En miroir, l’imagination artificielle – Emotion, cognition et création artistique

Sous la direction de Xavier Lambert

De l’intelligence à l’imagination

Le 17 juin 2015, des chercheurs de Google publient Inceptionism : Going Deeper into Neural Networks1 et des images psychédéliques mêlant des chiens et des mollusques2. Le 18 juin, c’est au tour de Facebook de rendre disponible Deep Generative Image Models using a Laplacian Pyramid of Adversial Networks3 et des images provenant du projet Eyescream4. Dans les semaines qui suivent, les différents acteurs de l’industrie technologique emboîtent le pas et mettent en ligne articles et expérimentations où des machines semblent halluciner et rêver. Une simple visite sur le site Arxiv de l’université de Cornell permet de confirmer que le rythme de publications sur la capacité des réseaux récursifs de neurones à produire des images « vraisemblables », et d’autres médias encore, n’a pas diminué.

En repassant cette séquence, on peut souligner la vitesse de diffusion de ces recherches dans les sphères économiques et sociales devenues depuis lors un meme5 et on ne peut s’empêcher de s’étonner que l’intelligence artificielle (IA) qui prenait la forme d’un combat logique entre l’être humain et la machine, par exemple avec le jeu d’échecs depuis le programme Turochamp imaginé en 1948 par Alan Turing et D. G. Champernowne6, semble avoir mutée pour devenir une imagination artificielle (ImA), c’est-à-dire une automatisation par induction statistique de la production d’images « réalistes ». Passant de l’intelligence, au sens de la rationalité logico-mathématique, à l’hallucination et au rêve, dans un contexte général où la question de la vérité semble être entrée dans une nouvelle crise — mais n’a-t-elle jamais été autre chose que cette crise même7 ? —, on s’interroge sur le plaisir très particulier que nous ressentons à voir une machine se tromper, c’est-à-dire halluciner ce qui n’est pas.

La notion d’ImA que nous explorons à l’ENS8 permet de désigner ce phénomène nouveau qui ne correspond plus, dans ses effets, au vocable d’IA, et dont la généalogie est complexe à désédimenter. Le concept dans cette acception est si rare que ceci a pu nous faire croire que nous l’avions formé. Or, dès 1969, un enseignant de l’Institut Polytechnique de Grenoble, A. Kaufmann, publie un prémonitoire article, L’imagination artificielle (heuristique automatique)9, et pose les fondements d’un couplage anthropotechnologique de l’imaginaire dont nous reprenons le fil après près de 50 ans de silence. Fil d’une tradition oubliée que nous souhaitons réactualiser pour répondre au discours dominant de l’IA.

(…)

Précarités
Remplacement
Ressemblance
Le miroir noir
Boucle transcendantale
Le paradoxe de la finitude
Neurones miroirs