(In)finitudes
Il s’agit de produire plus que ce qu’il est possible de percevoir, que ce possible soit fixé par notre capacité d’attention ou même par notre durée de vie. Cette production est générative, elle suppose des traitements automatisés. Dans cet excès, que je nomme l’afflux, il n’y a pourtant nulle possibilité d’immersion. On pourrait penser au premier abord que ces ordres de grandeur en appellent à un infini qui nous dépasse faisant signe d’une surpuissance des machines, mais si on y réfléchit bien ce qui est en jeu est une logique du manque, parce que nous ne percevrons jamais tout. La totalisation est hors de notre portée, et nous n’aurons jamais la preuve d’une totalité réalisée. C’est pour cette raison que la surproduction numérique n’est pas une idéalisation et un infini, mais une quasi-infinitude, c’est-à-dire un décalage entre ce qui est perçu et ce qu’il y a à percevoir. L’infinitude signale une limite et celle-ci, même d’un point de vue spéculatif, est infranchissable : l’autoproduction est un déphasage. L’infinitude est en contact avec notre finitude, elle est un dehors (un réalisme donc) dont l’inacessibilité laisse des traces traumatiques sur notre finitude (une esthétique donc). En nous excentrant, elle est en contact avec l’expérience des conditions de l’expérience, c’est-à-dire avec l’empirisme transcendantal. Voilà ce qui nous affecte dans la générativité numérique, non pas la réalisation d’une ontologie mathématique qui serait une forme de platonisme, mais une poïétique numérique se confrontant aux possibles plutôt qu’à ce qui est réalisé ou réalisable.