Être un être humain
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L’une des questions posées par le processus de Capture consiste à produire en grand nombre des médias en se basant sur différents services Internet. Si l’idée semble simple, sa réalisation est plus complexe, tant ces services détectent et interdisent une trop grande automatisation au sein de leur API qui loin d’être ouverts sont un moyen de contrôle et de régulation. Les bots ont déjà envahis le réseau et afin de ne pas surcharger leurs services, d’autres bots détectent les bots et les exclus. Cette guerre des automates prend par exemple la forme classique des captchas.
L’un des moyens pour mener à bien l’accélération productive de Capture consiste donc à faire croire aux machines que son origine est humaine. Il ne s’agit là en aucun cas de créer une intelligence artificielle, mais de leurrer les bots-surveillants. Cette question du leurre, qui me semble au fondement de l’informatique (Turing) est complexe tant elle mobilise la trace et son effacement (Lacan, Derrida).
Ainsi, plutôt que d’utiliser les API qui limitent à l’extrême le nombre d’envois, les moyens que j’utilise sont plus simples et artisanaux. Il s’agit de macros, c’est-à-dire de gestes et de clics enregistrés. En reproduisant ainsi la gestualité même d’un être humain et en faisant varier le nombre de scripts et leurs vitesses d’exécution, on parvient à leurrer, quoiqu’imparfaitement, la surveillance des bots.
Ce qui est ici remarquable, comme dans le cas emblématiques des captchas, c’est que le fait d’opérer automatiquement une distinction entre l’être humain et la machine, passe par la gestualité de la main et par la reconnaissance et l’inscription de lettres. La place tout à fait essentielle de la main n’est pas sans rappeler certains textes discutables d’Heidegger sur la langue poétique et la langue technique. Ce qui nous interpelle : Heidegger, comme le soulignait Derrida, parle souvent de la main au singulier pour défendre le langage véritable, alors même que la machine à écrire exige l’usage de deux mains. L’ordinateur nous ramène souvent, pour l’instant, à l’usage d’une main isolée sur une souris. Mais cet usage n’est plus scriptural, il est purement gestuel et sélectif.
Être un être humain, cette répétition sous forme de question (l’es-tu vraiment? Puis-je m’adresser à toi en tant que “tu” alors que moi-même je suis un bot, donc je suis aussi celui que je tente d’exclure ?) trouve dans la manualité un horizon problématique. Qu’est-ce que leurrer l’humanité ? Qu’est-ce que cette mimésis anthropologique ? Quelle est cette lutte des machines entre les bots-mimétiques et les bots surveillants ? Sans doute l’humain ne s’est-il jamais défini que dans cette répétition aperceptive et sans doute celle-ci trouve-t-elle dans la situation actuelle sur le réseau une nouvelle configuration.