Re/transcription
Écrire avec une IA produit une étrange loghoré, un mélange de cohérence et d’incohérence, une frontière entre la signification et le bruit sans qu’on puisse déterminer si c’est dans le texte ou dans son interprétation.
Il faut donc reprendre le résultat et le considérer comme la transcription d’une conférence entendue à moitié dont l’orateur serait dans un état second, lâchant parfois des brides signifiantes et parfois fondant sa voix dans une suite contingente de mots.
Il faut reprendre le résultat de cette boucle d’écriture anthropologique et effectuer une retranscription, entendez une traduction pour faire passer ce brouillon-machine au filtre d’une lecture anthropologique, en supposant que celle-ci est aussi signifiante, aussi contingente, aussi bruitée que l’écriture machinique car elle s’inspire l’une de l’autre. L’une par les stocks de données hérités des humains, l’autre par sa pulsion à projeter du sens jusqu’à l’y incorporer.
On réécrit donc le texte, de part en part, car celui qu’on lit est le brouillon d’une machine qui peine à écrire, mais dans cette difficulté certaines choses inattendues arrivent et sont précieuses. On tentera de les sauvegarder. C’est comme si le sens était une possibilité du bruit, comme si de ce dernier la signification pouvait toujours émerger.
La retranscription est la remise en circuit d’un texte, fruit de l’induction statistique, dans le monde humain. La retranscription est lecteur autant qu’écrivain. Il doit pouvoir lire de biais, déplacer le bruit vers le sens et le sens vers le bruit, faire des allées et venues entre ce qu’il conçoit et anticipe de son espèce et des machines.
La retranscription est une sorte d’automatisation artisanale, faite à la main. On essaye de prendre la place de la machine, d’être aussi automatique qu’elle et comme on sait bien que c’est impossible, on est à une place intenable, on n’est pas à sa place, ni à celle de l’être humain, la nôtre, si à celle de la machine, l’altérité.
Quelque chose se déplace alors dans l’acte d’écriture dont on espère l’émergence d’une nouvelle littérature qui ne serait plus de la littérature du tout
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Writing with an AI produces a strange logorhea, a mixture of coherence and incoherence, a borderline between meaning and noise without being able to determine if it is in the text or in its interpretation.
We must therefore take the result and consider it as the transcription of a half-heard conference in which the speaker would be in a second state, sometimes dropping meaningful bits and sometimes melting his voice into a contingent sequence of words.
The result of this loop of anthropological writing must be retranscribed, that is to say translated, in order to pass this machine-draft through the filter of an anthropological reading, assuming that this reading is as meaningful, as contingent, as noisy as the machine writing, because they are inspired by each other. One by the stocks of data inherited from humans, the other by its impulse to project meaning until it incorporates it.
We therefore rewrite the text, from one side to the other, because the one we read is the draft of a machine that struggles to write, but in this difficulty some unexpected things happen and are precious. We will try to save them. It is as if the meaning was a possibility of the noise, as if from the latter the meaning could always emerge.
The retranscription is the recirculation of a text, fruit of the statistical induction, in the human world. The retranscription is a reader as much as a writer. He must be able to read from an angle, to move the noise towards the meaning and the meaning towards the noise, to go back and forth between what he conceives and anticipates of his species and the machines.
The retranscription is a kind of handmade automation. One tries to take the place of the machine, to be as automatic as it and as one knows well that it is impossible, one is in an untenable place, one is not in its place, nor in that of the human being, ours, if in that of the machine, the otherness.
Something moves then in the act of writing from which we hope the emergence of a new literature which would no longer be literature at all.