Spéculation, fiction et anthropotechnologie
L’époque est donc hantée par la fin. Sans doute même le concept d’époque est-il toujours à la jointure entre une procession historique et une suspension (époché) toujours possible. Nous savons combien ce discours de la fin est une conjuration qui appelle de ses voeux ce qui l’effraie (logique de l’enthousiasme conjuratoire). Il y a cet ordre du discours, il y a aussi des phénomènes économiques, écologiques, anthropologiques qui exigent de poser la possibilité d’une extinction matérielle. Ces phénomènes sont chacun à leur manière de l’ordre du flux.
Nous devons spéculer, nous placer à un endroit où nous ne sommes pas afin d’imaginer des possibles futurs, briser donc le défilement régulier des nouvelles. La spéculation est une détérritorialisation esthétique qui oblige à un déplacement de la perception et de la pensée.
La fiction a dans ce contexte un rôle majeur. Elle n’est pas le nom d’un vain voyage, mais l’outil par lequel nous expérimentons la déterritorialisation.
L’anthropotechnologique, c’est-à-dire la boucle rétroactive entre l’être humain et les technologies, est l’impossibilité de distinguer la cause et l’effet, d’isoler un humain originaire indépendant de la technique ou une technique purement autonome. Nous formons la technique comme celle-ci transforme notre perception, notre imagination et notre action. Cette boucle est le terrain opératoire de la spéculation contemporaine et la manière d’ouvrir à nouveaux frais une époché véritable.