Les choses que je suis

Au fil d’une discussion sur Facebook le ton s’envenime. Je l’ai bien cherché. Comme à mon habitude, je suis resté poli, mais ferme. J’ai exprimé mes idées de façon articulées et sans doute ai-je placé mon interlocuteur dans une situation d’impasse dont la seule sortie possible est l’agressivité. On me rétorque que je suis stupide, que je suis un faux-artiste et un vrai-capitaliste, bref que je ne vaux rien. Je sens à distance, même sur le réseau, la colère en face de moi, les décharges d’énergie négative, et bien sûr, il faut l’avouer, cela me touche. Je réponds, je me justifie, je m’explique. Je lui dis que tout de même je veux bien discuter avec lui, mais qu’il faut regarder les choses en face. Je suis bête sans doute, mais j’ai écrit et publié quelques textes. Je suis un faux-artiste, mais j’ai quelques œuvres à mon actif. Bref, je fais dans le quantitatif et la preuve objective. J’ai envie de lui dire de regarder ou de lire, de se confronter à la réalité. Bien sûr tout cela est absurde parce que mon interlocuteur a bien le droit de penser ce qu’il veut, et en particulier qu’il est plus intelligent et meilleur artiste que moi même si cela semble défier toute preuve. Après tout, je me surprends à penser aussi cela de moi selon une vulgarité inhérente à mon identité. C’est si médiocre que de croire qu’on est plus que l’autre alors que chacun a ses raisons, ses succès et ses échecs, ses désirs et ses intensités. Alors, comment parler du creux de ces différences qu’aucun jugement ne vient surplomber ? Mais je continue à me surprendre à penser à ces choses objectives que j’ai réalisées au fil des années, des textes et des images, des expositions, des vidéos et des installations. Je me dis que mit bout à bout cela fait une œuvre dont certains se sont inspirés. Un certain sentiment de satisfaction que ces traces existent au-delà de ma suffisance personnelle et du désir de chacun, de chaque petit moi, de se sentir supérieur. Ce corpus survivra donc à mon corps et rien d’autre n’importe.