Mathématiques de la terreur et programme politique

Le programme semble suivre un déroulement inéluctable. Il passe sous nos yeux sans que nous puissions rien faire. Nous ne cessons de le voir depuis le 11 septembre 2001. Nous le connaissons  :  attentats, limitation des libertés, accentuation d’une menace diffuse, etc. Nous connaissons son fonctionnement depuis 15 ans. Des livres ont été écrits, des conférences prononcées, et un certain consensus a même émergé critiquant le tour de passe-passe entre sécurité et liberté des démocraties représentatives.

Pourtant, le gouvernement s’y engage sans état d’âme : « guerre totale », « extermination », « barbares ». La rhétorique est connue et les critiques qui s’élèvent semblent faibles et comme datées. Elles ne remettent pas en cause le consensus (plus de 90 %) sur les mesures sécuritaires qui s’attaquent à des militants écologiques et de gauche non gouvernementale.

Nous sommes désemparés, car nous avons le sentiment de ne pouvoir rien faire face à ce programme implacable qui prépare le terrain au FN. Nous avions anticipé leur arrivée au pouvoir comme une rupture brutale par rapport au régime normal de la démocratie, mais il se pourrait bien que le glissement de l’un à l’autre soit progressif et que tout soit déjà en place lors de leur victoire. Ce gouvernement n’est pas notre gouvernement, même si ses décisions sont prises pour nous. Nous ne sommes donc plus citoyens, plus rien ne nous représente.

Le programme de la terreur et de la sécurité se présente comme nécessaire, presque naturel. Il est linéaire, suit des étapes chronologiques. Les critiques post-11 septembre n’avait de prises que sur les concepts, pas sur l’effectivité sécuritaire.

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La source de la marche forcée est double. Il y a d’une part le protocole de la souveraineté et d’autre part la mathématique de la terreur. La contingence est la force motrice de cette relation.

La souveraineté américaine après le 11 septembre fut refondée sur le réseau. Celui-ci n’est pas une décentralisation rhizomatique, mais consiste à rendre compatible plusieurs réseaux entre eux selon un protocole, un métalangage, qui les coordonnent. Le protocole est une opération dénuée de sens antérieur aux éléments mis en relation et qui les produit. C’est le principe même de la mondialisation, son effectivité. Les USA ont créé une souveraineté à l’apparence décentralisée et horizontale. Le programme du protocole est autonome : « Suivre le protocole ». Il permet de remplacer l’intentionnalité par un ordre programmatique et juridique.

La mathématique de la terreur est la relation disproportionnée entre le nombre de victimes réelles et potentielles et le petit nombre de terroristes. Un minuscule groupe passe à l’acte et terrorise un grand groupe. On se « rassure » en se disant que ce passage à l’acte est virtuellement présent dans un plus grand nombre, mais on se trompe. Au regard de l’efficacité de cette influence, on peut être étonné que ceci n’arrive pas plus souvent, car il y aura toujours un petit nombre prêt à mourir. Le rapport de force entre la majorité et l’extrême minorité est renversé. Si cela n’arrive pas plus souvent, c’est que l’usage de la terreur par un groupe restreint a besoin de conditions non quelconques qui sont fondées sur des dimensions géopolitiques, psychologiques, historiques, etc. Donc le petit nombre est lié à un plus grand nombre.

C’est cette disproportion entre la cause et l’effet qui permet de mieux comprendre la mathématique à l’œuvre dans la terreur et la sécurisation des sociétés occidentales. Le risque est immense, mais sa source est infime, de sorte que pour empêcher cet infime on touche à la majorité, on prive de liberté des groupes plus étendus (la gauche, l’écologie) qui n’ont aucun rapport avec le petit groupe de la terreur. Cette absence de rapport idéologique montre que le rapport est simplement numérique : passer du petit au grand afin de pouvoir faire des statistiques et rationaliser la menace et par là même la sécurité. Ainsi on réalise le seul véritable programme, celui de la terreur, et les prétendus démocraties représentatives deviennent l’ennemi qu’elles agitent.