Le retour de la télévision
Il fallait chercher les sites. On faisait des découvertes. Yahoo venait tout juste de commencer à référencer ses trouvailles. On se perdait souvent. On trouvait parfois des merveilles, heureux on revenait d’ailleurs. Nous avons créé des labyrinthes constitués de centaines de pages. On ne voulait pas perdre les gens, on voulait qu’ils se perdent et qu’ils perçoivent l’infinité des possibles. Les chemins étaient multiples. Le Web 2.0 a marqué la fin de tout cela et le début, d’un point de vue artistique, d’un usage du Web fait de brièveté et de facilité : des sites visibles en 15 secondes, colorés et animés, facilement résumables. Mais surtout, ce fut le retour de la télévision, de son rythme et de sa passivité fluxionnelle.
Celle-ci est un flux que l’on allume et qui défile indépendamment de nous, un peu à la manière d’une lumière dont l’objectif serait de capter l’attention (jusqu’à la prochaine publicité). Avec Facebook, le Web a perdu son caractère fragmentaire et est redevenu un flux que l’on regarde de façon quasiment passive. D’ailleurs, dès qu’on allume son ordinateur, on va sur Facebook, comme par défaut, fasciné et tout à la fois dégoûté par ce flux social. On a beau interagir, on est passif, parce que le flux est intégral, il ne s’arrête jamais et lorsqu’on désespère de ne pas avoir de like, c’est une autre manière pour le flux de perdurer et de nous capturer. Chacun dépose des textes et des images, des relation sur des sites gérés par des entreprises privés. Il serait si simple d’avoir son propre nom de domaine.
Il y a avec Facebook quelque chose de la télévision et du flux intégral qui nous rend accroc. Il y a la perte du fragmentaire et de l’infinitude, malgré l’émotion bien réelle d’observer toutes ces singularités et de savoir, à notre tour, que nous en faisons partie. Nous avons été recapturés et le netart des années 2000 apparaîtra comme un moment charmant de l’histoire des hommes.