Après la production, l’hyperproduction / After production, hyperproduction
Comment produire encore des images, des sons ou toutes autres formes de médias à l’ère de l’hypermnésie ? Un sentiment d’épuisement et de vacuité nous saisit devant l’accumulation sans fin et intégrée à la valeur marchande de tous ces documents sur les réseaux sociaux. Nous nourrissons tous une immense machine en la liant au flux même de notre existence, de notre conscience.
Si nous allons au-delà de la conservation fétichiste de l’activité artistique, qu’on continuerait à valoriser par simple habitude et croyance, une image semble dans ce contexte d’industrialisation de la mémoire une image de plus. Rien de plus.
Alors faut-il et de quelle façon continuer, au-delà de la simple poursuite ?
Il y a la critique. Elle participe à la domination en en faisant son interlocuteur qu’elle met en scène et qu’elle place au-devant de la scène.
Il y a la postproduction pop. Elle est devenue répétitive et inutilement cynique.
Il y a la rétromania. Que sais-je encore ?
Après la production, il y a une zone trouble et incertaine, celle de l’hyperproduction statistique. Car on ne saurait faire table rase de toutes ces données massivement accumulées. On ne peut pas les sélectionner et jouer au DJ de datas. On peut les synthétiser et, par la différence entre l’espace latent des images et celui du langage écrit, produire une nouvelle forme de mémoire, une mémoire de mémoire, une mémoire au second degré.
Il s’agirait de se souvenir à travers le langage en y incorporant d’autres mots, d’autres mémoires, d’autres articulations pour produire des images, nourries par des immenses datasets, c’est-à-dire par les mémoires des anonymes, qui seraient le souvenir de nos souvenirs, de tous nos souvenirs. Chaque fragment de vie porterait de millions de données, à la manière de notre ADN qui garde en mémoire tous nos ancêtres, humains et non-humains.
Il ne s’agit plus d’une postproduction qui vénère la culture et qui croit qu’elle est déjà donnée. Il s’agit d’une seconde fois qui définie les cadres de cette hypermnésie, une mémoire transcendantale si vous voulez qui serait traversée par la technique et dont l’a priori serait donc travaillé par l’a posteriori technique.
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After the production
How can we still produce images, sounds or any other form of media in the era of hypermnesia? A feeling of exhaustion and emptiness seizes us in front of the endless accumulation of all these documents on social networks. We all feed an immense machine by linking it to the very flow of our existence, of our consciousness.
If we go beyond the fetishistic conservation of the artistic activity, which we would continue to value by simple habit and belief, an image seems in this context of industrialization of the memory one more image. Nothing more.
Then is it necessary and in which way to continue, beyond the simple continuation?
There is criticism. It participates in the domination by making its interlocutor whom it puts in scene and that it places in the front of the scene.
There is the pop post-production. It has become repetitive and unnecessarily cynical.
There is retromania. What else do I know?
After production, there is a murky and uncertain zone, that of statistical hyperproduction. For we cannot wipe out all this massively accumulated data. We cannot select them and play data DJ. We can synthesize them and, through the difference between the latent space of images and that of written language, produce a new form of memory, a memory of memory, a memory in the second degree.
It would be a question of remembering through language by incorporating other words, other memories, other articulations to produce images, fed by immense datasets, that is to say by the memories of anonymous people, which would be the memory of our memories, of all our memories. Each fragment of life would carry millions of data, like our DNA that keeps in memory all our ancestors, human and non-human.
It is no longer a post-production that worships culture and believes it is already given. It is a question of a second time that defines the frameworks of this hypermnesia, a transcendental memory, if you like, that would be crossed by the technique and whose a priori would thus be worked by the technical a posteriori.