Netsleeping

Économiseur d’écran multiplateforme,
images numériques infrarouge
Aluminium, plexiglas, ordinateur, écran et vidéoprojecteur
Dimensions variables
Réalisé pendant la résidence Les Inclassables à Montréal

 

Netsleeping diffuse des images infrarouges de dormeurs volontaires sur des économiseurs d’écran, synchronisant le sommeil humain documenté avec la mise en veille des machines. Cette œuvre interroge le sommeil à travers un paradoxe qui trouve son écho dans Sleep d’Andy Warhol (1964) et les analyses de Jonathan Crary sur le capitalisme 24/7.

Là où Warhol filmait John Giorno durant cinq heures vingt-et-une minutes dans une entreprise contemplative anti-filmique, résistant à l’économie de l’attention par sa durée insoutenable, Netsleeping fragmente et disperse le sommeil en milliers d’images collectées et mises en circulation. Cette mutation révèle un changement de régime temporel : du temps long warholien à la temporalité fragmentée du flux numérique.

Le projet expose une tension essentielle identifiée par Crary : le sommeil demeure “une interruption sans compromis du vol de temps que nous fait subir le capitalisme”, un moment où “rien de valeur ne peut être extrait”. Pourtant, Netsleeping documente précisément cette extraction, transformant le sommeil en contenu distribuable. Les caméras infrarouges — technologies militaires reconverties — rendent visible ce qui devrait rester obscur, niant la protection traditionnelle de l’obscurité.

L’extension envisagée avec des dormeurs israéliens et palestiniens résonne avec l’analyse de Crary sur les raids nocturnes militaires visant à “détruire l’intervalle partagé collectivement du sommeil”. Sans cette brutalité, Netsleeping expose néanmoins le sommeil à une surveillance consensuelle qui dissout ses protections habituelles.

L’œuvre oscille entre deux gestes contradictoires : rendre visible la persistance obstinée du sommeil comme résistance aux “forces irrésistibles de la modernisation”, tout en participant à sa colonisation visuelle. Entre l’anti-film warholien et le régime permanent de surveillance 24/7, Netsleeping occupe un espace ambigu où la visibilité collective du sommeil pourrait simultanément documenter sa fragilité et contribuer à son érosion.



Netsleeping displays infrared images of voluntary sleepers on screensavers, synchronizing documented human sleep with machine standby mode. This work interrogates sleep through a paradox that echoes Andy Warhol’s Sleep (1964) and Jonathan Crary’s analyses of 24/7 capitalism.

Where Warhol filmed John Giorno for five hours and twenty-one minutes in a contemplative, anti-filmic enterprise, resisting the attention economy through its unbearable duration, Netsleeping fragments and disperses sleep into thousands of collected and circulated images. This mutation reveals a shift in temporal regime: from Warholian long-duration to the fragmented temporality of digital flow.

The project exposes an essential tension identified by Crary: sleep remains “an uncompromising interruption of the theft of time from us by capitalism,” a moment when “nothing of value can be extracted.” Yet Netsleeping precisely documents this extraction, transforming sleep into distributable content. Infrared cameras—reconverted military technologies—render visible what should remain obscure, negating the traditional protection of darkness.

The envisioned extension with Israeli and Palestinian sleepers resonates with Crary’s analysis of military night raids aimed at “shattering the communally shared interval of sleep.” Without such brutality, Netsleeping nonetheless exposes sleep to consensual surveillance that dissolves its habitual protections.

The work oscillates between two contradictory gestures: making visible the stubborn persistence of sleep as resistance to the “irresistible forces of modernization,” while simultaneously participating in its visual colonization. Between Warhol’s anti-film and the permanent 24/7 surveillance regime, Netsleeping occupies an ambiguous space where the collective visibility of sleep could simultaneously document its fragility and contribute to its erosion.