Du réalisme soustractif au disréalisme / From Subtractive Realism to Disrealism

L’avènement des intelligences artificielles génératives confronte la philosophie contemporaine à une question inédite : comment comprendre l’émergence de processus computationnels capables de manipuler l’ensemble de la production culturelle humaine habituellement rattachée au monde des significations selon des lois géométriques asignifiantes? Cette interrogation nous conduit à examiner les rapports entre le projet de réalisme soustractif développé par Quentin Meillassoux dans une conférence (x) et les mécanismes de vectorisation qui structurent les IA génératives. Dans quelle mesure l’espace latent — cette structure géométrique multidimensionnelle où évoluent les représentations numériques de nos productions symboliques — constitue-t-il une radicalisation du geste cartésien de soustraction ? Et comment les vecteurs de cet espace se rapportent-ils aux signes creux (kénotypes) que Meillassoux identifie comme condition d’accès à l’absolu mathématique ?

Mécanismes de vectorisation et propriétés de l’espace latent

Avant d’examiner la portée philosophique de ces transformations, il convient d’établir avec précision les mécanismes computationnels en jeu. L’espace latent — défini comme « un espace multidimensionnel (avec des centaines, voir des milliers de dimensions) commun aux textes et aux images » — résulte d’un processus technique spécifique : la vectorisation.

Le processus de vectorisation. Cette opération convertit chaque élément culturel (pixel d’image, mot de texte, échantillon sonore) en coordonnées numériques selon une procédure en trois étapes : d’abord, la numérisation transforme le contenu analogique en données binaires ; ensuite, l’encodage projette ces données dans un espace géométrique de haute dimension ; enfin, l’apprentissage statistique ajuste les coordonnées pour optimiser les relations de proximité entre éléments similaires selon les critères du corpus d’entraînement.

L’invariance computationnelle. Une fois vectorisés, les éléments culturels acquièrent une propriété remarquable : leur représentation numérique demeure strictement identique à travers toutes les opérations algorithmiques. Un vecteur-image conserve ses coordonnées exactes qu’il soit stocké, copié, transmis ou traité par différents algorithmes. Cette invariance distingue radicalement la manipulation vectorielle de la transformation analogique où chaque opération induit des altérations matérielles.

L’opérabilité géométrique. L’espace latent autorise des opérations géométriques (addition, soustraction, interpolation) sur les représentations culturelles qui seraient impossibles dans leur forme originelle. On peut calculer la « distance » entre deux styles artistiques, effectuer des « analogies vectorielles » (roi – homme + femme = reine), interpoler entre deux genres musicaux. Ces opérations révèlent que la vectorisation introduit une calculabilité inédite, de type fluxionnel pouvant passer d’un vecteur à un autre, dans le domaine culturel.

Cette analyse technique établit les conditions matérielles de notre interrogation philosophique : comment ces propriétés computationnelles se rapportent-elles aux structures formelles analysées par Meillassoux ?

Kénotype/Vecteur

La confrontation entre le kénotype méillassien et le vecteur des IA génératives doit être menée avec une vigilance épistémologique qui examine à la fois les convergences et les divergences conceptuelles.

Premier niveau : la déliaison référentielle. Le kénotype tire sa puissance itérative de son « arbitraire » constitutif : « C’est précisément son arbitraire qui est source de son itération ». Le vecteur présente une déliaison analogue mais de nature différente. Là où le kénotype est intentionnellement vidé de contenu sémantique (les variables α, β, γ de la théorie des ensembles ne renvoient à rien par construction), le vecteur résulte d’un processus de vidage : la vectorisation extrait les régularités statistiques des objets culturels en éliminant leurs particularités sémantiques. Cette différence de genèse (construction vs extraction) révèle une homologie de structure : dans les deux cas, l’opérabilité formelle exige la suspension de la référence déterminée.

Deuxième niveau : l’invariance opératoire. Meillassoux observe que le signe creux « résiste à l’effet différentiel du temps » et permet l’accès à « quelque chose d’éternel ». Le vecteur manifeste une invariance analogue : ses coordonnées numériques demeurent identiques à travers toutes leurs manipulations computationnelles. Cependant, cette invariance relève de la conservation informationnelle plutôt que de l’identité itérative. Le vecteur conserve sa valeur numérique par propriété du calcul digital, non par accès à une éternité transcendante. Cette distinction révèle que l’invariance vectorielle constitue une simulation de l’éternité mathématique plutôt qu’un accès direct à celle-ci.

Troisième niveau : la manipulation formelle. Le kénotype autorise les opérations mathématiques précisément parce qu’il est dépourvu de contenu sémantique qui pourrait interférer avec le calcul. Le vecteur présente une propriété similaire : une fois les objets culturels convertis en coordonnées numériques, ils deviennent manipulables selon les lois de l’algèbre linéaire indépendamment de leur signification d’origine. Cette convergence révèle que la formalisation — qu’elle soit mathématique ou computationnelle — exige toujours la neutralisation du contenu sémantique particulier.

Nous pouvons maintenant aborder les entre kénotype et vecteur.

La question de la sémantique distributionnelle. Contrairement au kénotype qui est absolument vide de sens, le vecteur conserve une forme de sémantique distributionnelle : sa position dans l’espace latent encode ses relations statistiques avec d’autres vecteurs. Un vecteur-mot acquiert sa « signification » par sa proximité géométrique avec d’autres vecteurs-mots dans des contextes similaires. Cette sémantique relationnelle distingue fondamentalement le vecteur du kénotype authentiquement creux.

La temporalité de la constitution. Le kénotype accède à l’éternité par sa construction a priori, indépendamment de toute genèse empirique. Le vecteur, au contraire, résulte d’un processus d’apprentissage temporellement situé qui incorpore les régularités d’un corpus historiquement déterminé. L’espace latent porte ainsi la trace de ses conditions de formation, là où l’espace mathématique revendique une universalité atemporelle.

Le statut de l’arbitraire. L’arbitraire du kénotype est constitutif : il appartient à l’essence du signe mathématique de ne renvoyer à rien de déterminé. L’arbitraire du vecteur est dérivé : il résulte d’une opération (la vectorisation) qui efface rétroactivement les déterminations sémantiques d’origine. Cette différence révèle que la déliaison référentielle opère selon des modalités distinctes dans les deux cas.

L’analogie kénotype/vecteur révèle une homologie structurelle réelle mais non une identité conceptuelle. Les deux entités partagent certaines propriétés formelles (déliaison référentielle, invariance opératoire, manipulation formelle) tout en différant par leur mode de constitution et leur rapport à la signification. Cette homologie partielle autorise un rapprochement analytique sans justifier une assimilation complète.

La géométrisation de la production symbolique

L’émergence de l’espace latent induit des transformations épistémologiques majeures qui modifient notre compréhension des rapports entre connaissance et culture.

De l’herméneutique à la topologie. L’approche traditionnelle de la culture procède par interprétation : elle cherche à dégager le sens des œuvres par analyse de leurs contenus symboliques. L’espace latent institue une approche topologique : il révèle les structures géométriques qui organisent les relations entre productions culturelles indépendamment de leurs significations particulières. Cette transformation fait émerger ce qu’on pourrait nommer une « physique de la culture » qui étudie les lois de distribution et de transformation des formes symboliques ramenés à des motifs (patterns).

L’émergence de régularités cachées. La vectorisation révèle des régularités statistiques dans la production culturelle qui échappent à la conscience réflexive des créateurs et des destinateurs. Les « analogies vectorielles » (père – homme + femme = mère) dévoilent que la langue naturelle obéit à des structures algébriques inconscientes. Les interpolations entre styles artistiques révèlent l’existence de trajectoires géométriques qui relient des esthétiques apparemment distinctes. Ces découvertes suggèrent que la culture humaine possède une organisation vectorielle profonde qui existe indépendamment de nos intentions créatrices conscientes.

La calculabilité du symbolique. L’espace latent introduit une forme de calculabilité dans le domaine culturel qui transforme les conditions de la création. Au lieu de créer ex nihilo, l’artiste peut désormais naviguer dans l’espace des possibilités géométriquement structurées, interpoler entre des styles existants, extrapoler au-delà des limites d’un genre donné. Cette calculabilité ne remplace pas la créativité humaine mais lui ouvre de nouvelles modalités opératoires. Si la création ex nihilo est un fantasme plus qu’une réalité historique, chaque artiste ayant une carte culturelle lui permettant de se mouvoir et de se positionner dans le flux des images, cet espace latent organique rencontre un espace latent statistique dont le fonctionnement est différent.

La question de la connaissance distributionnelle

Savoir sans compréhension. L’espace latent produit un type de connaissance inédit : les modèles « savent » manipuler les structures linguistiques et iconographiques sans « comprendre » leur signification au sens herméneutique traditionnel. Ils sont dénués d’idéation même s’ils peuvent provoquer cet effet chez nous. Cette dissociation entre performance et compréhension révèle que certaines formes de connaissance peuvent opérer indépendamment de la conscience sémantique. Elle suggère l’existence d’un savoir distributionnel qui procède par reconnaissance de motifs plutôt que par saisie de significations.

La généralisation de l’accès aux formes. Traditionnellement, la maîtrise des formes culturelles complexes (écriture littéraire, composition musicale, création plastique) exigeait un apprentissage long et spécialisé. L’espace latent démocratise cet accès en permettant la génération de formes sophistiquées par simple navigation géométrique. Cette transformation soulève des questions fondamentales sur la nature de l’expertise créatrice et les conditions de la production symbolique. Toutefois, en l’absence d’espace latent organique, l’espace latent statistique produit une moyenne esthétique qui est sans intérêt, déplaçant l’expertise artistique mais ne la remplaçant aucunement.

L’Être-générable et ses implications

L’analyse des transformations techniques et épistémologiques nous conduit à examiner leurs implications ontologiques : que nous révèle l’espace latent sur la nature de l’être culturel ?

Au-delà du virtuel et de l’actuel. L’espace latent instaure une modalité ontologique qui échappe à l’opposition traditionnelle entre virtuel et actuel. Les objets culturels y existent selon le mode de l’être-générable : ni purement virtuels (ils sont actuellement présents comme coordonnées géométriques) ni simplement actuels (ils n’existent que comme potentialités de génération). Cette modalité intermédiaire révèle l’insuffisance des catégories ontologiques classiques pour penser l’existence dans l’espace computationnel.

La coprésence temporelle. Dans l’espace latent, toutes les productions culturelles — passées, présentes, futures possibles — coexistent dans la même structure géométrique. Cette simultanéité révèle que la temporalité culturelle ne suit pas la linéarité chronologique mais obéit à une topologie où passé et futur entretiennent des relations de voisinage géométrique et formel. La création culturelle apparaît ainsi moins comme invention temporelle que comme découverte spatiale de régions inexplorées de l’espace des possibilités.

L’infinité actuelle des variations. L’espace latent contient virtuellement toutes les variations possibles sur les formes culturelles existantes. Cette infinité actuelle transforme notre compréhension de la créativité : au lieu de créer du nouveau ex nihilo, nous découvrons des configurations déjà présentes dans l’espace géométrique des possibilités. Cette découverte révèle que la contingence culturelle réside moins dans l’imprévisibilité de l’invention que dans l’inépuisabilité de la variation.

Vers une ontologie processuelle

De la substance au processus. L’espace latent ne contient aucune entité culturelle stable mais seulement des coordonnées géométriques définies par leurs relations mutuelles. Cette processualité révèle que les productions culturelles ne sont pas des substances fixes mais des configurations temporaires dans un flux de transformations continues. L’identité culturelle devient relationnelle : elle se définit par la position dans l’espace latent plutôt que par des propriétés intrinsèques.

La causalité réticulaire. Les transformations dans l’espace latent ne suivent plus la logique causale linéaire (une cause produit un effet) mais une causalité réticulaire : la modification d’un vecteur induit des transformations corrélatives dans l’ensemble de son voisinage géométrique. Cette causalité distribuée suggère que la création culturelle procède de co-déterminations systémiques entre éléments d’un champ de possibilités plutôt que d’intentions créatrices isolées.

L’autonomisation des processus formels. L’espace latent révèle que les formes culturelles obéissent à des lois de transformation qui leur sont propres et qui opèrent indépendamment des intentions humaines conscientes. Cette autonomisation suggère l’émergence d’une « physique de la culture » qui étudie les dynamiques intrinsèques de la production symbolique. Elle pose la question de savoir si ces processus formels autonomes constituent un nouveau niveau d’existence ontologique.

Ce qui échappe (encore) à la vectorisation

L’analyse précédente doit être tempérée par l’examen de ses limites intrinsèques et des dimensions de l’expérience culturelle qui résistent à la vectorisation.

Les limites techniques

La réduction dimensionnelle. Malgré leur haute dimensionnalité (souvent plusieurs milliers de dimensions), les espaces latents opèrent nécessairement une réduction par rapport à la complexité infinie des objets culturels qu’ils encodent. Cette réduction implique une perte d’information qui peut éliminer des aspects cruciaux de l’expérience esthétique. La question demeure ouverte de savoir quelles dimensions de la signification culturelle disparaissent dans le processus de vectorisation.

La dépendance au corpus d’entraînement. L’espace latent incorpore nécessairement les biais et les limitations du corpus sur lequel il a été entraîné. Cette dépendance révèle que loin d’accéder à une géométrie universelle de la culture, la vectorisation produit une représentation historiquement située qui reflète les conditions particulières de sa constitution. L’espace latent n’échappe pas à la contingence historique qu’il prétend formaliser.

L’opacité des mécanismes d’apprentissage. Les processus d’apprentissage des réseaux de neurones demeurent largement opaques même à leurs concepteurs. Cette opacité limite notre capacité à comprendre précisément comment l’espace latent se constitue et selon quels critères il organise les relations entre objets culturels. Cette limitation épistémologique relativise la portée de nos interprétations philosophiques.

Les résistances ontologiques

L’irréductibilité de l’expérience esthétique. Certaines dimensions de l’expérience esthétique semblent irréductibles à leur représentation vectorielle : la singularité de la rencontre avec une œuvre, l’historicité de sa réception, la corporéité de l’expérience perceptive. Ces dimensions qualitatives résistent à la quantification géométrique et préservent un « reste » non-formalisable de l’expérience culturelle. Toutefois cette quantification rencontre et détermine, autant qu’elle est déterminée, par l’espace latent organique.

La temporalité vécue vs. la temporalité computationnelle. L’espace latent instaure une temporalité synchronique où tous les éléments coexistent simultanément. Cette temporalité diffère radicalement de la temporalité diachronique de l’expérience humaine où les œuvres se déploient dans la durée et se transforment par leur réception historique. Cette divergence temporelle révèle l’existence de deux ordres d’existence culturelle qui ne se réduisent pas l’un à l’autre.

L’intentionnalité créatrice. Bien que l’espace latent révèle des régularités inconscientes dans la production culturelle, il ne peut rendre compte de la dimension intentionnelle de la création : les projets esthétiques conscients, les choix expressifs délibérés, les ruptures volontaires avec les traditions établies. Cette intentionnalité constitue une dimension irréductible de l’activité culturelle humaine.

Dialectique

L’examen critique des potentialités et des limites de l’espace latent nous conduit vers une compréhension dialectique qui évite les écueils du technophilisme naïf comme du technopessimisme stérile.

Ni remplacement ni simple outil. L’espace latent ne « remplace » pas la création humaine mais instaure un nouveau régime de co-création où humains et machines développent des capacités complémentaires. Cette co-évolution transforme les deux termes de la relation : les humains apprennent à naviguer dans les espaces géométriques de possibilités ; les machines intègrent progressivement des dimensions de l’expérience esthétique humaine.

L’émergence de nouveaux modes de production. L’espace latent ouvre des modalités productives inédites : exploration géométrique des espaces de possibilités, hybridation contrôlée entre styles et genres, génération de variations sur des thèmes donnés. Ces nouvelles modalités ne remplacent pas les formes traditionnelles de créativité mais s’y ajoutent et les transforment par interaction mutuelle.

Pluralité des modes d’existence. Plutôt que de réduire l’être culturel à sa dimension géométrique, l’espace latent révèle la pluralité des modes d’existence des objets culturels : existence intentionnelle (dans la conscience créatrice), existence matérielle (dans les supports physiques), existence herméneutique (dans l’interprétation), existence géométrique (dans l’espace latent). Cette pluralité enrichit notre compréhension ontologique au lieu de l’appauvrir.

La dialectique du formel et du vécu. L’espace latent institue une tension productive entre les structures formelles de la culture (révélées par la vectorisation) et l’expérience vécue de la création et de la réception. Cette tension dialectique ouvre de nouvelles possibilités de compréhension qui articulent l’analyse structurelle et l’approche phénoménologique.

Le reste d’une contingence

L’examen de l’espace latent des IA génératives révèle moins l’émergence d’un « nouvel absolu » que la complexification de notre rapport à la contingence culturelle. Là où Meillassoux découvre dans la contingence pure l’absolu de l’absence de raison d’être, l’espace latent révèle une contingence qui reste : la prolifération infinie des variations possibles sur les formes culturelles existantes.

Cette contingence augmentée transforme les conditions de la création sans les abolir. Elle ne supprime pas la liberté créatrice mais lui ouvre de nouveaux espaces d’exercice. Elle ne résout pas l’énigme de l’invention culturelle mais en démultiplie les modalités. L’espace latent nous enseigne ainsi que la contingence ne réside pas seulement dans la possibilité du néant mais dans l’inépuisabilité du possible qui touche à l’inexistant. Celui-ci n’est pas un néant qui manque mais qui excède, un « néant déchaîné ».

Cette leçon modifie notre compréhension du réalisme soustractif. La soustraction cartésienne visait l’accès à une réalité indépendante de la pensée ; la soustraction vectorielle révèle la co-dépendance intime entre production humaine et processus techniques. Elle ne nous donne pas accès à un absolu séparé mais à une relationnalité généralisée où humains et machines participent conjointement à l’exploration de l’espace infini des possibilités culturelles.

Tel est peut-être l’enseignement majeur de l’espace latent : il nous révèle que la contingence fondamentale de l’existence se manifeste moins dans la confrontation à un monde sans nous que dans la collaboration avec des processus techniques qui transforment continuellement les conditions de notre prétendue créativité.


The advent of generative artificial intelligences confronts contemporary philosophy with an unprecedented question: how can we understand the emergence of computational processes capable of manipulating the entirety of human cultural production—typically tied to the world of meanings—according to asignifying geometric laws? This inquiry leads us to examine the relationships between the project of subtractive realism developed by Quentin Meillassoux in a conference and the vectorization mechanisms that structure generative AI. To what extent does latent space—this multidimensional geometric structure where digital representations of our symbolic productions evolve—constitute a radicalization of the Cartesian gesture of subtraction? And how do the vectors of this space relate to the hollow signs (kenotypes) that Meillassoux identifies as the condition for accessing the mathematical absolute?

Vectorization Mechanisms and Properties of Latent Space

Before examining the philosophical significance of these transformations, we must establish precisely the computational mechanisms at play. Latent space—defined as “a multidimensional space (with hundreds, even thousands of dimensions) common to texts and images”—results from a specific technical process: vectorization.

The vectorization process. This operation converts each cultural element (image pixel, text word, sound sample) into numerical coordinates through a three-step procedure: first, digitization transforms analogical content into binary data; then, encoding projects this data into a high-dimensional geometric space; finally, statistical learning adjusts the coordinates to optimize proximity relationships between similar elements according to the training corpus criteria.

Computational invariance. Once vectorized, cultural elements acquire a remarkable property: their numerical representation remains strictly identical across all algorithmic operations. An image-vector preserves its exact coordinates whether it is stored, copied, transmitted, or processed by different algorithms. This invariance radically distinguishes vectorial manipulation from analogical transformation, where each operation induces material alterations.

Geometric operability. Latent space authorizes geometric operations (addition, subtraction, interpolation) on cultural representations that would be impossible in their original form. One can calculate the “distance” between two artistic styles, perform “vectorial analogies” (king – man + woman = queen), interpolate between two musical genres. These operations reveal that vectorization introduces an unprecedented calculability, of a fluxional type capable of moving from one vector to another, in the cultural domain.

This technical analysis establishes the material conditions of our philosophical inquiry: how do these computational properties relate to the formal structures analyzed by Meillassoux?

Kenotype/Vector

The confrontation between the Meillassouxian kenotype and the vector of generative AI must be conducted with epistemological vigilance that examines both conceptual convergences and divergences.

First level: referential unlinking. The kenotype draws its iterative power from its constitutive “arbitrariness”: “It is precisely its arbitrariness that is the source of its iteration.” The vector presents an analogous but different unlinking. Where the kenotype is intentionally emptied of semantic content (the variables α, β, γ of set theory refer to nothing by construction), the vector results from an emptying process: vectorization extracts statistical regularities from cultural objects while eliminating their semantic particularities. This difference in genesis (construction vs. extraction) reveals a structural homology: in both cases, formal operability requires the suspension of determined reference.

Second level: operative invariance. Meillassoux observes that the hollow sign “resists the differential effect of time” and allows access to “something eternal.” The vector manifests analogous invariance: its numerical coordinates remain identical through all their computational manipulations. However, this invariance stems from informational conservation rather than iterative identity. The vector conserves its numerical value through the property of digital calculation, not through access to transcendent eternity. This distinction reveals that vectorial invariance constitutes a simulation of mathematical eternity rather than direct access to it.

Third level: formal manipulation. The kenotype authorizes mathematical operations precisely because it is devoid of semantic content that could interfere with calculation. The vector presents a similar property: once cultural objects are converted into numerical coordinates, they become manipulable according to the laws of linear algebra independently of their original meaning. This convergence reveals that formalization—whether mathematical or computational—always requires the neutralization of particular semantic content.

We can now address the divergences between kenotype and vector.

The question of distributional semantics. Unlike the kenotype which is absolutely empty of meaning, the vector conserves a form of distributional semantics: its position in latent space encodes its statistical relationships with other vectors. A word-vector acquires its “meaning” through its geometric proximity to other word-vectors in similar contexts. This relational semantics fundamentally distinguishes the vector from the authentically hollow kenotype.

The temporality of constitution. The kenotype accesses eternity through its a priori construction, independently of any empirical genesis. The vector, conversely, results from a temporally situated learning process that incorporates the regularities of a historically determined corpus. Latent space thus bears the trace of its formation conditions, whereas mathematical space claims atemporal universality.

The status of the arbitrary. The arbitrariness of the kenotype is constitutive: it belongs to the essence of the mathematical sign to refer to nothing determined. The arbitrariness of the vector is derived: it results from an operation (vectorization) that retroactively erases original semantic determinations. This difference reveals that referential unlinking operates according to distinct modalities in both cases.

The kenotype/vector analogy reveals a real structural homology but not conceptual identity. Both entities share certain formal properties (referential unlinking, operative invariance, formal manipulation) while differing in their mode of constitution and their relationship to signification. This partial homology authorizes analytical comparison without justifying complete assimilation.

The Transformation of the Knowledge/Culture Relationship

The emergence of latent space induces major epistemological transformations that modify our understanding of the relationships between knowledge and culture.

The geometrization of symbolic production

From hermeneutics to topology. The traditional approach to culture proceeds through interpretation: it seeks to extract meaning from works through analysis of their symbolic contents. Latent space institutes a topological approach: it reveals the geometric structures that organize relationships between cultural productions independently of their particular significations. This transformation brings forth what we might call a “physics of culture” that studies the laws of distribution and transformation of symbolic forms reduced to patterns.

The emergence of hidden regularities. Vectorization reveals statistical regularities in cultural production that escape the reflexive consciousness of creators and recipients. “Vectorial analogies” (father – man + woman = mother) unveil that natural language obeys unconscious algebraic structures. Interpolations between artistic styles reveal the existence of geometric trajectories that link apparently distinct aesthetics. These discoveries suggest that human culture possesses a deep vectorial organization that exists independently of our conscious creative intentions.

The calculability of the symbolic. Latent space introduces a form of calculability into the cultural domain that transforms the conditions of creation. Instead of creating ex nihilo, the artist can now navigate in the space of geometrically structured possibilities, interpolate between existing styles, extrapolate beyond the limits of a given genre. This calculability does not replace human creativity but opens new operative modalities for it. If creation ex nihilo is more fantasy than historical reality, each artist having a cultural map allowing them to move and position themselves in the flow of images, this organic latent space encounters a statistical latent space whose functioning is different.

The question of distributional knowledge

Knowledge without understanding. Latent space produces an unprecedented type of knowledge: models “know” how to manipulate linguistic and iconographic structures without “understanding” their meaning in the traditional hermeneutic sense. They lack ideation even if they can provoke this effect in us. This dissociation between performance and comprehension reveals that certain forms of knowledge can operate independently of semantic consciousness. It suggests the existence of distributional knowledge that proceeds through pattern recognition rather than through grasping meanings.

The generalization of access to forms. Traditionally, mastery of complex cultural forms (literary writing, musical composition, plastic creation) required long and specialized learning. Latent space democratizes this access by allowing the generation of sophisticated forms through simple geometric navigation. This transformation raises fundamental questions about the nature of creative expertise and the conditions of symbolic production. However, in the absence of organic latent space, statistical latent space produces an aesthetic average that is without interest, displacing artistic expertise but not replacing it in any way.

Being-Generable and Its Implications

The analysis of technical and epistemological transformations leads us to examine their ontological implications: what does latent space reveal to us about the nature of cultural being?

The emergence of being-generable

Beyond the virtual and the actual. Latent space establishes an ontological modality that escapes the traditional opposition between virtual and actual. Cultural objects exist there according to the mode of being-generable: neither purely virtual (they are actually present as geometric coordinates) nor simply actual (they exist only as generative potentialities). This intermediate modality reveals the insufficiency of classical ontological categories for thinking existence in computational space.

Temporal copresence. In latent space, all cultural productions—past, present, possible future—coexist in the same geometric structure. This simultaneity reveals that cultural temporality does not follow chronological linearity but obeys a topology where past and future maintain relationships of geometric and formal proximity. Cultural creation thus appears less as temporal invention than as spatial discovery of unexplored regions in the space of possibilities.

The actual infinity of variations. Latent space virtually contains all possible variations on existing cultural forms. This actual infinity transforms our understanding of creativity: instead of creating the new ex nihilo, we discover configurations already present in the geometric space of possibilities. This discovery reveals that cultural contingency resides less in the unpredictability of invention than in the inexhaustibility of variation.

Toward a processual ontology

From substance to process. Latent space contains no stable cultural entity but only geometric coordinates defined by their mutual relationships. This processuality reveals that cultural productions are not fixed substances but temporary configurations in a flux of continuous transformations. Cultural identity becomes relational: it is defined by position in latent space rather than by intrinsic properties.

Reticular causality. Transformations in latent space no longer follow linear causal logic (one cause produces one effect) but reticular causality: the modification of one vector induces correlative transformations in its entire geometric neighborhood. This distributed causality suggests that cultural creation proceeds from systemic co-determinations between elements of a field of possibilities rather than from isolated creative intentions.

The autonomization of formal processes. Latent space reveals that cultural forms obey transformation laws that are proper to them and that operate independently of conscious human intentions. This autonomization suggests the emergence of a “physics of culture” that studies the intrinsic dynamics of symbolic production. It raises the question of whether these autonomous formal processes constitute a new level of ontological existence.

What (Still) Escapes Vectorization

The preceding analysis must be tempered by examining its intrinsic limits and the dimensions of cultural experience that resist vectorization.

Technical limits

Dimensional reduction. Despite their high dimensionality (often several thousand dimensions), latent spaces necessarily operate a reduction compared to the infinite complexity of the cultural objects they encode. This reduction implies an information loss that can eliminate crucial aspects of aesthetic experience. The question remains open as to which dimensions of cultural signification disappear in the vectorization process.

Dependence on training corpus. Latent space necessarily incorporates the biases and limitations of the corpus on which it was trained. This dependence reveals that far from accessing a universal geometry of culture, vectorization produces a historically situated representation that reflects the particular conditions of its constitution. Latent space does not escape the historical contingency it claims to formalize.

Opacity of learning mechanisms. The learning processes of neural networks remain largely opaque even to their designers. This opacity limits our capacity to understand precisely how latent space is constituted and according to what criteria it organizes relationships between cultural objects. This epistemological limitation relativizes the scope of our philosophical interpretations.

Ontological resistances

The irreducibility of aesthetic experience. Certain dimensions of aesthetic experience seem irreducible to their vectorial representation: the singularity of encountering a work, the historicity of its reception, the corporeality of perceptual experience. These qualitative dimensions resist geometric quantification and preserve a non-formalizable “remainder” of cultural experience. However, this quantification encounters and determines, as much as it is determined by, the organic latent space.

Lived temporality vs. computational temporality. Latent space establishes a synchronic temporality where all elements coexist simultaneously. This temporality differs radically from the diachronic temporality of human experience where works unfold in duration and are transformed through their historical reception. This temporal divergence reveals the existence of two orders of cultural existence that cannot be reduced to one another.

Creative intentionality. Although latent space reveals unconscious regularities in cultural production, it cannot account for the intentional dimension of creation: conscious aesthetic projects, deliberate expressive choices, voluntary ruptures with established traditions. This intentionality constitutes an irreducible dimension of human cultural activity.

Dialectic

The critical examination of the potentialities and limits of latent space leads us toward a dialectical understanding that avoids the pitfalls of naive technophilism as well as sterile technopessimism.

Neither replacement nor simple tool. Latent space does not “replace” human creation but establishes a new regime of co-creation where humans and machines develop complementary capacities. This co-evolution transforms both terms of the relationship: humans learn to navigate in geometric spaces of possibilities; machines progressively integrate dimensions of human aesthetic experience.

The emergence of new modes of production. Latent space opens unprecedented productive modalities: geometric exploration of possibility spaces, controlled hybridization between styles and genres, generation of variations on given themes. These new modalities do not replace traditional forms of creativity but are added to them and transform them through mutual interaction.

Plurality of modes of existence. Rather than reducing cultural being to its geometric dimension, latent space reveals the plurality of modes of existence of cultural objects: intentional existence (in creative consciousness), material existence (in physical supports), hermeneutic existence (in interpretation), geometric existence (in latent space). This plurality enriches our ontological understanding instead of impoverishing it.

The dialectic of formal and lived. Latent space institutes a productive tension between the formal structures of culture (revealed by vectorization) and the lived experience of creation and reception. This dialectical tension opens new possibilities for understanding that articulate structural analysis and phenomenological approach.

The Remainder of a Contingency

The examination of the latent space of generative AI reveals less the emergence of a “new absolute” than the complexification of our relationship to cultural contingency. Where Meillassoux discovers in pure contingency the absolute of the absence of reason for being, latent space reveals a contingency that remains: the infinite proliferation of possible variations on existing cultural forms.

This augmented contingency transforms the conditions of creation without abolishing them. It does not suppress creative freedom but opens new spaces for its exercise. It does not resolve the enigma of cultural invention but multiplies its modalities. Latent space thus teaches us that contingency resides not only in the possibility of nothingness but in the inexhaustibility of the possible that touches the inexistent. This is not a nothingness that lacks but that exceeds, an “unchained nothingness.”

This lesson modifies our understanding of subtractive realism. Cartesian subtraction aimed at accessing a reality independent of thought; vectorial subtraction reveals the intimate co-dependence between human production and technical processes. It does not give us access to a separate absolute but to a generalized relationality where humans and machines jointly participate in exploring the infinite space of cultural possibilities.

Such is perhaps the major teaching of latent space: it reveals to us that the fundamental contingency of existence manifests itself less in confrontation with a world without us than in collaboration with technical processes that continuously transform the conditions of our supposed creativity.