures it according to its political objectives. The slogan “Make America Great Again” refers to no precise historical past but functions as an empty signifier — a concept developed by Ernesto Laclau to designate a term capable of accommodating contradictory meanings — capable of accommodating all resentments and nostalgias. This algorithmic nostalgia does not aim at restoring a previous state but at producing an anachronistic future: a technologically advanced but socially regressive tomorrow.
The Trumpian aesthetic marks a rupture with traditional fascist iconography — gone is the monumental classicism celebrating grandiose ruins of a mythified past, replaced by excess, referential overload, and deliberate vulgarity. This stylistic reversal does not stem from accident but from a conscious strategy adapted to contemporary modalities of cultural content circulation.
In the attention economy, vulgarity and outrageousness become competitive advantages: they capture attention, generate engagement, and short-circuit critical defenses through shock. Let us analyze some paradigmatic declarations: “Grab them by the pussy” (October 2016) generates millions of interactions and dominates headlines for weeks; “shithole countries” (January 2018) provokes international scandal but reinforces base adherence; “very fine people on both sides” (August 2017) about Charlottesville white supremacists creates moral equivalence between Nazis and anti-racists while remaining technically defensible.
These formulas, immediately transformable into viral memes, colonize media space through their shocking character while progressively normalizing the unacceptable. This aesthetic paradoxically joins the conceptual foundations of generative artificial intelligence: in latent spaces — multidimensional mathematical representations used by neural networks — all data is effectively reduced to vectors comparable according to purely statistical criteria.
Trump embodies this generalized equivalence: scientific expertise and personal opinion, verified facts and fake news, Democrats and Nazis, everything becomes equivalent in the undifferentiated flow of viral information. This indifferentiation does not stem from error but from conscious strategy: by flattening all distinctions, it makes rational criticism impossible and facilitates emotional manipulation.
The Convergence of Extractivisms: Carbon and Attention
The Trump mandate revealed the structural convergence between two forms of extractivism: that of fossil fuels and that of data. This alliance does not stem from chance but from deep affinity: both logics rest on intensive extraction of resources — carbon or attention — despite ecological and social consequences.
The links between Trump and the fossil industry are documented and assumed: withdrawal from the Paris Agreement (June 2017), opening the Arctic to oil drilling (April 2017), deregulation of methane emissions (August 2020), nomination of Scott Pruitt — former oil lobbyist — to head the EPA. But more profoundly, his political rhetoric reproduces extractivist logic: intensive exploitation of public attention, exhaustion of his audiences’ cognitive resources, colonization of all available symbolic spaces.
This convergence is observable in the system’s material base: the data centers hosting Twitter consume the electricity of a city like San Francisco, lithium extraction necessary for smartphones disseminating Trump’s tweets generates ecological disasters in Bolivia and Chile, submarine cables transporting his messages mobilize infrastructures of considerable energetic complexity.
As the fossil industry externalizes environmental costs, the Trumpian system externalizes the cognitive and social costs of its functioning: social polarization, democratic exhaustion, destruction of institutional trust. The Covid-19 crisis revealed this logic in all its brutality: rather than assuming the costs of responsible health management, the Trump administration preferred to externalize human costs to the most vulnerable populations — 400,000 official deaths in January 2021 — while politically capitalizing on the generated chaos.
Infrastructure Vulnerabilities
Facing this new mode of authoritarian power, various forms of resistance have emerged, revealing system vulnerabilities. Press leaks — notably New York Times revelations about Trump’s private declarations concerning Covid-19 —, whistleblower testimonies — like Alexander Vindman’s during the Ukrainian affair —, scientist mobilizations — like the open letter from 77 Nobel laureates against Trump in October 2020 — have constituted so many counter-vectors capable of disrupting disinformation circulation.
Even more significant, the 2020 electoral defeat demonstrated that this system, despite its power, cannot totally colonize democratic space. Electoral institutions, despite their fragilities, resisted subversion attempts. Courts of justice, including those nominated by Trump himself, massively rejected fanciful appeals against results: 62 lawsuits lost out of 63 filed by Trump’s team.
Paradoxically, one of the main vulnerabilities resides in its dependence on the attention economy. By demanding constant vigilance from its audiences, by multiplying provocations and artificial crises, it ends up generating a form of cognitive exhaustion that wears down its own supporters. Trump’s relative audience collapse after his social media suspension — January 2021 — illustrates this fragility: deprived of its privileged diffusion vectors, the Trumpian system rapidly loses efficiency.
Analysis of the Trump phenomenon reveals the emergence of a new form of authoritarian power that can no longer be understood according to traditional political categories. This mutation does not constitute a simple epiphenomenon of information society but reveals how contemporary technical infrastructures profoundly reconfigure the modalities of exercising political power.
This reconfiguration is not limited to the United States but anticipates coming transformations of global authoritarianism. Techniques developed by the Trumpian ecosystem — algorithmic optimization of disinformation, vectorialization of affects, automated production of alterity — are already being taken up and adapted by other authoritarian political formations across the world.
Facing this mutation, traditional responses of democratic critique — fact-checking, civic education, legal regulation — prove largely insufficient. They presuppose a model of public rationality that precisely this new mode of power seeks to destroy. It therefore becomes urgent to develop an infrastructure politics capable of thinking the democratization of information and communication technologies.
This politics cannot be content with regulating contents but must interrogate technical architectures themselves: recommendation algorithms, attention economic models, platform ownership structures, data governance modes. For it is at this infrastructural level that the future of democracy in the digital age is at stake.
The Trumpian experience teaches us that technologies are never neutral: they carry within them emancipatory as well as authoritarian potentialities. Everything depends on the uses we make of them and the social relations we invest in them. The contemporary challenge consists in inventing forms of socialization of digital infrastructures that preserve and intensify the technical conditions of democratic deliberation.
This task cannot be left to technical experts or traditional political elites alone. It requires collective mobilization capable of democratically reappropriating the technical conditions of our common existence. For this is what is at stake: reconquering collective mastery of our socio-technical environments against their colonization by authoritarian and extractivist logics that threaten the very future of democratic experience.