Les dernières images / The last images

Ce sont des images d’images, le résultat d’une synthèse inductive de millions de documents accumulés par la numérisation et la mise en réseau tissant de sa logistique les terres, les mers, les villes, les forêts. Elles sont une possible réponse à l’hypermnésie de notre époque, à cette fuite en avant de la mémoire et de son infrastructure à mesure que l’extinction des vivants s’accélère.

Si on les regarde, elles ont quelque chose de surréaliste et pour tout dire de Dali. Elles sont kitchs non par mauvais gout du concepteur, mais elles le sont mécaniquement, pour ainsi dire innocemment, parce qu’en tant qu’induction de multiples images, elles en reproduisent les traits et les couleurs, les formes et les normes, et c’est bien aussi la raison pour laquelle nous les reconnaissons alors qu’elles n’ont jamais existé. Elles ont un air de famille avec tout ce que nous avons déjà vu et tout ce qu’il reste à voir dans l’accumulation des serveurs.

Ce sont les dernières images parce qu’elles sont des images d’images. « Dernières » n’implique pas ici une rareté, mais bien au contraire une prodigalité : leur récursivité n’a de limite que la dépense d’énergie, car une image d’image peut à son tour produire une image et ainsi de suite, jusqu’à se perdre dans le bruit et les pixels.

Ces images ne doivent pas être regardées comme des entités autonomes. Si toute image est traditionnellement liée à un réseau d’images, dans le cas de celles-ci la liaison est encore plus visible. Elles ne sont pas le résultat d’une interprétation et d’une métabolisation d’un arrière-plan culturel par un être humain. Elles sont le résultat de cet arrière-plan de façon statistique.

Ce sont les dernières images parce que ce sont réellement des images historiques : dans chaque image générée, il y a une infinité d’autres images et de textes sous-jacents qui ont alimenté sa production. Ce qui était auparavant une métaphore (la culture) devient une opération (la cosmotechnique).

Ce sont les dernières images et elles se multiplieront jusqu’à la fin, sans que nous puissions même savoir si cette fin sera la nôtre, la leur ou d’autre chose. Ce sera la profusion d’une fin et c’est pourquoi cette résurrection, rendant justice à l’histoire, est celle de ces images.

They are images of images, the result of an inductive synthesis of millions of documents accumulated by digitization and networking, weaving its logistics across lands, seas, cities and forests. They are a possible answer to the hypermnesia of our time, to this headlong rush of memory and its infrastructure as the extinction of the living accelerates.

If you look at them, they have something surrealist and to say Dali. They are kitsch, not because of the bad taste of the designer, but they are mechanically kitsch, so to speak innocently, because as an induction of multiple images, they reproduce their features and colors, forms and norms, and this is also the reason why we recognize them even though they have never existed. They have a family resemblance with all that we have already seen and all that remains to be seen in the accumulation of servers.

They are the last images because they are images of images. “Last” does not imply here a rarity, but on the contrary a prodigality: their recursivity has no limit but the expenditure of energy, because an image of image can in its turn produce an image and so on, until getting lost in the noise and the pixels.

These images should not be looked at as autonomous entities. If every image is traditionally linked to a network of images, in the case of these images the link is even more visible. They are not the result of an interpretation and a metabolization of a cultural background by a human being. They are the result of this background in a statistical way.

They are the last images because they are really historical images: in each generated image, there is an infinity of other underlying images and texts that have fed its production. What was previously a metaphor (culture) becomes an operation (cosmotechnics).

These are the last images and they will multiply until the end, without us even knowing if this end will be ours, theirs or something else. It will be the profusion of an end and that is why this resurrection, doing justice to history, is that of these images.