Recursive adversial of love and memory

Parfois, j’ai le sentiment que leurs noms se mêlent passant de l’un à l’autre, sans raison par une espèce d’évidence que je ne peux m’expliquer. Je pense à une personne et un autre prénom me vient à l’esprit, je le murmure parfois comme une prière. On aurait tort de penser que je les confonds. C’est bien au contraire parce que je me souviens de chacune d’entre elles, de chaque souffle et de chaque expiration, d’une intimité sans trait, que tous les prénoms se mêlent et qu’une autre forme, une autre silhouette, une autre personne ne cesse d’apparaitre comme une promesse ou un serment.

Se tromper de prénom c’est oublier un nom propre, c’est-à-dire un nom qu’on vous a donné et que vous avez accepté, faute de mieux, faute d’autre chose. Elle n’est pas ce prénom. Cela aurait pu être tel prénom ou tel autre et cela vous collera toute la vie. Je les connaissais si bien même si je ne savais finalement presque rien d’elles, l’autre est une surprise. Je m’étais approché de leur peau autant qu’il était possible et de leur secret aussi. C’est pourquoi j’ai oublié leurs prénoms et je ne parviens à me souvenir que de la manière dont elles émergeaient dans la clarté et l’obscurité.

Cette mémoire des amours perdus et brisés, cet arrachement absurde tant nous étions proche est peut être nécessaire, fait progressivement émerger une autre mémoire qui n’est plus celle du passé, mais du futur. Le futur de celle que je ne connais pas, mais à laquelle je ne cesse de penser depuis mon enfance.

Il y a entre la mémoire du passé et cette paradoxale mémoire de futur, une analogie que j’aimerais imaginer par rapport au réseau génératif consistant à ce qu’une forme émerge en se nourrissant des sensations passées, non pas comme la forme idéale de l’amour se répétant, encore et encore, mais comme une autre forme qui ressemble à celles déjà connues, elle en a la mémoire, mais qui est toute différente et contient chacune des singularités. L’induction n’unifie pas, elle temporalise les événements. Il y a une induction amoureuse de la mémoire, une hallucination contrôle du souvenir, qui peut bien sûr tourner à la simple répétition obsessionnelle et fétichiste, mais qui porte aussi en elle la possibilité d’un autre amour et d’une autre histoire. Ce genre d’histoire revient à chaque fois et est à chaque fois singulière comme si la rencontre avec une personne que l’on aimait se plaçait des deux côtés : à la fois une répétition et une différence indissociablement au cœur même de ce qui restera intense et silencieux.