Quand l’art et l’IA inventent la ville – Le Parisien
A l’occasion du festival Un Eté au Havre (Seine-Maritime), l’artiste franco-canadien Grégory Chatonsky a accroché une série d’impressions numériques de 10 m de haut sur le pignon de 25 immeubles dans la ville. Un travail réalisé en collaboration avec… une intelligence artificielle.
Grégory Chatonsky a créé un Havre imaginaire en collaboration avec une intelligence artificielle.
Grégory Chatonsky a créé un Havre imaginaire en collaboration avec une intelligence artificielle.
Par Laurent Derouet
Parmi la pléiade de créateurs contemporains invités dans le cadre d’un Eté au Havre (Seine-Maritime), un festival qui s’étend jusqu’au 17 septembre prochain, le franco-canadien Grégory Chatonsky occupe une large place. Au sens littéral du terme. Avec 25 bâches de 10 m de hauteur installées sur des pignons d’immeubles du bailleur social Alcéane, ses créations ne passent pas inaperçues.
« J’avais cette envie d’exposer dans l’espace public depuis très longtemps, assure l’artiste. Et Gaël Charbeau (le nouveau directeur artistique du festival), que je connais depuis plusieurs années, m’a proposé de le faire ici. »
Lui travaille depuis de nombreuses années autour de l’intelligence artificielle (IA) et sur son utilisation dans le domaine artistique et littéraire. Il a d’ailleurs été le premier artiste à avoir coécrit avec une IA un roman en langue française. « Depuis 2009, je m’intéresse à cette question qui depuis quelques mois fait l’actualité. Avec d’ailleurs des messages très contradictoires. Soit c’est la solution à tout. Soit c’est la fin du monde. Alors qu’en fait, c’est un logiciel qu’on alimente de données et d’images et qu’il utilise ensuite pour recréer ce qu’on lui demande. Mais derrière une IA, il y a toujours un homme. »
Pour l’occasion, c’est Le Havre qui sert de matière première à ce nouveau travail qui s’étendra sur trois années. Le passé de la ville tout d’abord, notamment. De la fin du XIXe siècle et jusqu’à sa destruction par les bombes lors de la Seconde Guerre mondiale. En puisant dans la base d’archives municipale, Grégory Chatonsky a donc nourri l’ordinateur de millions de documents pour créer ensuite un Havre imaginaire… qui ressemble un peu à l’ancien.
« Ce qui est intéressant, c’est qu’on ne peut pas diriger totalement une intelligence artificielle car il y a une foule de possibilités en utilisant les mêmes mots. On peut donc avoir une image en tête, sans jamais l’avoir au final. Mais peut-être une autre qui sera tout aussi intéressante. »
Chaque impression numérique évoque un monde industriel, portuaire où la nature a également sa place. Avec en prime des éléments actuels (un clocher, un mur, un immeuble…) qui rappellent chaque quartier. Les échelles et les points de vue changent continuellement. Avec une précision et un nombre de détails impressionnants. « Une histoire se dégage de bâche en bâche, un peu comme une série », assure Grégory Chatonsky qui a dans le même temps préparé 25 000 autres visuels, édités en cartes postales uniques distribuées durant l’été.
« Ce sont des images aussi générées par une IA qui sont en lien avec la ville dans une période courant des années 1950 aux années 1970, après la reconstruction ». Une autre manière de s’approprier un petit morceau de ce Havre imaginaire qui va se laisser découvrir tout au long de l’été. Avant que Grégory Chatonsky ne revienne l’année prochaine pour un retour… vers le futur.