Autolimitation de la contingence fictionnelle

La fiction sans narration (FsN) change mais semble se répéter. Son changement n’est pas un pur chaos. Sa répétition n’est pas identité à soi. Ce qui se répète est la variance.

La fiction variable présente un monde contingent dont le caractère chaotique n’est pas absolu parce que cette contingence si elle exclue la loi n’exclue pas le programme comme effet de l’autolimitation immanente de la contingence. Le programme informatique diffère de la loi parce que sa complexité peut dépasser notre anticipation (par exemple quand un ordinateur boursier défie la loi en suivant le programme). Avec la loi on sait à quoi s’attendre, on en connaît le contenu et l’ordre. Le programme par contre a un contenu qui n’est pas encore actualisé et qui tout comme sa forme peut varier. C’est un jeu d’instructions complexes qui a la différence de la loi n’est pas une signification déterminée. Il est soumis à des règles quant à la genèse de son opérativité mais non quant à son résultat factuel.

Un programme n’est pas aléatoire mais contingent. Pour que contingence il y est, il faut que A soit différent de B. Si A est B, si A intègre d’avance B, alors A ne peut pas varier. Sans dehors de A, sans autre que A, alors A peut être n’importe quoi, il peut être tout, donc il n’est pas A comme singularité. La contingence suppose la singularisation qui implique une autolimitation de la contingence pour que des singularités existent. La contingence à fréquence élevée de changement est un monde dans lequel tout serait identique à tout. La contingence de la FsN produit une régularité hors-la-loi (out of order) de par son individuation autolimintante.

La FsN contient des variables (n+1) comme fondement de la programmation, de la variation comme effet de surface (la fiction change) et de la variabilité comme effet esthétique (sentiment instable et incertain). La variance est quant à elle le mode ontologique et existentiel qu’on peut nommer existential, de ces trois éléments de la FsN qui explore un monde qui est contingent mais non-chaotique peuplé d’êtres humains opaques à eux-mêmes et qui n’en finissent avec rien. La FsN diffère de la fiction narrative classique cinématographique par exemple parce que celle-ci contient toujours un loi qui est celle du destin : le défilement de la pellicule sur lequel se synchronise partiellement le flux de notre conscience est le défilement d’un temps irrémédiable qui est celui là même des existences racontées. Les personnages dans la fiction narrative ne peuvent pas échapper à leur destin. La variance n’est pas quant à elle de la forme du clinamen, pente imprévisible qui varie autour d’une loi. Il n’y a pas de loi si ce n’est celle de la contingence. La variance est sans loi parce que la conjonction du signe asémantique de la variable, de la variation fictionnelle et de la variabilité esthétique, produit un feedback à la puissance 3 chaque élément se mettant en boucle avec les autres.

Le flux n’est pas une variation autour du pivot de la loi, de simples turbulences qui laisseraient le monde et son ordre intacts. Le flux est contingence qui ne laisse intacte ni la loi ni le chaos. Le flux a été occulté dans sa variation fondamentale et c’est pourquoi il a été le plus souvent envisagé comme changement permanent, écoulement continu, alors même que pour qu’il y ait flux il faut qu’il varie, qu’il soit abondant et pauvre, continu et discontinu, humide et sec, etc. C’est cette variation elle-même qui forme le flux et non la forme particulière factuelle qu’il prend (dans son excès par exemple). La FsN du fait de la jonction qu’elle ouvre entre changement et répétition différentielle est un flux dont l’esthétique est la nécessité de l’incertitude.