Gentrification (II)
L’une des critiques les plus courantes adressées aux artistes, à droite comme à gauche et parfois par les artistes eux-mêmes, est celle d’être des agents actifs de la gentrification urbaine. Partant d’analyses anglo-saxonnes, cette idée est devenue un véritable leimotiv qui n’a plus besoin d’être démontrée pour avoir une efficacité. La chose irait de soi : les artistes seraient des agents du capital. Si on retrouve cette idée aussi par rapport au marché de l’art (j’y reviendrais une autre fois), la gentrification artistique a ceci de spécifique qu’elle mélange les causes et les effets, en faisant la promotion d’un moralisme aussi culpabilisateur qu’il est inefficace. La gentrification est un phénomène urbain global, de sorte que tout le monde y est plongé et en constitue une des étapes selon ses revenus. Par contre, il va de soi que quant bien même les artistes (ou une autre catégorie) ne seraient pas à un de ses moments, la gentrification aurait quand même lieu. En effet, de nombreux quartiers se sont gentrifiés sans artiste. Ceux-ci ne sont donc pas des causes, leur participation n’est pas active mais dépend d’une structure qui les englobent. Dès lors, critiquer cette participation c’est imposer aux artistes, non pas d’agir contre la gentrification mais de ne pas en être, quant bien même elle aurait lieu (plutôt sans nous qu’avec nous). En ceci, il s’agit d’un argument puritain et ascétique qui, au nom d’une idée abstraite de la pureté de l’art souverain, impose aux artistes une posture morale plus que politique. Celle politique devrait être impure car elle consiste à être avec.
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One of the most common criticisms of artists, on the right and the left and sometimes by artists themselves, is that they are active agents of urban gentrification. Based on Anglo-Saxon analyses, this idea has become a real leimotiv that no longer needs to be demonstrated to be effective. It is self-evident: artists are agents of capital. If we find this idea also in relation to the art market (I will come back to it another time), artistic gentrification has the specificity of mixing causes and effects, promoting a moralism that is as guilt-inducing as it is ineffective. Gentrification is a global urban phenomenon, so everyone is immersed in it and is in one of its stages depending on their income. However, it goes without saying that even if artists (or another category) were not at one of its stages, gentrification would still take place. Indeed, many neighborhoods have gentrified without artists. Artists are not causes, their participation is not active but depends on a structure that encompasses them. From then on, to criticize this participation is to impose to the artists, not to act against the gentrification but not to be in it, even if it would take place (rather without us than with us). In this, it is a puritanical and ascetic argument that, in the name of an abstract idea of the purity of sovereign art, imposes on artists a moral rather than political posture. The political one should be impure because it consists in being with.