Esthétique des flux (PhD) – UQAM
PhD in Art (UQAM, Canada)
Directrice : Louise Poissant
If the daily use of the « flow » concept is applied to such different contexts as the ecology, immigration, finance and the digital, its definition is uneasy however. There remains a vague feeling of excess, of urgency that seems to put us in danger and at risk of being submerged. A historial analysis of the flow shows its importance in the practical and ideological foundation of Western civilization. A common thread can be traced from the Egyptians to modernity’s threshold from which is drawn a certain “history” of the flow that intersect nature, the body and the technique. In every era, these fields come into dialogue in proportions and forces that determine the spirit of a time. Through this thread, the flows appear to be both powerful and weak, excessive and in default, they can exceed us, but can also run out.
The staging of danger is ambivalent and it crosses the ancient physis by Lucretia who offers, with the Clinamen’s theory, a decisive thought which will then be obscured by mechanical physics. The classic sequence will be that of the bodies incised by bleeding and the Passion of Christ, until the appearance of the animal spirits and the zootechnics, that will open the industrial modernity and its technical organization of the world. A general equivalency principle will take the form of energy and of money that will be at the same time a way of limiting fluxional turbulences and unleash them.
A new era opens with the invention of computers. It seems to bring nature, body and technique through a “black box”, a true universal machine that transforms the flow into data so quickly divided that they become insensitive. A coded and variable world is born, it is networked and courses through individuals using protocols. The incident reveals the tumultuous power of the influxes, of the affluxes and of the refluxes that at any time can stop according to a tempo defining the fluxes’ aesthetic: at the exact moment that we feel, something withdraws.
This aesthetic is at work in Capture, a fictional rock band so productive that no one can listen to everything. By accelerating the productive flow of the consumer society, Capture exceeds our capacities and shows how our networked world is also the one in which the anonymous’ memory is subject to an automatic capture in order to feed the machines. The solitary machine that is Capture joins the crack of our perception and opens the possibility of indistinguishability between human being and machine.
For its part, Telofossils adopts the slowness of the flows until the probable extinction of the human species. It constitutes a speculation on an excavation site of our contemporaneity. What will remain of what we were? The Earth will become the coffin of our waste, exhibiting the dislocation that is at work in all the technicality and, collapsing the whole instrumental references network shows that contingency is already at work and which, collapsing the entire instrumental referrals network, shows that contingency is already at work. The flows are then the source of a critique of the metaphysics on which will prevail no superior or exterior principle. This is a “different” ontology that the West continues to differ, and whose name is perhaps the “ahuman”. There are only the turbulences sweeping an area from which we are absent. The flows reconfigure the aesthetic as if that which is laid without us on a planet returned to its original minerality.
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Si l’usage quotidien de la notion de « flux » s’applique à des contextes aussi différents que l’écologie, l’immigration, l’énergie, la finance, le numérique, sa définition est malaisée. Reste le sentiment confus d’un excès, d’une urgence qui semble nous mettre en danger et risquer de nous submerger. Une analyse historiale des flux en démontrent l’importance dans la fondation pratique et idéologique de la civilisation occidentale. Un fil conducteur peut être tracé des Égyptiens jusqu’au seuil de la modernité par lequel se dessine une certaine « histoire » des flux qui entrecroisent la nature, le corps et la technique. À chaque époque, ces champs entrent en dialogue selon des proportions et des forces qui déterminent l’esprit d’un temps. À travers ce fil, les flux apparaissent à la fois comme puissants et faibles, excessifs et en défaut, ils peuvent nous excéder, mais venir aussi à manquer. La mise en scène du danger est ambivalente et elle traverse la physis antique par Lucrèce qui offre, avec la théorie du clinamen, une pensée décisive qui sera ensuite occultée par la physique mécanique.
La séquence classique sera celle des corps incisés par la saignée et par la Passion du Christ, jusqu’à l’apparition des esprits animaux et de la zootechnique qui ouvrira la modernité industrielle et son organisation technique du monde. Un principe d’équivalence générale prendra la forme de l’énergie et de l’argent qui seront en même temps une manière de limiter les turbulences fluxionnelles et de les déchaîner.
Une nouvelle époque s’ouvre avec l’invention de l’informatique. Elle semble rassembler la nature, le corps et la technique par une « boîte noire », véritable machine universelle qui transforme les flux en données si rapidement divisées qu’elles deviennent insensibles. Un monde codé et variable voit le jour, il est en réseau et parcourt les individus en utilisant des protocoles. L’incident révèle la puissance tumultueuse des influx, des afflux et des reflux qui à tout moment peuvent s’arrêter selon un tempo définissant une esthétique des flux : au moment même où nous sentons, quelque chose se retire.
Cette esthétique est à l’œuvre dans Capture, un groupe de rock fictif si productif que personne ne peut tout écouter. En accélérant les flux productifs de la société de consommation, Capture excède nos capacités et montre combien notre monde en réseau est aussi celui dans lequel la mémoire des anonymes est l’objet d’une capture automatique en vue de nourrir les machines. La machine solitaire qu’est Capture rejoint la fêlure de notre perception et ouvre la possibilité d’une indiscernabilité entre l’être humain et la machine.
Pour sa part, Télofossiles adopte la lenteur des flux jusqu’à l’extinction probable de l’espèce humaine. Elle constitue une spéculation sur un champ de fouilles de notre contemporanéité. Que restera-t-il de ce que nous avons été ? La Terre deviendra le cercueil de nos déchets exhibant la dislocation qui est à l’œuvre dans toute technicité et qui effondrant l’ensemble du réseau de renvois instrumentaux montre que la contingence est déjà à l’œuvre. Les flux sont alors la source d’une critique de la métaphysique sur lesquels ne règnent nul principe supérieur ou extérieur. C’est une « autre » ontologie que l’Occident ne cessa de différer et dont le nom pourrait être l’« ahumain ». Il n’y a plus que les turbulences balayant une surface dont nous sommes absents. Les flux reconfigurent l’esthétique comme ce qui est posé sans nous sur une planète revenue à sa minéralité originaire.