Une place laissée vide

Configurer un vide plutôt que le combler. Ménager des distances plutôt que les parcourir. Ressentir que le néant n’est pas le rien, que le vide ouvre une disponibilité et une contingence. Un monde plein est immobile, chaque chose se presse sur une autre, il n’y a aucun frottement et aucune différence. Le monde du plein est identique à lui-même et paradoxalement il n’est rien. Nécessité sans significativité.
Les lacunes constituent une lagune, c’est-à-dire un esplacement, territoire intermédiaire. Et c’est pourquoi il s’agit moins de sauvegarder la finitude kantienne que témoigner d’une altérité absolue de tout à tout. De l’aure à soi, de soi à l’autre et de soi à soi.
Les appels au sens en art sont les mots d’ordre de la communication qui en comblant les trous ensevelissent la possibilité même de la perception. Ces appels sont aussi ceux de l’immersion, de la totalisation, de l’expérience viscérale et entière. Ils oublient le manque originaire. Ils oublient le silence de ce monde sans nous.