Documentation et reproduction

“Archives of the exhibition inside the exhibition.”

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Traditionnellement, la documentation d’une exposition est photographique. Elle a pour objectif de donner une image d’un événement qu’on a pas directement expérimenté. La documentation a pris une importance croissante, car d’une part une exposition a parfois peu de visiteurs et d’autre part elle peut être la source d’autres créations (un artiste s’inspirant d’une œuvre). La documentation appartient au registre du récit de l’art contemporain dont le land art et la performance auront été des révélateurs.

Quand on documente on est bien évidemment conscient qu’il ne s’agit pas d’une reproduction à l’identique de ce qui a eu lieu, car on soustrait et ajoute des éléments : l’original et la copie. La photographie est une seconde expérience constituée à partir d’une expérience primaire dont elle est la trace et la transformation. Par sa dissemblance avec son référent, une autre expérience s’ouvre, interstices que de nombreux artistes ont exploités, par exemple en retouchant l’image pour montrer que l’original était lui-même une copie. Par là, de manière paradoxale, on retrouve l’aura de l’exposition. La documentation ne ressemble pas à l’exposition, celle-ci retrouve sa singularité à force de simulacres.

Par une telle singularisation des expériences documentaires, on questionne sans doute le différentiel de la reproduction : la documentation n’est pas neutre. Cette problématique est ancienne, elle est la photographie elle-même. Mais est-elle capable de questionner les nouveaux registres de la capture numérique ? Est-elle à même de comprendre ce qui arrive par la démultiplication transductive du code ?

Dans Extinct memories à l’IMAL, il s’agit de scanner en 3D l’installation dans l’espace. Par là, on obtient une série de chiffres qui constituent un modèle. Ce dernier peut servir de source pour créer une animation en temps différé ou en temps réel, ou pour produire une impression 3D. Il peut également servir à créer de nouveaux modèles en le modifiant. Ainsi, nous ne sommes plus dans l’horizon d’une reproduction mimétique, mais d’une reproduction différentielle. Qu’est-ce qui distingue ces deux reproductions ?

Dans le cadre de la photographie, et malgré le différentiel de ce procédé, la reproduction reste mimétique : on reconnaît l’original, on s’en fait une image. Tout se passe comme si la reproduction créait un individu qui ressemblait à ses parents sans leur être identique. Avec la numérisation et la capture numérique, l’individu peut être fort différent de ses parents, même si ces derniers ont bien transmis un code génétique. Ce dernier peut être modifié encore et encore, il n’est qu’un commencement.

On comprend par là même la faille que la numérisation entraînera dans la documentation des expositions qui ne sera plus mimétique, mais productive. Par là même la sempiternelle question du “réel” original opposé à un prétendu “non-réel” copié perd sa validité. L’exposition n’est pas l’origine et la documentation n’est pas secondaire. Les deux opèrent sur un mode originairement relationnel et c’est leur relation qui les produit plutôt que l’inverse. Le moment initial n’est pas celui de l’exposition, mais la relation toujours croisée entre l’exposition et sa trace. La différence entre les deux institue l’intensité de leur séparation quand on les considère un à un. Les pratiques consistant à s’inspirer d’une documentation gagnent en originalité quand elles questionnent cette interstice originaire de l’événement et de la trace. On dépasse la question de la documentation photographique par la reproduction numérique : une exposition (ou autre chose) est un point d’émergence permettant l’apparition d’autres événements selon un réseau inanticipable et continué dans le temps. Peut-être faut-il considérer l’exposition non comme une fin ou un climax de l’activité artistique, mais comme un des possibles pour dériver vers d’autres possibles, que ceux-ci soient le résultat de l’activité d’un artiste ou d’un autre. On intègre alors le travail de production et le travail de perception : les visiteurs sont à égale distance du dispositif.

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