Réduction numérique et extension de la perception

Peut-être que l’idée que je développe depuis quelques années de tra(ns)duction constitue-t-elle un modèle réductionniste de perception.

En effet, en programmant World State, je me rend compte que la capacité de traduire un média en un autre média et de garder dans le second des traces de l’individuation du premier, peut être une façon de rendre « sensible » des médias entre eux. Une image répond à une image, à un son, à une amplitude captée. Ainsi, un montage vidéo est relié par tra(ns)duction à des flux d’informations glânés sur Internet. La transduction est ici fonction d’une représentation volontaire (on associe tel mot à telle séquence ou à tel champ de possibilités de montage) tandis que la traduction est fonction d’un langage de programmation.

Le modèle est réductionniste, il ne prétend pas « simuler » des modes de perception humaines dont le champ d’amplitude n’est pas comparable parce qu’une échelle commune fait défaut. Toutefois ce modèle permet de rendre « sensible » des images à un environnement exterme. La seule condition de cette tra(ns)duction est que les deux éléments de la chaîne, qui peut compter bien sûr plus d’éléments, sont d’une manière ou d’une autre du langage. Par exemple des flux RSS et des noms de fichiers que je sémantise.

Ce n’est plus seulement le spectateur qui perçoit, les images agencées et montées percoivent aussi, à leurs manières. La question est de savoir quelle est l’articulation esthétique entre ces deux sensibilités, l’une organique, l’autre programmée et traduite. Cette relation entre deux modes de fonctionnement hétérogènes est déjà à l’oeuvre dans le cinéma par coordination des flux de la conscience et du projecteur qui tous deux défilent. Dans le cas de World State, l’agencement est certes programmée mais sa réalisation est inanticipable car ce qu’on programme c’est un spectre de possibilités pas un montage réalisé et répété. Sans doute entre-t-on ainsi dans un autre mo(n)de esthétique dans lequel la fiction n’est plus un destin mais un possible maintenu comme possible par la séparation entre le programme et son actualisation temporelle.