Sans nous

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Il s’agira de penser le “sans nous” comme une négativité mais sans négation. Avec Derrida, l’indéconstructible est une injonction. Elle ne relève pas d’un fondement cartésien qui permettrait de guérir du doute radical, mais d’un appel, d’une messianité sans messianisme. Or cet appel reste, d’une façon ou d’une autre, langagier. La négativité sans négation doit déjouer l’alternative entre le matérialisme et le spiritualisme. Elle doit rendre inopérante le sol de ces distinctions même et s’attaquer donc plus radicalement au langage.

Le “sans nous” ne doit pas se transformer en une injonction quasi-éthique qui nous permettrait, par exemple, de répondre à l’appel de la Terre mise en danger par la crise écologique. Le “sans nous” n’est pas simplement une méthode pour nous décaler de notre anthropocentrisme et pour considérer notre environnement (dont nous dépendons). Le “sans nous” est une ontologie remettant en cause toute métaphysique implicite, c’est-à-dire toute différence entre l’Être et l’étant ou entre le factual et le factuel. Il n’y a pas d’Être, il y a les étants. Il n’y a pas de factual, il y a le factuel.

Le “sans nous”est un néant sans nihilisme, c’est-à-dire que le néant n’est pas stabilisé, il n’est pas unique. “Sans nous” ce n’est pas la simple négation de nous. Pour que ce soit “sans nous” il faut un peut-être: peut-être avec nous, peut-être sans nous. Il faut que dans la même événement se tienne et se maintienne éternellement ce peut-être.